06 Déc Contrat de travail – Durée
Cass., Soc., 17 novembre 2021, n°19-16756.
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Mme [D] a été engagée le 5 septembre 2012 en qualité d’expert-comptable par la société BCRH & associés. Le contrat de travail contenait une clause soumettant la salariée au régime du forfait en jours. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.
Après avoir démissionné le 2 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins notamment de faire prononcer la nullité de la clause de forfait en jours et d’obtenir un rappel d’heures supplémentaires.
D’abord, par son arrêt du 12 janvier 2011 (Soc., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.679), la Cour de cassation a statué non pas sur les garanties présentées par cette convention collective pour les salariés ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours mais sur la possibilité de soumettre la salariée partie au litige au régime du forfait en jours, au regard de l’autonomie dont elle disposait.
Par les arrêts du 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637), la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974. Elle a censuré un arrêt ayant fait application d’une convention individuelle de forfait en jours pour débouter un salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, en affirmant que les stipulations conventionnelles n’étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés et que la cour d’appel aurait dû en déduire que la convention de forfait était nulle.
Les arrêts précités du 14 mai 2014 ne constituent donc pas un revirement de jurisprudence. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une jurisprudence établie affirmant que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181).
Ensuite, l’article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, tel qu’interprété par la Cour de cassation à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, met en œuvre, d’une part, les dispositions de cette directive qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, d’autre part, l’exigence constitutionnelle du droit à la santé et au repos qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
En retenant que les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective applicable n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié concerné restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour d’appel a fait ressortir que la clause de forfait en jours avait été conclue sur le fondement d’un accord collectif ne satisfaisant pas aux exigences légales.
Il en résulte qu’en disant nulle la clause du contrat de travail relative au forfait en jours, la cour d’appel n’a pas porté atteinte à une situation juridiquement acquise et n’a violé ni l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Enfin, la cour d’appel a retenu à bon droit que, la clause de forfait en jours étant nulle, la salariée pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel de la salariée, et que l’employeur n’était pas fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.
Elle, a, après analyse des pièces produites par chacune des parties, évalué souverainement l’importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s’y rapportant.