Modification du contrat de travail et changement des conditions de travail .Etude de jurisprudence

par Michael AMADO, Avocat

Devant les récentes évolutions de la jurisprudence, il nous a paru intéressant de préciser le sort des nouvelles règles de jurisprudence permettant de distinguer les modifications du contrat de travail des changements des conditions de travail.
Il est demandé au lecteur de pardonner la forme volontairement synthétique mais bien peu littéraire du développement suivant, destiné essentiellement aux praticiens du Droit, initialement rédigé au profit des étudiants de droit de l’Université Paris II dans le cadre de leurs enseignements ainsi qu’aux différents avocats de notre cabinet.

 

Introduction. Evolution de la jurisprudence :

  1. Cass. Soc. 26 Janvier 1978 : Le régime de la modification du contrat suit celui de la résiliation : possible si elle n’est ni inopinée, ni abusive.
  2. Cass. Soc. 13 Mai 1986 : idem, en ce qui concerne la modification des clauses essentielles (ex. : rémunération).
  3. Cass. Soc. 8 Octobre 1987 : L’acceptation de la modification ne peut résulter de la poursuite du travail par le salarié + C’est à l’employeur de prendre la responsabilité de la rupture.
  4. Cass. Soc. 9 octobre 1991 :  En l’absence d’une volonté non équivoque du salarié de démissionner, la rupture du contrat de travail consécutif au refus du salarié de se soumettre à une sanction disciplinaire entraînant une modification substantielle de ses conditions de travail s’analyse en un licenciement. + Le refus du salarié de se soumettre à une sanction disciplinaire rend impossible la poursuite du contrat de travail durant le préavis (à pas d’indemnité de rupture à régler au salarié).
  5. Cass. Soc. 10 Juillet 1996 (1ère espèce) : Abandon de la distinction « modifications substantielles / non substantielles » (sauf pour les modifications pour cause économique). + Le changement des conditions de travail est décidé dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur. + Le refus du salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail constitue, en principe, une faute grave légitimant le licenciement.
  6. Cass. Soc. 10 Juillet 1996 (2ème espèce) : A défaut d’un licenciement, le contrat n’a pas été rompu et le salarié ne peut réclamer aucune indemnité.

 

  1. La modification du contrat de travail :

 

    1. Types de modifications :
  1. Pour cause personnelle : nécessité de l’accord du salarié

 

. Les socles du contrat de travail. (Modifications / lieu de travail. Cf. ci-après)
. Mode de rémunération. Cass. Soc.  28 janvier 1998 et 3 mars 1998
. Lieu de travail dans un secteur géographique différent.
Cf. Evolution relative au Lieu de travail (cf. ci-dessous)
Cass. Soc. 16 juillet 1997 : (faute grave)
et Cass. Soc. 5 mai 1999.
. Trouble manifestement illicite. Cass. Soc. 18 février 1998.

  1. Pour cause économique : L 321-1-2 Code du travail

 

. LRAR + mention que le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire  connaître son refus. Défaut de réponse du salarié = acceptation.
Mais : Cass. Soc. 10 décembre 2003 : (1er arrêt) L’inobservation du délai d’un mois rend sans cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu par suite du refus de la modification par le salarié. (2ème arrêt) La convocation à l’entretien préalable au licenciement avant l’expiration du délai d’un mois rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    1. Le refus du salarié :

 

  1. Cass. Soc. 8 Janvier 1997. Le licenciement effectué par l’employeur à l’encontre du salarié qui refuse la modification de son contrat peut être légitime (Cause réelle et sérieuse). En matière de licenciement pour motif économique, la lettre de licenciement doit mentionner :

. le motif économique (L 321-1 Code du travail) ;
. la circonstance que le licenciement fait suite au refus du salarié d’accepter les modifications de son contrat.

  1. Cass. Soc. 14 mai 1997 : La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié constitue un licenciement pour motif économique.           à Les juges du fond doivent vérifier que les conditions du licenciement pour motif économique sont réunies.

 

  1. Cass. Soc. 16 Juin 1998. Une modification du contrat de travail prononcée à titre disciplinaire ne peut être imposée à un salarié. En cas de refus du salarié, l’employeur peut prononcer une autre sanction (licenciement) aux lieu et place de la sanction refusée.
  1. Dans ce cas, le licenciement doit être fondé sur la cause de la modification du contrat et non sur le refus du salarié d’accepter cette modification.

 

  1. Changements des conditions de travail :

 

    1. Différents cas :
  1. Lieu de travail : si même secteur géographique et/ou si clause de mobilité.

 

. Cass. Soc. 22 janvier 2003 : Le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que (1) la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et (2) que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique.

. Cass. Soc. 3 Juin 2003 : La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information, à moins qu’il ne soit stipulé que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. En l’absence d’une telle clause dans le contrat de travail, le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat.
Analyse : La Cour de cassation distingue ainsi les mentions qui relèvent du champ contractuel  relevant de la force obligatoire édictée par l’Article 1134 du Code civil que l’employeur ne peut pas modifier sans le consentement du salarié, et les mentions qui relèvent de l’information, c’est-à-dire les éléments exclus du socle de l’accord entre les parties, dont la modification constitue un simple changement des conditions de travail soumis au pouvoir unilatéral de direction de l’employeur. Les arrêts du 3 Juin 2003 viennent confirmer la tendance de la Cour de Cassation à l’élargissement du domaine du pouvoir de direction de l’employeur en matière de changement de lieu de travail.

. Cass. Soc. 4 Avril 2006 : (suite après renvoi sur cassation de Cass. Soc. 3 Juin 2003) : Exigence de bonne foi contractuelle de l’employeur (Article 1134 al. 3 Code civil) + Le refus du salarié de poursuivre un simple changement des conditions de travail le rend responsable de l’inexécution du préavis.

. Cass. Soc 15 juin 2004 : La nature du changement de lieu de travail doit être appréciée objectivement au regard de la situation respective des deux lieux de travail et non des conditions de transport du salarié depuis son domicile. Il convient de se fonder, non sur les conditions de transport du salarié depuis son domicile, mais sur la desserte en moyens de transports de chacun des sites (ancien et nouveau lieu de travail) ;

. Cass. Soc. 7 Juillet 2004 : Distance de 20 km entre l’ancien et le nouveau lieu de travail (Vail-de-Reuil à Saint-Etienne-du-Rouvray) : le changement imposé constitue un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur et son refus, par le salarié, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (pas de recours à la mention du « secteur géographique »).

. Cass. Soc. 3 Mai 2006 : Appréciation de la notion de secteur géographique (en l’absence de clause relative au lieu de travail) en fonction du lieu de travail actuel (et non initial) du salarié et, en l’espèce, dans la « couronne urbaine » du chef-lieu de département (Angers à Avrillé, les deux villes étant dans le Maine et Loire).

. Cass. Soc. 7 Juin 2006 : Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application. A défaut, elle encourt la nullité.

  1. Tâche (attributions)  du salarié :

 

Si cette tâche correspond à la qualification du salarié. Cass. Soc. 10 mai 1999 et Cass. Soc. 23 Janvier 2001  (nouvelles attributions confiées au salarié).

  1. Horaires de travail :

 

. Cass. Soc. 17 Octobre 2000 (pause de midi) (absence de toute clause de variation) et Cass. 27 juin 2001 (présence d’une clause de variation) : relève du pouvoir de direction de l’employeur sauf s’il existe une clause contractuelle expresse prévoyant l’horaire.

. Cass. Soc. 9 avril 2002 : le changement d’horaires consistant dans une nouvelle répartition de l’horaire au sein de la journée n’est qu’un changement des conditions de travail dès lors que la durée du travail et la rémunération restent identiques.

Mais, au contraire, ne constituent pas des changements de conditions de travail (mais un changement du contrat de travail) :
. Cass. Soc. 27 février 2001 : passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail.
. Cass. Soc. 14 Novembre 2000 : Passage d’un horaire fixe à un horaire variable constitue une modification du contrat de travail.
. Cass. Soc. 10 Janvier 2001 : Abus de droit.

    1. Refus du salarié :

 

  1. Fait fautif / inexécution contractuelle

. Cass. Soc. 10 Juillet 1996 : en principe faute grave
. Cass. Soc. 16 Juillet 1997 : idem

  1. Mais revirement : appréciation in concreto, notamment en fonction du cas personnel du salarié. Cass. Soc. 17 octobre 2000 : Cause réelle et sérieuse.

 

Michaël AMADO, Avocat,

michael.amado@avocats-amado.net



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