26 Sep NEWSLETTER OCTOBRE 2022
– Droit du travail français et européen
– Droit des affaires et droit commercial
Droit du travail
Sécurité sociale – Taux d’incapacité permanente.
Cass., Civ., 2ème, 22 septembre 2022, n°21-13232.
https://www.courdecassation.fr/decision/632c06a06ed81805da0b07a0?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=5&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=7
Aux termes de l’article L. 434-2, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente :
– est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ;
– ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation relative à l’état d’incapacité permanente de travail de la victime :
– de fixer le taux d’incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats ;
– dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l’employeur.
Licenciement et droit à l’expression directe et collective.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 21-13045.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcdd6ed81805da0b014f?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=7&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=9
M. K a été engagé, à compter du 19 septembre 2011, par la société I, en qualité d’employé au service d’approvisionnement.
Le 31 janvier 2015, l’employeur a notifié au salarié son licenciement.
Il résulte des articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail (rédaction ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) que les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail.
Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Pour dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir écarté les autres griefs imputés au salarié, retient :
– que lors de la réunion d’expression collective des salariés du 14 janvier 2015 ;
– il a, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d’imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière.
Il ajoute que le médecin du travail a constaté, deux jours plus tard, l’altération de l’état de santé de la supérieure hiérarchique. Il en déduit que ce comportement s’analyse en un acte d’insubordination, une attitude de dénigrement et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’abus par le salarié dans l’exercice de son droit d’expression directe et collective, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Licenciement et violences volontaires.
Cass. Soc., 21 septembre 2022, n° 20-16841.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcdb6ed81805da0b014d?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=8&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=0
M. U a été engagé par la société J, à compter du 1er septembre 2009, en qualité de conducteur routier.
Le 7 mars 2017, une altercation l’a opposé à un chauffeur, salarié d’une autre entreprise. Le 3 avril 2017, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire puis son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 28 avril 2017.
Contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de police a déclaré les deux salariés coupables de violences volontaires.
Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé.
L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.
La cour d’appel :
– ayant constaté que le licenciement était motivé par les faits de violences volontaires commis le 7 mars 2017, pour lesquels le salarié avait été condamné par le tribunal de police ;
– c’est à bon droit qu’elle a décidé que l’autorité absolue de la chose jugée au pénal s’opposait à ce que le salarié soit admis à soutenir devant le juge prud’homal, l’illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal.
Statut collectif du travail et action en nullité.
Cass. Soc., 21 septembre 2022, n° 20-23500.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfce86ed81805da0b015b?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=1&previousdecisionpage=1&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=2
Aux termes de l’article L. 2262-14 du code du travail, toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :
1° de la notification de l’accord d’entreprise prévue à l’article L. 2231-5, pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;
2° de la publication de l’accord prévue à l’article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.
Ce délai s’applique sans préjudice des articles L. 1233-24, L. 1235-7-1 et L. 1237-19-8 du code du travail.
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2231-5-1 du code du travail (rédaction de la loi du 29 mars 2018), les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement :
– sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable
– sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires.
Il résulte de ces dispositions que le délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche court à compter de la date à laquelle l’accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l’objectif de sécurité juridique.
Le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n’est qu’une mesure complémentaire répondant à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit.
Comité social et économique – Consultation.
Cass. Soc., 21 septembre 2022, n° 20-23660.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfce56ed81805da0b0157?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=1&previousdecisionpage=1&previousdecisionindex=1&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=3
La consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Contrat de travail et requalification.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 20-17627.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcf56ed81805da0b0169?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=2&previousdecisionpage=2&previousdecisionindex=5&nextdecisionpage=2&nextdecisionindex=7
L’employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.
En cas de requalification d’un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, l’employeur doit établir qu’il a satisfait à l’obligation de fournir un travail dont il est débiteur du fait de cette requalification.
Il n’est pas tenu au paiement du salaire lorsqu’il démontre que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition.
Règlement intérieur – Modification.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 21-10718.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfce36ed81805da0b0155?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=2&previousdecisionpage=2&previousdecisionindex=6&nextdecisionpage=2&nextdecisionindex=8
Selon l’article L. 1321-4 du code du travail (rédaction antérieure ordonnance du 22 septembre 2017), le règlement intérieur :
– ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ;
– ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Il résulte de ce texte que le règlement intérieur :
– ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel ;
– que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés.
Aux termes de l’article L. 2132-3 du même code, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
Il s’ensuit qu’un syndicat est recevable :
– à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit ;
– dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.
En revanche, un syndicat n’est pas recevable :
– à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise ;
– en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel.
Licenciement économique – Indicateur économique.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 20-18511.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcdf6ed81805da0b0151?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=2&previousdecisionpage=2&previousdecisionindex=7&nextdecisionpage=2&nextdecisionindex=9
Lorsque :
– n’est pas établie la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement, telle que définie à l’article L. 1233-3, 1°, a) à d), du code du travail (rédaction issue de la loi du 8 août 2016);
– il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Contrat de travail à durée déterminée – Requalification.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 21-16821.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcf46ed81805da0b0167?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=1&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=3
En application de l’article L. 1245-1 du code du travail (rédaction antérieure ordonnance du 22 septembre 2017) et l’article L. 1245-2 du même code :
– la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ;
– réciproquement, la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
Il en résulte que le salarié,
– engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée ;
– ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il établit qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.
L’employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.
En se déterminant :
– sans rechercher si l’employeur démontrait avoir rempli l’obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet ;
-et si la salariée avait, en se déclarant indisponible ou en congés sans solde, refusé d’exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition ;
la cour d’appel, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail et l’article 1315 devenu l’article 1353 du code civil.
Comité d’entreprise – Consultation.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° 20-17.058.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcea6ed81805da0b015d?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=2&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=4
En application des articles L. 2323-1 et L. 2323-31 du code du travail (rédaction de la loi du 17 août 2015), le comité d’entreprise :
– qui a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ;
– est informé et consulté sur les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs et sur les projets de restructuration et de compression des effectifs.
En vertu des articles L. 2323-6 et L. 2323-10 du code du travail (rédaction de la loi du 17 août 2015), le comité d’entreprise est consulté chaque année :
– sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ;
– et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages.
Selon l’article L. 2327-2, alinéa 3, du code du travail (rédaction de la loi du 17 août 2015), le comité central d’entreprise est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l’entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements.
Dans ce cas, son avis accompagné des documents relatifs au projet est transmis, par tout moyen, aux comités d’établissement.
Le comité central d’entreprise est également seul consulté sur les projets décidés au niveau de l’entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en œuvre, qui feront ultérieurement l’objet d’une consultation spécifique au niveau approprié, ne sont pas encore définies.
Durée du travail – Décompte.
Cass., Soc., 21 septembre 2022, n° n° 21-13.552
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfce66ed81805da0b0159?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=3&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=5
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code (rédaction de la loi du 8 août 2016) l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions :
– qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies ;
– il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Autorisation administrative de licenciement et séparation des pouvoirs.
Cass., Soc., 21 septembre, n° 19-12568.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfce16ed81805da0b0153?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=4&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=6
M. P a été engagé par la société W le 25 décembre 1995.
Il exerçait les fonctions de délégué syndical, de représentant syndical au comité d’établissement et au comité central d’entreprise et de conseiller du salarié.
Le 2 juin 2014, l’inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.
Il a été licencié le 4 juin 2014. Le 25 août suivant, l’inspecteur du travail a retiré sa décision du 2 juin 2014 et pris une nouvelle décision autorisant le licenciement pour motif économique.
Par ordonnance du 11 mai 2015, le tribunal administratif a dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la requête en annulation de la décision du 2 juin 2014 formée par le salarié, cette décision ayant été retirée.
Le 7 août 2014, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de constat d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une demande de paiement de certaines indemnités.
Par l’arrêt du 26 octobre 2018, la cour d’appel a partiellement sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de la question de la légalité de la décision du 25 août 2014 autorisant le licenciement du salarié.
Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal administratif a déclaré que cette décision d’autorisation n’est pas entachée d’illégalité.
Le pourvoi du salarié a été rejeté comme étant irrecevable par arrêt n° 445744 du Conseil d’Etat du 19 mai 2022.
Le juge judiciaire ne peut :
– sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive ;
– apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
Ayant constaté :
– que l’inspecteur du travail avait, par décision du 25 août 2014, décision dont la légalité ne peut plus être contestée, autorisé le licenciement pour motif économique du salarié ;
– la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’elle ne pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et sur les demandes indemnitaires présentées sur ce fondement.
Droits des affaires et droit commercial
Banque – Obligations de vigilance et de déclaration.
Cass., Com. 21 septembre 2022, n°21-12335.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcd56ed81805da0b0147?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=2&previousdecisionpage=2&previousdecisionindex=8&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=0
Les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 à L. 561-22 du code monétaire et financier (rédaction antérieure ordonnance du 1er décembre 2016) ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il résulte de l’article L. 561-19 du code monétaire et financier :
– que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 est confidentielle ;
– et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L. 561-36.
Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs.
Selon l’article L. 561-29, I, du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.
Contrat de vente et prix.
Cass., Com., 21 septembre 2022, n° 20-16994.
https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcd36ed81805da0b0145?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=3&previousdecisionpage=3&previousdecisionindex=7&nextdecisionpage=3&nextdecisionindex=9
Les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.
Aux termes de l’article 1134 du code civil (rédaction antérieure ordonnance du 10 février 2016), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il résulte de l’article 1591 du même code que si le contrat de vente peut ne pas porter en lui-même l’indication du prix, ce prix doit être déterminable et ne pas dépendre de la seule volonté d’une des parties ni d’un accord ultérieur entre elles.
Prêt et responsabilité contractuelle.
Cass., Civ., 2ème, 15 septembre 2022, n° 21-13670.
https://www.courdecassation.fr/decision/6322cd9939bd63fcb0944f91?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2
Il résulte de l’article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que la banque :
– qui propose à son client auquel elle consent un prêt d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements ;
– est tenue de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.
Le préjudice résultant de ce manquement :
– s’analyse en la perte d’une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation ;
– sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.
Entreprise en difficulté et plan de continuation.
Cass., Com., 14 septembre 2022, n° 21-11937.
https://www.courdecassation.fr/decision/63216f42dbb9ccfcb0f3784f?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&page=0&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=1&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=3
La société H et ses dix filiales ont été mises en redressement judiciaire le 14 novembre 2002.
Un plan de continuation, établi sur la base du passif excluant les créances faisant l’objet d’instances en cours, a été arrêté par jugement du 3 août 2004.
Sur requête du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal a, par jugement du 7 juin 2011, constaté la bonne exécution du plan de continuation et mis fin à la mission du commissaire à l’exécution du plan.
Les sociétés tierce opposantes, dont les créances déclarées faisaient l’objet d’instances toujours en cours, ont formé tierce opposition.
Il résulte de l’article L. 621-79 du code de commerce (rédaction antérieure loi du 26 juillet 2005) que le plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées.
Il en résulte que, lorsque le plan est arrivé à son terme, les créances déclarées qui n’ont pas été inscrites au plan peuvent être recouvrées par l’exercice par le créancier de son droit de poursuite individuelle.
Ayant relevé :
-d’une part, que les jugements des 3 août 2004 et 24 octobre 2005 ayant arrêté puis modifié le plan étaient passés en force de chose jugée et ne pouvaient plus être remis en cause ;
-et, d’autre part, que la mission du représentant des créanciers n’avait pas pris fin, la procédure de vérification des créances n’étant pas allée jusqu’à son terme ;
l’arrêt retient que les créanciers sont en mesure de faire admettre leurs créances au passif et ensuite de les recouvrer, le cas échéant.
La cour d’appel en a déduit à bon droit que, le jugement constatant la bonne exécution du plan n’ayant pas affecté les droits des sociétés appelantes de faire reconnaître leurs créances et de les faire payer, leur tierce opposition était irrecevable comme dépourvue d’intérêt.
Prêt en devises européennes et information des emprunteurs.
Cass., Civ., 1ère, 7 septembre 2022, n° 20-20826.
https://www.courdecassation.fr/decision/63183e8cf75a164f13450848?judilibre_juridiction=cc&judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=6&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=8
Suivant offre de prêt acceptée le 20 juin 2007 et acte authentique du 30 octobre 2007, la banque a consenti à l’emprunteur un prêt multidevises d’un montant de 500 000 euros ou « l’équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ».
Le prêt a été tiré pour un montant de 834 750 francs suisses. Le 16 juin 2011, la banque a procédé à la conversion en euros.
Invoquant l’irrégularité d’une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d’information et de mise en garde, l’emprunteur l’a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l’avenir et en paiement de dommages-intérêts.
Prive sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation (rédaction antérieure ordonnance du 14 mars 2016), la cour d’appel qui :
– pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives des clauses d’un contrat de prêt multidevises,
-retient que celles-ci, relatives au montant du prêt, à la devise choisie par l’emprunteur, au taux d’intérêt, aux modalités de remboursement et au coût du crédit, portent sur l’objet du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible,
– sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte.
European Court of Justice
Social policy – Protection of the safety and health of workers – Organisation of working time – Article 31(2) of the Charter of Fundamental Rights of the European Union – Directive 2003/88/EC – Article 7(1) – Right to paid annual leave – Total invalidity or incapacity for work due to illness occurring during a leave year – National legislation providing for the loss of entitlement to paid annual leave on expiry of a certain period – Employer’s obligation to enable the worker to exercise his or her right to paid annual leave.
ECJ, 22 September 2022, Joined Cases C 518/20 and C 727/20, Fraport.
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=266102&pageIndex=0&doclang=EN&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=256234
Article 7 of Directive 2003/88/EC of the European Parliament and of the Council of 4 November 2003 concerning certain aspects of the organisation of working time and Article 31(2) of the Charter of Fundamental Rights of the European Union must be interpreted as precluding national legislation under which the entitlement to paid annual leave, acquired by a worker during the leave year in the course of which that worker actually worked before finding him or herself in a state of total invalidity or incapacity for work due to illness which has persisted since, may lapse, either at the end of a carry-over period authorised under national law, or even at a later stage, where the employer has not, in good time, enabled the worker to exercise that entitlement.
Social policy – Protection of the safety and health of workers – Organisation of working time – Article 31(2) of the Charter of Fundamental Rights of the European Union – Directive 2003/88/EC – Article 7 – Right to paid annual leave – Allowance in lieu of leave not taken after the termination of the employment relationship – Three-year limitation period – Starting point – Adequate information provided to the worker.
ECJ, 22 September 2022, Case C 120/21, LB v/ TO.
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=266105&pageIndex=0&doclang=EN&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=256234
Article 7 of Directive 2003/88/EC of the European Parliament and of the Council of 4 November 2003 concerning certain aspects of the organisation of working time and Article 31(2) of the Charter of Fundamental Rights of the European Union must be interpreted as precluding national legislation under which the right to paid annual leave acquired by a worker in respect of a given reference period is time-barred after a period of three years which begins to run at the end of the year in which that right arose, where the employer has not actually put the worker in a position to exercise that right.
Coordination of social security systems – Regulation (EC) No 883/2004 – Article 13 – Determination of the legislation applicable – Agreement between the European Community and its Member States, of the one part, and the Swiss Confederation, of the other, on the free movement of persons – Annex II – Article 1(2) – Person pursuing the profession of lawyer the centre of interest of whose private and professional activities is situated in Switzerland and who also pursues that profession in two other Member States – Application for the award of an early retirement pension – National legislation requiring that the person concerned waive his right to practise the profession in question in the territory of the Member State concerned and abroad.
ECJ, 15 september 2022, Case C 58/21, Rechtsanwaltskammer Wien.
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=265548&pageIndex=0&doclang=EN&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=256234
The conflict rules laid down in Article 13(2) of Regulation (EC) No 883/2004 of the European Parliament and of the Council of 29 April 2004 on the coordination of social security systems are not applicable to the situation of a person who resides in the Member State in which the centre of interests of his or her activities is also situated, whilst pursuing an activity – which is distributed unevenly – in two other Member States, where it is necessary to determine whether that person has direct rights vis-à-vis the institutions of one of those two other Member States by virtue of contributions paid during a given period.
Articles 45 and 49 TFEU must be interpreted as precluding national legislation which makes the award of an early retirement pension applied for conditional on the waiver by the person concerned of the right to practise as a lawyer, without taking into account, in particular, the Member State in which the activity concerned is pursued.