NEWSLETTER AOUT-SEPTEMBRE 2020

NEWSLETTER AOUT-SEPTEMBRE 2020

  1. Droit du travail et sécurité sociale

  2. Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

  3. Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

  4. Cour de Justice de l’Union Européenne

 

 

Droit du travail et sécurité sociale

 

DUREE DU TRAVAIL – REGIME D’EQUIVALENCE.

CASS., SOC., 24 JUIN 2020, N°18-23510.

 

M. V… a été engagé, le 18 août 1997, par la société Sani Assistance en qualité d’ambulancier, coefficient 141 de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, son contrat de travail ayant été successivement transféré à la société STS Sani Assistance à compter du 1er octobre 2000, puis à la société Europ Ambulance à compter du 17 juillet 2006 et, enfin, à la société Europ Taurion Ambazac à compter du 18 mars 2008. Il occupait en dernier lieu, les fonctions d’ambulancier, catégorie B, 2ème degré.

Par lettre du 18 janvier 2013, il a pris acte de la rupture du contrat de travail et a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect des durées maximales du travail, des temps de pause et des repos.

La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 1er décembre 2005, C-14/04, points 51 et 52) ne fait pas obstacle à l’application des rapports d’équivalence aux durées maximales de travail fixées par le droit national dès lors que sont respectés les seuils et plafonds communautaires, pour l’appréciation desquels les périodes de travail effectif doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération.

Il résulte de l’article 3.1 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire dans sa rédaction issue de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008, repris par le décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire en son article 3, qu’afin de tenir compte des périodes d’inaction, ainsi que des repos, repas et coupures, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est compté sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d’activité prises en compte pour 75 % de leur durée pendant les services de permanence. En dehors des services de permanence, ce taux est fixé à 80 % à la date d’extension de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 83 % un an après la date d’extension de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 86 % deux ans après la date d’extension de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 90 % trois ans après la date d’extension de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008.

Aux termes l’article 2 de l’accord-cadre du 4 mai 2000, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 3 du 16 janvier 2008 la durée de travail effectif ne peut excéder 48 heures hebdomadaires au cours d’une semaine isolée. La durée maximale hebdomadaire de travail des personnels ambulanciers roulants ne peut excéder 48 heures en moyenne sur un trimestre ou toute autre période plus courte qui pourrait être mise en place dans l’entreprise par accord d’entreprise, au sens de la définition du temps de travail fixée par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Pour vérifier le respect de la limite maximale fixée au paragraphe ci-dessus, le temps de travail s’apprécie conformément aux définitions données par les dispositions communautaires en vigueur. En conséquence, cette limite maximale s’apprécie sans application du régime de pondération prévu au point a) d 3.1 de l’article 3.

Enfin, selon l’article 4 du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009, le recours au régime d’équivalence prévu à l’article 3 ne peut avoir pour effet de porter à plus de quarante-huit heures la durée hebdomadaire moyenne de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, comptée heure pour heure, sur une période quelconque de quatre mois consécutifs.

Ayant relevé que la contestation du salarié portait, non pas sur le dépassement du plafond de quarante-huit heures de durée moyenne du travail hebdomadaire calculée sur une période de quatre mois fixé par le droit de l’Union, mais sur le dépassement de la durée de travail de quarante-huit heures sur une semaine fixée par le droit national, la cour d’appel en a exactement déduit que les coefficients de pondération du régime d’équivalence prévu par l’article 3 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 devaient s’appliquer pour apprécier le respect de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures sur une semaine fixée tant par l’article 2 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 que par l’article L. 3121-35 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, de sorte qu’au regard de l’évolution des coefficients de pondération sur la période considérée, la durée hebdomadaire maximale de travail effectif avait été respectée sur la période non prescrite avant le 11 janvier 2009, et n’avait été dépassée pour la période postérieure et jusqu’en 2012, qu’à sept reprises.

La cour d’appel n’ayant ensuite pas tenu compte de la pondération résultant du régime d’équivalence, pour l’appréciation du respect des temps de pause, le moyen en ce qui les concerne, manque en fait.

Le droit de l’Union ne fait pas obstacle à l’application des rapports d’équivalence aux durées maximales de travail fixées par le droit national dès lors que sont respectés les seuils et plafonds communautaires, pour l’appréciation desquels les périodes de travail effectif doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération.

 

CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION DEFECTUEUSE.

CASS., SOC., 24 JUIN 2020, N°18-23869, 18-23870 ET 18-23871.

 

M. T… et deux autres salariées, engagés en qualité d’agent d’accueil clientèle, ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes en paiement.

L’article 4.3.1 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000 dispose qu’après 6 mois d’ancienneté, à la date du premier jour d’arrêt médicalement constaté, et en cas d’absence justifiée par l’incapacité résultant de la maladie ou d’un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, l’intéressé bénéficie des compléments d’indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d’avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d’être pris en charge par la sécurité sociale et d’être soigné sur le territoire national ou dans l’un des pays de la Communauté économique européenne.

Il en résulte que le bénéfice du dispositif conventionnel de complément d’indemnisation à la sécurité sociale n’implique pas la nécessité pour l’intéressé de percevoir une prestation de la caisse, mais simplement celle d’avoir la qualité d’assuré social.

C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a retenu que l’absence de remise à l’employeur du formulaire prévu par l’article L. 321-2 du code de la sécurité sociale ne pouvait faire obstacle au maintien de la rémunération des salariés dans les conditions prévues par le texte conventionnel.

Selon l’article 1153, alinéa 4, du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
Pour condamner l’employeur à verser à chacun des salariés des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt retient que le syndicat CGT Orange avait interpellé l’employeur à deux reprises, les 25 et 29 février 2016, à propos d’une violation des termes de l’article 4-3-1 de la convention collective des télécommunications, que le syndicat avait par la suite été conforté par l’avis de deux inspecteurs du travail, qu’en maintenant la retenue sur salaires du salarié sans motif valable, l’employeur avait mis fin aux échanges avec le syndicat CGT Orange, s’était privé du pouvoir de conciliation de l’Inspection du travail dans cette affaire et avait indûment retenu le salaire des salariés, que l’exécution déloyale du contrat de travail était, dès lors, constituée.

En se déterminant ainsi, sans caractériser l’existence d’un préjudice indépendant du simple retard dans le paiement des salaires causé par la mauvaise foi de l’employeur, le conseil de prud’hommes n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

PSE – ACCORD COLLECTIF.

CASS., SOC., 10 JUIN 2020, N°18-26229 ET 18-26230.

 

Le GIE Pari mutuel hippodrome a présenté un projet de transformation de son activité de mise en œuvre des paris sur les hippodromes parisiens, de Chantilly et de Deauville, qui s’accompagnait d’un plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant la cessation de son activité et la suppression de deux cent-neuf postes de travail. Un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi a été conclu le 2 juin 2015 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi le 30 juin 2015. M. L… et M. R… dont le contrat de travail a été rompu dans le cadre de ce licenciement collectif, ont saisi la juridiction prud’homale notamment de demandes en paiement de dommages-intérêts fondées sur la fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Il résulte des articles L. 1233-57-2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, et L. 1235-7-1 du code du travail que, dans le cas d’un licenciement collectif pour lequel l’employeur est tenu d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, l’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée notamment de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise, en particulier la vérification que le comité d’entreprise a été mis à même de formuler les avis mentionnés à l’article L. 1233-30 en toute connaissance de cause, et de la présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-63. Le contenu du plan et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.

Le juge judiciaire demeure ainsi compétent pour connaître de l’action exercée par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, de nature à priver d’effet les licenciements économiques prononcés à l’occasion du transfert d’une entité économique autonome, et de demander au repreneur la poursuite des contrats de travail illégalement rompus ou à l’auteur des licenciements illégaux la réparation du préjudice en résultant.

La cour d’appel, qui a constaté que le conseil de prud’hommes était saisi de demandes des salariés tendant à la condamnation de l’auteur des licenciements au paiement de dommages-intérêts en raison d’une fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, en a exactement déduit que la juridiction prud’homale était compétente.

 

CHARGE D’ENQUETE INTERMITTENT – CONVENTION COLLECTIVE.

CASS., SOC., 3 JUIN 2020, N°18-24945.

 

M. U… a été engagé le 1er juillet 1999 par la société Sofres Lyon en qualité de chargé d’enquête intermittent à garantie annuelle. L’annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 attachée à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dite Syntec s’appliquait à la relation de travail.

Après autorisation de l’inspecteur du travail sollicitée en raison de sa qualité de salarié protégé, M. U… a été licencié le 29 octobre 2009.

Il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Il résulte de l’article L. 212-4-9 du code du travail, applicable au litige, que dans les cas où la nature de l’activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des périodes de travail au sein de ces périodes, la convention ou l’accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés.

En application de ces dispositions, l’article 3 de l’annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 attachée à la convention Syntec, dans sa partie applicable aux chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle, intitulé conditions d’accès, prévoit que les périodes de travail n’étant pas définies au contrat, l’employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables, que toutefois, l’employeur pourra faire appel aux chargés d’enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur, et l’article 8 de ce même texte se rapportant à la forme du contrat prévoit que l’engagement du chargé d’enquête précise le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu à l’article 3 de la présente annexe.

La cour d’appel, après avoir constaté que le contrat de travail ne comportait pas de mention du délai de prévenance, a exactement retenu que l’omission d’une telle mention créée une présomption simple de travail à temps complet que l’employeur peut renverser en rapportant la preuve que le salarié n’avait pas à se tenir en permanence à sa disposition.

 

ACCIDENT PROFESSIONNEL – TRAVAILLEUR HANDICAPE – OBLIGATION DE RECLASSEMENT.

CASS., SOC., 3 JUIN 2020, N°18-21993.

 

M. G… a été engagé le 28 avril 1998 par la société ISS propreté en qualité d’agent d’entretien au sein de l'[…]. Le 15 juin 2010 il a été placé en arrêt de travail suite à un accident dont le caractère professionnel a été ultérieurement reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie. Le 24 décembre 2010, il a été reconnu travailleur handicapé. Après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d’appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement.

Ensuite, si le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3.

La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur, nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d’études de postes ni de recherche d’aménagements du poste du salarié, et qu’il n’avait pas consulté le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu’il y ait été invité à deux reprises par le salarié, a pu en déduire qu’il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d’une discrimination à raison d’un handicap était nul

L’obligation de reclassement d’un travailleur handicapé déclaré inapte doit être combinée à l’obligation spécifique au travailleur handicapé d’adaptation du poste de travail posée par l’article L. 5123-6 du code du travail. L’employeur doit prendre les «mesures appropriées » pour permettre au salarié handicapé de conserver son emploi. A défaut, le licenciement constitutif d’une discrimination à raison d’un handicap est nul.

 

CLUB SPORTIF – CONVENTION COLLECTIVE.

CASS., SOC., 3 JUIN 2020, N°18-13628.

 

M. E… a été engagé par l’association Nancy Volley Ball selon contrat à durée déterminée du 25 mai 2011 pour une durée du 1er septembre 2011 au 30 juin 2013 en qualité de joueur de volley-ball, puis, par avenant du 20 août 2011 pour une durée jusqu’au 30 juin 2014 en qualité d’entraîneur-joueur. Le 21 mars 2013, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur et en paiement de dommages-intérêts. Ayant signé le 17 mai 2013 un contrat de travail avec un autre club professionnel de volley-ball, le salarié a ”pris acte” de la rupture de son contrat de travail par lettre du 27 mai 2013.

D’abord, ayant constaté que l’engagement du salarié par un autre club sportif avait été précédé de la saisine, par l’intéressé, de la juridiction prud’homale en vue de la résiliation du contrat de travail en raison des manquements qu’il imputait à l’employeur, la cour d’appel a fait ressortir que cet engagement ne pouvait être considéré comme la manifestation par le salarié d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.

Ensuite, sans se déterminer par des motifs inopérants, la cour d’appel qui, prenant en considération les manquements invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu’à l’appui de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et analysant cette rupture anticipée à l’initiative du salarié au regard des dispositions de l’article L. 1243-1 du code du travail, a pu décider, peu important qu’elle l’ait improprement qualifiée de prise d’acte, qu’elle était justifiée par les manquements de l’employeur dont elle a fait ressortir qu’ils constituaient une faute grave.

 

CONVENTION COLLECTIVE – REPOS HEBDOMADAIRE.

CASS., SOC., 3 JUIN 2020, N° 18-18836 ET 18-19391.

 

Mme M… a été engagée par la société Méditerranéenne de sécurité, devenue Arroser, en qualité d’agent d’exploitation de sûreté aéroportuaire. La convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 était applicable à la relation de travail. La salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Ayant constaté que pendant ses temps de pause la salariée était libre de rester dans le local prévu à cet effet ou d’aller où bon lui semblait et que pesait sur elle la seule obligation de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour évoluer au sein de l’aéroport, la cour d’appel, qui n’était tenue de procéder ni à une recherche qui ne lui était pas demandée ni à une recherche que ses constatations rendait inopérante, a pu en déduire que la salariée ne se trouvait pas, pendant son temps de pause, à la disposition de l’employeur.
Selon l’article 7.01, alinéa 4, de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue, relatif au travail les dimanches et les jours fériés, en raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d’assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine, que les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos.

Pour condamner l’employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le repos hebdomadaire non pris, l’arrêt retient que la salariée devait bénéficier a minima obligatoirement de vingt-quatre dimanches de repos sur l’année et en moyenne de six week-ends par trimestre, qu’elle produit ses plannings, le récapitulatif de ses repos hebdomadaires et le décompte de ses congés payés sur la période considérée, que contrairement à ce que prétend l’employeur, son décompte modifié établi à partir de ses plannings ne comprend pas les dimanches pendant ses absences, périodes de congés ou arrêts de travail, et il en ressort qu’elle n’a pu prendre cinquante-trois dimanches de repos auxquels elle avait droit, ceci lui ouvrant droit en conséquence à des dommages-intérêts.

En statuant ainsi, alors qu’en application des dispositions conventionnelles le repos hebdomadaire dont bénéficie le salarié doit être apprécié sur une période de trois mois sans qu’il en résulte l’existence d’un contingent annuel de dimanches de repos, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

TRANSPORTS EN COMMUN – STATUT COLLECTIF – TEMPS DE TRAVAIL.

CASS., SOC., 3 JUIN 2020, N°18-16810.

 

Depuis le 9 décembre 2007, la société Keolis s’est vu confier, par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, l’exploitation du réseau des transports en commun lyonnais.

A la suite de la dénonciation durant l’été 2008 de l’ensemble du statut collectif des salariés et de l’échec de la négociation collective qui s’en est suivie, elle a mis en place unilatéralement, à compter du 1er janvier 2010, de nouvelles règles applicables à l’organisation et au décompte du temps de travail.

Contestant ces nouvelles mesures, le syndicat CGT des employés et ouvriers des transports en commun lyonnais (le syndicat), a saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes.

Le décret du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs prévoit, en ses articles 2 et 3 que l’organisation du travail dans le cadre d’un cycle de douze semaines ne nécessite pas d’accord d’entreprise et peut tenir compte des différents niveaux d’activités de l’entreprise tels que périodes scolaires ou vacances, ce qui justifie que la répartition de la durée du travail ne se répète pas à l’identique d’un cycle à l’autre.

Il résulte ensuite de l’article 5 de ce texte que l’organisation par cycle n’interdit pas que celle-ci comporte pour chaque cycle des heures supplémentaires programmées par avance sous réserve de ne pas dépasser la moyenne de 42 heures sur le cycle de douze semaines et 46 heures dans une même semaine, ce qui justifie la possibilité de cycles dépassant la moyenne de 35 heures et comportant par avance des heures supplémentaires.

Enfin, il résulte des articles 3, relatif à la mise en place du cycle d’organisation du travail et 9, relatif au repos hebdomadaire, d’une part, que les horaires de travail du salarié peuvent être modifiés en cas d’urgence sans qu’il soit besoin pour l’employeur de respecter le délai de prévenance prévu par le premier de ces articles, et d’autre part, que la nécessité de remplacer un salarié absent ou l’existence d’un surcroît d’activité constituent des « circonstances exceptionnelles » justifiant que l’employeur puisse déroger à l’obligation d’informer à l’avance le salarié de la date de son repos hebdomadaire afin d’être en mesure d’assurer la continuité du service public.

La cour d’appel a d’abord retenu que les dispositions de l’article 3 in fine du décret, en ce qu’elles prévoient, sauf en cas d’urgence, un délai de prévenance de sept jours en cas de changement d’horaires significatif ne régissaient que les changements d’horaires collectifs affectant l’ensemble d’une catégorie de personnel et n’avaient pas vocation à réglementer les changements d’horaires individuels affectant un salarié dans le cadre d’une journée de travail « décalée ». Elle a ensuite relevé que les salariés connaissaient, en début de chaque cycle, les jours dont l’amplitude horaire était susceptible d’être modifiée à la diligence de l’employeur, ces modifications horaires étant annoncées dans un délai de prévenance suffisant de 48 à 72 heures compatible avec le respect au droit à la vie privée et familiale des salariés. Elle a enfin énoncé que l’octroi de jours de repos supplémentaires en cours de cycle avait pour objet d’éviter la réalisation d’heures supplémentaires à l’intérieur du cycle mis en œuvre par l’employeur conformément à l’article 3 du décret du 14 février 2000.

Elle en a exactement déduit, d’une part, que le syndicat ne pouvait contester l’organisation mise en œuvre par la société Keolis au motif que la répartition des jours et horaires de travail varierait à l’intérieur d’un cycle et d’un cycle à l’autre et d’autre part, que cette organisation de la durée de travail par cycles, permettant un ajustement du temps de travail fluctuant même en cours de cycle, dont il ressort qu’elle ne remet pas en cause le calcul de la durée du travail et le décompte des heures supplémentaires sur un cycle de douze semaines, était conforme aux dispositions du décret du 14 février 2000.

Selon l’article 10 § 1 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs qui concerne le régime des coupures des personnels roulants, tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures bénéficie d’une coupure d’au moins 20 minutes. Cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d’attente dans les terminus et des différents temps d’inactivité ou d’interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d’une durée d’au moins cinq minutes consécutives. Pour des raisons techniques d’exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante.

Il résulte de ces dispositions que la coupure d’une durée de 20 minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures peut être fractionnée en plusieurs périodes d’inactivité dès lors que ces périodes sont d’une durée minimale de 5 minutes.

Pour dire que le système mis en œuvre par la société Keolis pour le personnel roulant, de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à l’article 10 du décret du 14 février 2000, l’arrêt énonce que s’il ressort de l’article 10 de ce décret que la coupure du personnel roulant peut être constituée de l’addition de divers temps (temps de repas, temps de disponibilité, temps d’attente ou autres temps d’inactivité), la formulation de ce texte, marqué par l’emploi du terme « coupure » au singulier ne permet pas que cette coupure puisse être scindée en plusieurs séquences dont la durée cumulée ne peut être inférieure à 20 minutes.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation

 

CONSOMMATION – SURENDETTEMENT.

CASS., COM., 17 JUIN 2020, N°19-10464.

 

MM. V… et Q… L…, assignés à cette fin par Mme G…, épouse D…, ont été mis en redressement judiciaire, M. N… étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

En premier lieu, il résulte, d’une part, des dispositions de l’article L. 711-3 du code de la consommation que le dispositif de traitement des situations de surendettement prévu par ce même code n’est pas applicable lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce et, d’autre part, de l’article L. 631-2 de ce dernier code, que la procédure de redressement judiciaire est applicable, notamment, à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant la nature de l’endettement invoqué.

L’arrêt constate que la société que MM. V… et Q… L… indiquent avoir constituée pour exercer leur activité professionnelle n’étant pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, il n’est pas établi que ces deux avocats ont effectivement cessé leur activité à titre individuel, ce dont il résulte qu’il est indifférent que la créance de Mme D… soit dépourvue de lien avec l’activité professionnelle de MM. L….

Ainsi, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que MM. V… et Q… L… relèvent, chacun, d’une procédure collective instituée par le code de commerce.

En second lieu, si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce la demande d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d’irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l’exception d’une demande subsidiaire d’ouverture d’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, ces textes n’interdisent toutefois pas au créancier poursuivant de présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande étant recevable, l’arrêt n’encourt pas le grief du moyen.

En troisième lieu, la cour d’appel, après avoir caractérisé l’ancienneté de la dette des consorts L…, constatée par un arrêt du 22 novembre 2005, et le fait que ceux-ci n’en contestent pas le caractère exigible, a énuméré les multiples et diverses voies d’exécution vainement exercées, tant sur des biens que sur des créances, par Mme D…, depuis 2007, pour recouvrer sa créance. Ayant ainsi fait ressortir l’impossibilité pour MM. V… et Q… L… de faire face à leur passif exigible avec leur actif disponible, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

 

FONDS DE COMMERCE – CESSION.

CASS. COM., 17 JUIN 2020, N°19-10341.

 

Le 10 février 2014, un juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de librairie d’une société mise en liquidation judiciaire au profit de M. N… “ou de toute personne physique ou morale qui s’y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements”. L’entrée en jouissance dans les locaux, appartenant à une société tierce, a été fixée au 11 février 2014. Le même jour, a été créée la société Nouvelle les 3 Epis Brive (la société Nouvelle), dirigée par M. N…, ayant pour objet social l’exploitation d’un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 euros. La société Nouvelle a été immatriculée le 10 avril 2014.

Le 1er avril 2014, le bailleur a délivré à M. N… un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. Une ordonnance de référé du 10 juillet 2014, confirmée par un arrêt du 5 mars 2015, a constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014, ordonné l’expulsion de M. N… et condamné celui-là, à titre provisionnel, au montant des loyers impayés du 11 février au 1er mai 2014 et à une indemnité d’occupation.

Par une ordonnance du 26 septembre 2014, sur la demande de M. N…, le président du tribunal de commerce a désigné un administrateur ad hoc pour le compte de la société Nouvelle, sur le fondement de l’article L. 611-3 du code de commerce. Par une déclaration déposée au greffe le 30 octobre 2014, la société Nouvelle, représentée par M. N…, a déclaré son état de cessation des paiements. Un jugement du 12 novembre 2014 a mis cette société en liquidation judiciaire, la société […] étant désignée en qualité de liquidateur. Un jugement du 17 mai 2016 a reporté la date de cessation des paiements au 1e avril 2014.

Le liquidateur a assigné M. N… afin de le voir condamner à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la société Nouvelle et à une mesure d’interdiction de gérer.

 

CONSOMMATION – PRET IMMOBILIER.

CASS., CIV. 1ERE, 12 JUIN 2020, N°19-16401.

 

M. et Mme C… (les emprunteurs) ont, le 14 juillet 2010, accepté une offre de prêt immobilier émise par la société HSBC France (la banque).

Invoquant le caractère erroné du taux effectif global (TEG) mentionné dans l’offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt légal et remboursement des intérêts indus.

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l’inexactitude du TEG mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d’affecter le TEG figuraient dans l’offre de prêt immobilier acceptée le 14 juillet 2010, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées.

 

CONSOMMATION – PRETS IMMOBILIERS.

CASS., CIV., 1ERE, 12 JUIN 2020, N°19-12984.

 

La société Banque postale (la banque) a consenti à M. et Mme Y… (les emprunteurs) quatre prêts immobiliers.

Invoquant le caractère erroné des taux effectifs globaux mentionnés dans l’offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus.

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l’inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d’affecter les taux effectifs globaux figuraient dans l’offre de prêt immobilier acceptée le 6 janvier 2010, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées.

 

CONSOMMATION – PRET IMMOBILIER.

CASS., CIV. 1ERE, 10 JUIN 2020, N°18-24287.

 

Suivant acte authentique du 17 octobre 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. et Mme E… (les emprunteurs). Après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt et délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente, resté sans effet, la banque a assigné devant le juge de l’exécution les emprunteurs, qui ont sollicité l’annulation de la stipulation conventionnelle d’intérêts et la substitution de l’intérêt au taux légal.

Selon l’article L. 313-2, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le taux effectif global (TEG) doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.

En l’absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l’offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu’en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité, l’inexactitude de la mention du TEG dans l’écrit constatant tout contrat de prêt, comme l’omission de la mention de ce taux, qui privent l’emprunteur d’une information sur son coût, emportent l’annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165).

Pour les contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.

Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

En premier lieu, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le TEG était erroné, faute d’inclusion du taux de cotisation mensuelle d’assurance réellement prélevé, et fait ressortir que l’erreur commise était supérieure à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la sanction de l’erreur affectant le TEG était la déchéance du droit aux intérêts de la banque dans la proportion fixée par le juge.

En second lieu, c’est par une appréciation souveraine que les juges du fond ont évalué le préjudice des emprunteurs et déterminé la proportion dans laquelle la déchéance du droit de la banque aux intérêts devait être fixée.

 

CONSOMMATION – CONTRAT DE PRET – TAUX.

CASS., CIV., 1ERE, 10 JUIN 2020, N°20-70001 (AVIS).

 

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire grand Ouest, et les conclusions écrites de M. Lavigne, les conclusions orales de M. Sudre, avocats généraux, à la suite duquel le président a demandé à l’avocat s’il souhaitait présenter des observations complémentaires.

Enoncé de la demande d’avis

« I. Sur l’application immédiate ou rétroactive de l’ordonnance n° 2019-740 du17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global :

1. Les dispositions de cette ordonnance, en ce qu’elles prévoient une sanction harmonisée de déchéance du droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge, notamment au regard du préjudice subi par l’emprunteur, sont-elles applicables aux contrats de prêt conclus avant son entrée en vigueur ?

2. En cas de réponse positive à la question 1, ces dispositions sont-elles applicables aux contrats de prêt faisant l’objet d’une instance en cours au jour de son entrée en vigueur ?

II. Sur le champ d’application matériel de cette ordonnance :

3. La sanction harmonisée de déchéance du droit aux intérêts est-elle applicable à l’erreur du calcul des intérêts conventionnels, qui équivaudrait à une erreur du taux conventionnel, notamment quand les intérêts n’ont pas été calculés sur la base d’une année civile ?

4. L’avenant prévu à l’article L. 313-39 du code de la consommation (antérieurement L. 312-14-1, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), est-il un « écrit constatant un contrat de prêt » au sens de l’article L. 314-5 du code de la consommation (ancien L. 313-2) et donc passible de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L. 341-48-1 résultant de l’ordonnance du 17 juillet 2019 ?

5. Si la réponse à la question 4 est négative, l’avenant doit-il être considéré comme une offre de prêt, si bien que l’erreur du taux effectif global ou du taux conventionnel serait passible de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L. 341-34, alinéa 2, résultant de l’ordonnance du 17 juillet 2019 ?

6. En cas de réponse négative aux questions 4 et 5, la nouvelle sanction harmonisée est-elle tout de même applicable aux erreurs relatives au taux effectif global et au taux conventionnel dans les avenants de renégociation prévus par les articles L. 312-14-1 ancien (L. 313-39 nouveau) du code de la consommation ?

III. En cas de réponse négative aux questions 1 et 2 (c’est-à-dire dans le cas où les dispositions de l’ordonnance du 17 juillet 2019 ne s’appliqueraient pas aux contrats antérieurs ou aux instances en cours) :

7. L’erreur dans le calcul des intérêts conventionnels, qui équivaudrait à un taux conventionnel erroné, peut-elle être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L. 312-33 ancien du code de la consommation (L. 341-34 depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016) renvoyant à l’article L. 312-8 ancien (L. 313-25 nouveau), si cette erreur trouve sa source dans l’offre de prêt, dans la mesure où ces textes, en exigeant la mention, dans l’offre de prêt, du taux effectif global (ou taux annuel effectif global selon la date du prêt), exigent, implicitement mais nécessairement, également la mention du taux conventionnel ?

8. Le surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, résultant du calcul des intérêts conventionnels sur une année autre que 365 jours, doit-il être démontré par l’emprunteur au niveau du taux effectif global, au niveau du taux conventionnel, voire au niveau des deux taux ?

9. Faut-il déduire du fait que l’article L. 312-33 ancien du code de la consommation (L. 341-34 nouveau), qui prévoit la déchéance du droit aux intérêts, ne renvoie pas à l’article L. 312-14-1 ancien (L. 313-39 nouveau), que la sanction applicable en cas d’erreur relative au taux effectif global ou au taux conventionnel mentionnés dans l’avenant de renégociation, n’est pas la déchéance du droit aux intérêts ?

IV. Quelles que soient les réponses aux questions précédentes :

10. L’avenant prévue à l’article L. 312-14-1 du code de la consommation (L. 313-39 nouveau), qui exige la mention du taux effectif global, doit-il, serait-ce par un document distinct, comporter la mention du taux de période et de la durée de la période, qui doivent, selon l’article R. 313-1 ancien, être expressément communiqués à l’emprunteur ? »

Examen de la demande d’avis

Sur les questions n° 1 et n° 2 relatives à l’application dans le temps de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 :

1. Il résulte de l’ordonnance du 17 juillet 2019, qui généralise la sanction jusqu’alors applicable en cas d’irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, qu’en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.

2. Dès lors que cette ordonnance ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, qu’elle n’obéit pas à des considérations d’ordre public impérieuses et qu’elle sanctionne un vice affectant le contrat au jour de sa conclusion, elle ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion.

3. Il doit donc être répondu négativement à la première question, ce qui rend sans objet la deuxième.

4. Cependant, même lorsque l’ordonnance du 17 juillet 2019 n’est pas applicable, l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié).
Sur les questions n° 3 à n° 6 relatives au champ d’application matériel de l’ordonnance du 17 juillet 2019

5. L’ordonnance du 17 juillet 2019 étant inapplicable aux contrats de crédits litigieux, conclus avant son entrée en vigueur, les questions n° 3 à n° 6, qui concernent le champ d’application matériel de cette ordonnance, ne commandent pas l’issue du litige.

Sur la question relative à la sanction encourue en cas de mention, dans l’offre de crédit immobilier, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile :

6. La question n’est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu’il a été jugé que la mention, dans l’offre de prêt immobilier, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, lorsque l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale (1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875, publié).

Sur la question relative au taux concerné par l’erreur supérieure à la décimale résultant du calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année autre que l’année civile :

7. La question ne présente pas de difficulté sérieuse, dès lors que la décimale est nécessairement celle prévue à l’article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, seul ce texte prévoyant une telle marge d’erreur. Il s’ensuit que le taux concerné par l’erreur supérieure à la décimale est le taux effectif global.

Sur la question relative à la sanction applicable en cas d’erreur affectant le taux conventionnel ou le taux effectif global mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier :

8. L’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, même lorsque le contrat a été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019 (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié).

9. La même sanction s’impose en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, afin de permettre la prise en considération de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur.
10. Il s’ensuit qu’en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge.

Sur la question relative à la mention du taux de période et de la durée de la période dans l’avenant au contrat de crédit immobilier :

11. La question n’est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu’il a été jugé qu’en cas de renégociation d’un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-26.769, publié) .

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

1°/ Est d’avis que les dispositions de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur ;

2°/ Est d’avis qu’en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge ;

3°/ Dit n’y avoir lieu à avis pour le surplus.

 

Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers

 

ETAT D’URGENCE SANITAIRE – MESURE D’INTERDICTION DE SORTIR DU DOMICILE.

CE, 22 JUILLET 2020, 6EME– 5EME CH. REUNIES, N° 440149.   

 

Si le 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique (CSP) permet au Premier ministre, dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré et pour garantir la santé publique, d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, il précise que la mesure doit être strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu, qu’il y est mis fin sans délai lorsqu’elle n’est plus nécessaire et réserve expressément les déplacements indispensables aux besoins familiaux ou de santé

Ces dispositions donnent ainsi au Premier ministre, lorsque la situation l’exige et que les conditions posées sont remplies, la possibilité non d’interdire, par une mesure individuelle, à une personne déterminée de sortir de son domicile, mais de prendre un acte réglementaire à caractère général, ayant pour objet de viser un ensemble des personnes se trouvant dans une circonscription territoriale dans laquelle l’état d’urgence sanitaire est déclaré, et qui n’a d’autre but, conformément à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, que de protéger la santé de l’ensemble de la population en prévenant la propagation incontrôlée d’une épidémie.

La contestation d’une telle mesure, eu égard à sa nature et à son objet, n’est pas au nombre de celles que l’article 66 de la Constitution réserve à la compétence de l’autorité judiciaire.

 

European Court of Justice

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — AIR TRANSPORT — MONTREAL CONVENTION — ARTICLE 17(2) — LIABILITY OF AIR CARRIERS IN RESPECT OF CHECKED BAGGAGE — FACT OF LOSS OF CHECKED BAGGAGE ESTABLISHED — RIGHT TO COMPENSATION — ARTICLE 22(2) — LIMITS OF LIABILITY IN THE EVENT OF DESTRUCTION, LOSS AND DELAY OF, OR OF DAMAGE TO, BAGGAGE — ABSENCE OF INFORMATION REGARDING THE LOST BAGGAGE — BURDEN OF PROOF — PROCEDURAL AUTONOMY OF THE MEMBER STATES — PRINCIPLES OF EQUIVALENCE AND EFFECTIVENESS.

ECJ, 9 JULY 2020, CASE C‑86/19,SL V VUELING AIRLINES SA.

 

Article 17(2) of the Convention for the Unification of Certain Rules for International Carriage by Air, concluded in Montreal on 28 May 1999, signed by the European Community on 9 December 1999 and approved on its behalf by Council Decision 2001/539/EC of 5 April 2001, read in conjunction with Article 22(2) of that convention, must be interpreted as meaning that the sum provided for in that latter provision as the limit of the air carrier’s liability in the event of destruction, loss and delay of, or of damage to, checked baggage which has not been the subject of a special declaration of interest in delivery constitutes a maximum amount of compensation which the passenger concerned does not enjoy automatically and at a fixed rate. Consequently, it is for the national court to determine, within that limit, the amount of compensation payable to that passenger in the light of the circumstances of the case.

Article 17(2) of the Montreal Convention, read in conjunction with Article 22(2) thereof, must be interpreted as meaning that the amount of compensation due to a passenger, whose checked baggage which has not been the subject of a special declaration of interest in delivery has been destroyed, lost, damaged or delayed, must be determined by the national court in accordance with the applicable rules of national law, in particular in relation to evidence. Those rules must not, however, be any less favourable than those governing similar domestic actions and must not be framed in such a way as to render impossible in practice or excessively difficult the exercise of rights conferred by the Montreal Convention.

 

REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — CONSUMER PROTECTION — DIRECTIVE 93/13/EEC — UNFAIR TERMS IN CONSUMER CONTRACTS — SCOPE — ARTICLE 1(2) — DEFINITION OF ‘MANDATORY STATUTORY OR REGULATORY PROVISIONS’ — SUPPLEMENTARY PROVISIONS — LOAN AGREEMENT DENOMINATED IN A FOREIGN CURRENCY — TERM RELATING TO THE FOREIGN EXCHANGE RISK.

ECJ, 9 JULY 2020, CASE C‑81/19, NG,OH.

 

Article 1(2) of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts must be interpreted as meaning that a contractual term which has not been individually negotiated but which reflects a rule that, under national law, applies between contracting parties provided that no other arrangements have been established in that respect falls outside the scope of that directive.



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