08 Avr NEWSLETTER – AVRIL 2015
Droit du travail et sécurité sociale
- Grèves dans les services publics – Préavis. Cour de cassation, Soc., 11 février 2015, N°13-14607.
Le 27 juin 2011, le syndicat CGT de la Régie des transports de Marseille a déposé un préavis de grève à compter du 3 juillet 2011 à 0 heure jusqu’au 31 décembre 2011 à minuit, concernant tous les agents de la Régie et la totalité de leur service. Différentes déclarations individuelles d’intention de grève ont été adressées avant le début annoncé de la grève à l’employeur. Le 6 juillet 2011, la Régie a affiché une note d’information indiquant : « Le 27 juin dernier, la CGT a déposé un préavis de grève du 3 juillet à 0 heure 00 au 31 décembre 24 heures 00. Or, depuis le 3 juillet aucun salarié ne s’est mis en grève, le mouvement n’ayant pas débuté à la date initialement prévue, le préavis ne peut plus produire d’effet. Aucun arrêt de travail ne peut donc avoir lieu dans le cadre de ce préavis. La Direction tenait à porter cette information à la connaissance des salariés notamment de ceux ayant déposé une déclaration individuelle d’intention de grève ». Le syndicat a saisi le tribunal de grande instance d’une requête tendant à la condamnation de l’employeur à retirer cette note et à lui payer des dommages-intérêts.
Si, dans les services publics, la grève doit être précédée d’un préavis donné par un syndicat représentatif et si ce préavis, pour être régulier, doit mentionner l’heure du début et de la fin de l’arrêt de travail, les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis. Il en résulte que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé, d’une part, que l’employeur ne pouvait, dans la période ainsi définie, déduire de l’absence de salarié gréviste au cours des trois premiers jours de la période visée par le préavis que celui-ci était devenu sans effet et, d’autre part, que la note litigieuse, en laissant craindre aux salariés qu’ils pouvaient faire l’objet de sanctions en cas d’arrêt de travail, portait atteinte à leur droit de grève et devait ainsi être retirée des panneaux d’affichage de l’entreprise.
Ensuite, ayant constaté que les déclarations d’intention individuelle de grève et les feuilles de service précisant les horaires et la durée des arrêts de travail de certains salariés grévistes n’établissaient pas la volonté de détourner les prescriptions de l’article L. 2512-3 du code du travail ni de désorganiser le fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
Une illustration de la règle du préavis en matière d’exercice du droit de grève dans les services publics (en l’espèce, la Régie des transports de Marseille).
- Prime d’ancienneté – Mode de Calcul. Cour de cassation, Soc., 11 février 2015, N°13-13689.
- X…, engagé le 16 juillet 1976 par la société Crédit immobilier de France-Centre Ouest, a pris sa retraite le 30 juin 2010 en qualité de cadre. La convention collective nationale des entreprises membres du réseau Crédit immobilier de France du 18 mai 1988, à laquelle était soumis l’employeur, a été dénoncée le 27 juillet 2007 et qu’un accord de substitution a été conclu le 18 décembre 2007 par les partenaires sociaux prévoyant que la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968 se substituait à compter du 1er janvier 2009 à la convention précédemment appliquée. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappel de prime d’ancienneté et de revalorisation de son indemnité de fin de carrière en invoquant les dispositions plus favorables de la précédente convention en application de l’article 50 de la nouvelle convention.
Pour accueillir ces demandes, le jugement retient que les avantages acquis étaient l’ensemble des avantages consentis par l’application de la convention collective, que la prime d’ancienneté devait être calculée selon les dispositions de la convention collective des sociétés financières, compte tenu de l’accord de substitution, que cependant l’employeur n’avait pas fait application de l’article 50 de ladite convention qui prévoyait que la convention ne s’appliquait pas si l’avantage concédé précédemment était plus favorable au salarié, que l’employeur avait confirmé, par lettre du 8 janvier 2009, que la prime d’ancienneté acquise antérieurement était conservée, qu’en conséquence, l’article 50 de la convention s’appliquait sur le calcul de la prime d’ancienneté en ce que cet article prévoyait l’application de la disposition antérieure réputée plus favorable au salarié pour le mode de calcul et non sur le quantum de la prime.
En statuant comme il l’a fait, alors, d’une part, qu’il constatait que la prime d’ancienneté et son mode de calcul résultaient des dispositions de la convention collective nationale du personnel des sociétés de Crédit immobilier de France, dénoncée par la partie patronale le 27 juillet 2007, et dont les dispositions avaient été remplacées par celles de la convention collective nationale des sociétés financières en application d’un accord de substitution conclu le 18 décembre 2007 avec effet au 1er janvier 2009, de sorte que ces dernières s’appliquaient, seules, aux salariés à compter de cette date, sous réserve de la prolongation temporaire, prévue par l’accord de substitution, de certains avantages au nombre desquels ne figuraient pas ceux relatifs à la prime d’ancienneté, et alors, d’autre part, que si l’employeur s’était engagé à conserver la prime d’ancienneté acquise par le salarié avant le 1er janvier 2009, cet engagement s’entendait du montant de cette prime, le conseil de prud’hommes a violé les articles L. 2261-9,L. 2261-11 et L. 2261-13 du code du travail.
- Règlement intérieur – Vêtements de travail. Cour de cassation, Soc., 11 février 2015, N°13-16457.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1321-4 du code du travail que les clauses du règlement intérieur ne peuvent être modifiées qu’après que le projet a été soumis à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour les matières relevant de sa compétence.
Ayant relevé, qu’alors que l’article 16 du règlement intérieur prévoyait que les vêtements de travail ne devaient pas être portés en dehors du lieu et des heures de travail, l’employeur avait introduit, à compter du mois de mai 2009, une exception permettant au salarié de venir et de repartir de son travail en portant sa tenue de travail, sans soumettre cette modification au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la cour d’appel a décidé à bon droit que cette modification n’était pas opposable au salarié.
Cette affaire concernait le responsable d’un magasin d’une grande chaîne de distribution alimentaire (Aldi).
- Rémunération – Prime de bonus. Cour de cassation, Soc., 4 février 2015, N°13-18523.
- X… a été engagé le 1er novembre 1999 par la société JSP. Soutenant que sa rémunération était inférieure au SMIC dès lors qu’elle incluait une prime de bonus, l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement d’un rappel de salaire et de dommages-intérêts. Le salarié a démissionné en cours de procédure.
Pour dire que la prime de bonus ne doit pas être prise en compte au titre du SMIC et condamner en conséquence l’employeur au paiement de rappels de salaire, l’arrêt retient que la prime de bonus litigieuse n’avait aucun caractère prévisible, son montant étant fort variable, que le barème selon lequel elle était calculée n’était pas défini par un accord collectif, et que son montant ne dépendait pas uniquement de la production du salarié dès lors que le tonnage produit était aussi fonction de contraintes imposées par d’autres services.
En statuant ainsi alors qu’il résultait de ses constatations que la prime était déterminée en fonction du tonnage produit auquel participait le salarié, de sorte qu’elle constituait la contrepartie d’un travail, la cour d’appel a violé les articles L. 3231-1, L. 3231-2, D. 3231-5 et D. 3231-6 du code du travail.
- Contrat de portage salarial. Cour de cassation, Soc., 4 février 2015, N°13-25627.
- X…, engagé le 2 octobre 2006 par la société Jam communication en qualité de rédacteur pour assurer des missions auprès de la société Entrecom exerçait, à compter d’un avenant en date du 1er mars 2008, la fonction de directeur de contenu avec le statut cadre. Il a été licencié le 19 mars 2010 au motif qu’il n’avait pas respecté la clause d’objectifs de son contrat de travail qui lui faisait obligation de conclure avant la fin de sa mission en cours une ou des missions nouvelles équivalentes à cinq jours. Il a saisi la juridiction prud’homale.
L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaires, de congés payés, d’indemnité de licenciement et d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l’économie du portage salarial repose sur le fait que c’est au salarié porté qu’il appartient de trouver des missions auprès d’entreprises clientes. En conséquence, si le salarié porté est soumis au régime du salariat pour ce qui concerne sa rémunération et ses accessoires, l’entreprise de portage salarial ne saurait être tenue de lui fournir du travail. En énonçant, pour condamner la société Jam communication à payer diverses sommes à M. X… à titre d’indemnités et de rappel de salaire, que le contrat de portage comporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail au salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 1251-64 du code du travail.
La conclusion d’un contrat de travail emporte pour l’employeur obligation de fourniture du travail.
- Convention de forfait – Durée du travail – Rémunération. Cour de cassation, Soc., 4 février 2015, N°13-20891.
- X… a été engagé, le 5 janvier 2009, par la société Lidl (la société) en qualité de responsable de réseau, statut cadre niveau 7, soumis à un forfait annuel de deux cent seize jours travaillés. Il a saisi, le 17 janvier 2011, la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant un harcèlement moral, l’irrégularité de sa convention de forfait en jours et en sollicitant un rappel d’heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour manquements répétés à la législation relative aux temps de repos. Il a été licencié le 5 août 2011.
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Ensuite, il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Enfin, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires l’arrêt retient d’abord que si les attestations produites démontrent qu’il effectuait à certains moments des heures au delà de la durée légale, il résulte du taux horaire conventionnel d’un cadre niveau VII en 2010, que le salaire qu’il a perçu inclut déjà 16,5 heures supplémentaires, ensuite qu’il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il effectuait des heures supplémentaires au delà de 51,5 heures hebdomadaires.
En statuant ainsi, alors que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre conformément aux dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail et alors que le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail.
Pour débouter le salarié de sa demande en indemnisation au titre du repos quotidien et du dépassement des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, l’arrêt retient qu’il ne rapporte pas la preuve d’avoir été empêché de prendre ses jours de congés.
Cependant, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
En statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur ne justifiait pas avoir satisfait à ses obligations, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 3121-31, L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail et 1315 du code civil.
Une décision intéressante sur les conventions de forfait.
- Conventions collectives – Indemnités de repas et de panier. Cour de cassation, Soc., 4 février 2015, N 13-28034 à 13-28048.
- X…et neuf autres salariés ont été engagés par la société Pacific Cars en qualité de conducteur receveur, la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 étant applicable aux relations contractuelles. Ils ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Si l’employeur peut, par un engagement unilatéral, accorder des avantages supplémentaires à ceux résultant d’une convention ou d’un accord collectif de travail, il ne peut substituer à ces avantages conventionnels des avantages différents. Les titres-restaurants, qui permettent à un salarié d’acquitter en tout ou partie le prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3 du code du travail, ne sauraient être assimilés à l’indemnité de repas prévue par l’article 3 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950, laquelle a pour objet, par l’octroi d’une somme forfaitaire, de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement. Il en résulte qu’un employeur ne saurait substituer au versement de l’indemnité conventionnelle de repas à laquelle il est tenu l’octroi de titres-restaurants et d’une prime de panier.
Ayant relevé que l’employeur avait remplacé le paiement de l’indemnité conventionnelle de repas par celui d’indemnités de panier s’ajoutant aux tickets restaurant dont bénéficiaient tous les autres salariés de l’entreprise, la cour d’appel, qui en a exactement déduit qu’il avait substitué à un avantage conventionnel des avantages différents, a légalement justifié sa décision.
Droit des affaires, concurrence, distribution et consommation
- Consommation – Prêts. Cour de cassation, Ch. mixte, 27 février 2015, N°13-13709.
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (la caisse) a consenti les 6 juin 2001, 8 août 2006, 3 novembre 2006 et 3 mai 2007 à la société X… divers prêts dont M. Fabrice X…, son gérant, s’est porté caution solidaire aux mêmes dates. M. Cédric X…, qui s’était également porté caution des trois derniers prêts, a été déchargé de ses engagements à raison de leur disproportion manifeste.
La sanction prévue par l’article L. 341-4 du code de la consommation prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs. Il s’en déduit que le cofidéjusseur, qui est recherché par le créancier et qui n’est pas fondé, à défaut de transmission d’un droit dont il aurait été privé, à revendiquer le bénéfice de l’article 2314 du code civil, ne peut ultérieurement agir, sur le fondement de l’article 2310 du même code, contre la caution qui a été déchargée en raison de la disproportion manifeste de son engagement.
Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux justement critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié.
- Crédit-bail immobilier. Cour de cassation, Com., 17 février 2015, N°13-17076.
La société Fructicomi, devenue la société Natixis Lease immo (le crédit-bailleur), a conclu avec la société Bernelec un contrat de crédit-bail immobilier. La société Etablissements Jaunet, venant aux droits de la société Jaunet développement, s’est s’engagée à devenir cessionnaire de ce contrat si la société Bernelec devait manquer à son obligation de paiement de l’une des échéances et ne pas satisfaire à un commandement de payer dans un délai de trente jours, la réalisation de ces conditions suspensives devant être constatée par acte notarié. La société Bernelec a été mise en liquidation judiciaire le 28 janvier 2010. Le 2 avril 2010, le crédit-bailleur a fait délivrer au liquidateur un commandement de payer au titre des loyers et charges dus après le jugement d’ouverture et l’a dénoncé à la société Etablissements Jaunet. Par acte notarié du 21 juin 2010 a été constaté le caractère parfait de la cession du contrat à celle-ci. A la demande de cette dernière, le juge-commissaire, par ordonnance du 24 janvier 2011, a constaté la résiliation de plein droit du contrat à effet du 3 mai 2010. Le crédit-bailleur a formé un recours contre cette décision.
D’une part, ayant relevé que le crédit-bailleur avait, le 2 avril 2010, seulement fait commandement au liquidateur de payer l’arriéré locatif en l’avertissant, ainsi que la société Etablissements Jaunet, qu’il entendait se prévaloir de la clause de cession du contrat de crédit-bail, dont il leur a rappelé les conditions de mise en œuvre, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a retenu que, par ce commandement, le crédit-bailleur n’avait pas mis le liquidateur en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat.
D’autre part, seul un contrat en cours pouvant être cédé, l’intention du cocontractant de poursuivre la relation contractuelle avec le cessionnaire implique celle de maintenir cette relation avec le cédant jusqu’à la cession. Ayant retenu que le crédit-bailleur avait clairement manifesté son intention de poursuivre le contrat avec la société cessionnaire du contrat par l’acte de dénonciation sous condition suspensive et la sommation à comparaître devant le notaire, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche sur l’absence de règlement des causes du commandement de payer, que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la condition de la résiliation de plein droit prévue par l’article L. 641-11-1 III 2°, du code de commerce n’était pas remplie.
Enfin, la résiliation de plein droit du contrat en cours prévue par l’article L. 641-11-1, III-3°, du code de commerce, qui intervient au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat, suppose une manifestation expresse de volonté de la part de ce dernier, de sorte que la cour d’appel n’avait pas à effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la troisième branche.
- Secret bancaire – Messages électroniques. Cour de cassation, Com., 10 février 2015, N°13-14779.
La société Newedge Group (la société Newedge) et la société GFI Securities Ltd (la société GFI) ont l’une et l’autre pour objet le courtage d’instruments financiers. La société Newedge, reprochant à la société GFI d’avoir provoqué la désorganisation de son activité en débauchant un grand nombre de ses salariés, a été autorisée, par ordonnance sur requête, à faire procéder à un constat au siège de cette société ainsi que sur les outils de communication mis à la disposition de ses anciens salariés. L’ordonnance du juge des référés rejetant la demande de la société GFI tendant à la rétractation de cette autorisation a été partiellement confirmée par la cour d’appel.
Les messages écrits (“short message service” ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels. Il en résulte que la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve.
Ayant retenu que les SMS à caractère non marqué “personnel” émis et reçus sur du matériel appartenant à la société Newedge étaient susceptibles de faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et que l’utilisation de tels messages par l’employeur ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la deuxième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, a légalement justifié sa décision.
Le secret professionnel institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier constitue un empêchement légitime opposable au juge civil.
Pour rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête formée par la société GFI, l’arrêt retient que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et qu’en ordonnant la mise sous séquestre par l’huissier de justice de toutes les copies de documents ou de fichiers réalisés dans le cadre de la mission et en précisant qu’il ne pourrait être procédé à la mainlevée du séquestre que par voie de référé, c’est-à-dire contradictoirement, le juge de la requête a assuré la préservation du respect du secret bancaire ou du secret des affaires et de la confidentialité.
En statuant ainsi, alors que l’empêchement légitime résultant du secret bancaire ne cesse pas du seul fait que l’établissement financier est partie à un procès, dès lors que son contradicteur n’est pas le bénéficiaire du secret auquel le client n’a pas lui-même renoncé, la cour d’appel a violé l’article L. 511-33 du code monétaire et financier, ensemble l’article 11 du code de procédure civile.
Une illustration du secret professionnel rapporté aux messages électroniques.
- Contrat de distribution – Préavis. Cour de cassation, Com., 10 février 2015, N°13-26414.
La société Seco Tools France ayant mis fin au contrat de distribution exclusive qui la liait à la société Dorise, celle-ci l’a assignée en réparation de son préjudice sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
Sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures. Après avoir constaté que la société Seco Tools France avait elle-même estimé que la société Dorise avait droit à un préavis, ce qui excluait l’existence de manquements graves de la part de celle-ci, l’arrêt retient que les fautes qui lui sont reprochées dans la commercialisation des produits fabriqués par son fournisseur, à les supposer établies, ne sauraient justifier la fin prématurée de l’exclusivité territoriale dont elle bénéficiait et que le délai de préavis de douze mois accordé par la lettre de rupture du 22 janvier 2009 a été privé de son intérêt par la décision concomitante de retrait de l’exclusivité territoriale avec effet immédiat pour l’un des départements et à effet différé au 22 juillet 2009 pour les autres, plaçant la société Dorise dans l’impossibilité de mettre à profit le préavis pour se réorganiser.
Il résulte de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même.
Après avoir retenu que la rupture avait été brutale, l’arrêt du 12 septembre 2013 alloue à la société Dorise une somme de 1 350 euros pour des frais de modification de la « base éditoriale » et une autre de 12 000 euros pour des frais de déplacement et de formation de salariés occasionnés par la recherche de nouveaux fournisseurs.
En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’insuffisance de préavis avait été de nature à engendrer ces préjudices, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
- Consommation – Transport aérien. Cour de cassation, Com., 10 février 2015, N°12-26023.
La société Ryanair Limited (la société Ryanair), compagnie de transport aérien, est titulaire de la marque communautaire verbale « Ryanair » n° 4 168 721 déposée le 13 décembre 2004 en classes 16, 28, 35 à 39 et 42 et de la marque communautaire semi-figurative « Ryanair » n° 338 301 déposée le 21 août 1996, régulièrement renouvelée, en classes 16, 35 à 39 et 42. Estimant avoir réalisé des investissements substantiels pour la constitution d’une base de données, accessible via ses sites internet, à partir desquels les internautes ont accès à l’ensemble des services de gestion de réservation et de vente de billets de transport aérien ainsi qu’à des prestations annexes, la société Ryanair a assigné la société Opodo en réparation de l’atteinte portée à ses droits de producteur de base de données, en contrefaçon de ses marques, en concurrence déloyale et parasitisme.
L’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que la société Opodo n’a pas fait usage des signes litigieux pour vendre elle-même des services désignés par les marques, mais seulement pour désigner, de manière nécessaire, les services de transport aérien de la société Ryanair qu’elle proposait au consommateur, et retient que les signes sont reproduits, sans qu’il y ait confusion sur l’origine des services ni atteinte aux droits de marque de cette société, à titre d’information sur le nom de la compagnie. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Opodo avait fait un usage licite des marques, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise visée à la troisième branche, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la première branche et sans encourir le grief de la deuxième branche, légalement justifié sa décision.
Court of Justice of the European Union
- References for a preliminary ruling — VAT — Directive 2006/112/EC — Article 132(1)(g) — Exemption for supplies of services closely linked to welfare and social security work — Concept of ‘bodies recognised as being devoted to social wellbeing’ — Temporary-work agency — Hiring out of qualified care workers — Exemption not allowed. ECJ, 12 March 2015, Case C594/13, ‘go fair’ Zeitarbeit OHG v. Finanzamt Hamburg-Altona.
Article 132(1)(g) of Council Directive 2006/112/EC of 28 November 2006 on the common system of value added tax must be interpreted as meaning that neither State-examined care workers who provide their services directly to persons in need of care nor a temporary-work agency which supplies such workers to establishments recognised as being devoted to social wellbeing come within the scope of ‘bodies recognised as being devoted to social wellbeing’ contained in that provision.
- Reference for a preliminary ruling — Consumer protection — Liability for damage caused by defective products — Directive 85/374/EEC — Articles 1, 6(1) and section (a) of the first paragraph of Article 9 — Pacemakers and implantable cardioverter defibrillators — Risk of product failure — Personal injury — Removal of the allegedly defective product and replacement with another product — Reimbursement of the costs of the operation. ECJ, 5 mars 2015, Joined Cases C503/13 and C504/13, Boston Scientific Medizintechnik GmbH v. AOK Sachsen-Anhalt — Die Gesundheitskasse (C503/13), Betriebskrankenkasse RWE (C504/13).
Article 6(1) of Council Directive 85/374/EEC of 25 July 1985 on the approximation of the laws, regulations and administrative provisions of the Member States concerning liability for defective products must be interpreted as meaning that, where it is found that products belonging to the same group or forming part of the same production series, such as pacemakers and implantable cardioverter defibrillators, have a potential defect, such a product may be classified as defective without there being any need to establish that that product has such a defect.
Article 1 and section (a) of the first paragraph of Article 9 of Directive 85/374 are to be interpreted as meaning that the damage caused by a surgical operation for the replacement of a defective product, such as a pacemaker or an implantable cardioverter defibrillator, constitutes ‘damage caused by death or personal injuries’ for which the producer is liable, if such an operation is necessary to overcome the defect in the product in question. It is for the national court to verify whether that condition is satisfied in the main proceedings.
- References for a preliminary ruling — Regulation (EC) No 785/2004 — Air carriers and aircraft operators — Insurance — Requirements — Definitions of ‘passenger’ and ‘member of the crew’ — Helicopter — Carriage of an expert in the blasting of avalanches using explosives — Injury suffered during a work flight — Compensation. ECJ, 26 February 2015, Case C6/14, Wucher Helicopter GmbH, Euro-Aviation Versicherungs AG v/Fridolin Santer.
Article 3(g) of Regulation (EC) No 785/2004 of the European Parliament and of the Council of 21 April 2004 on insurance requirements for air carriers and aircraft operators must be interpreted as meaning that the occupant of a helicopter held by a Community air carrier, who is carried on the basis of a contract between that air carrier and the occupant’s employer in order to perform a specific task, such as that at issue in the main proceedings, is a ‘passenger’ within the meaning of that provision.
Article 17 of the Convention for the Unification of Certain Rules for International Carriage by Air, concluded in Montreal on 28 May 1999, signed by the European Community on 9 December 1999 on the basis of Article 300(2) EC, approved on behalf of the EC by Council Decision 2001/539/EC of 5 April 2001, must be interpreted as meaning that a person who comes within the definition of ‘passenger’ within the meaning of Article 3(g) of Regulation No 785/2004, also comes within the definition of ‘passenger’ within the meaning of Article 17 of that convention, once that person has been carried on the basis of a ‘contract of carriage’ within the meaning of Article 3 of that convention.
- Reference for a preliminary ruling — Social security — Regulation (EEC) No 1408/71 — Article 4 — Substantive scope — Levies on income from assets — General social contribution — Social debt repayment contribution — Social levy — Additional contribution to the social levy — Participation in the financing of compulsory social security schemes — Direct and sufficiently relevant link with some branches of social security. ECJ, Case, 26 February 2015, C623/13, Ministre de l’Économie et des Finances v Gérard de Ruyter.
Regulation (EEC) No 1408/71 of the Council of 14 June 1971 on the application of social security schemes to employed persons, to self-employed persons and to members of their families moving within the Community, as amended and updated by Council Regulation (EC) No 118/97 of 2 December 1996 and as amended by Council Regulation (EC) No 1606/98 of 29 June 1998, must be interpreted as meaning that levies on income from assets, such as those at issue in the main proceedings, have, when they contribute to the financing of compulsory social security schemes, a direct and relevant link with some of the branches of social security listed in Article 4 of that regulation and thus fall within the scope of the regulation, even though those levies are imposed on the income from assets of taxable persons, irrespective of the pursuit by them of any professional activity.