03 Jan NEWSLETTER – JANVIER 2019
Droit du travail et sécurité sociale
Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
Cour de Justice de l’Union Européenne
Droit du travail et sécurité sociale
- Accident du travail – Garantie de la société. Cass. Civ., 2ème, 29 novembre 2018, N°17-17747.
Il résulte des articles L. 451-1 et L. 452-5 du code de la sécurité sociale que, sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n’a pas de recours contre l’employeur de la victime.
Ayant été victime, le 26 mai 1999, d’un accident du travail alors qu’il manœuvrait un engin emprunté à la société Entreprise Roxin (la société), M. Z…, salarié de la société Léon Noël (l’employeur), a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable contre l’employeur et une action en responsabilité civile contre la société. L’employeur a recherché la garantie de la société.
Pour condamner l’employeur à garantir la société, à hauteur de la moitié de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et dépens au profit des époux Z… et/ou de la caisse primaire d’assurance maladie de la Meuse, l’arrêt relève que la spécificité des règles édictées par le code de la sécurité sociale en matière d’accident du travail n’a pas pour objet de permettre à l’employeur d’éluder une partie des conséquences de sa responsabilité dans l’accident de son salarié, notamment en le dispensant d’indemniser certains chefs de préjudices, mais seulement de garantir au salarié victime d’être indemnisé, quelle que soit la solvabilité de son employeur, grâce à la substitution de la sécurité sociale à l’employeur pour le paiement des indemnités.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur n’avait pas commis une faute intentionnelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
- Contrat de travail – Lien de subordination. Cass. Soc., 28 novembre 2018, N°17-20079.
La société Take Eat Easy utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant. A la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M. Y… a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur. Au terme d’un processus de recrutement, les parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de services. M. Y… a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril 2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail. Par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné en qualité de mandataire liquidateur Mme E…
Pour rejeter le contredit, dire que M. Y… n’était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et dire le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître du litige, l’arrêt retient que les documents non contractuels remis à M. Y… présentent un système de bonus (le bonus “Time Bank” en fonction du temps d’attente au restaurant et le bonus “KM” lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (“strikes”) distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles, un “strike” en cas de désinscription tardive d’un “shift” (inférieur à 48 heures), de connexion partielle au “shift” (en-dessous de 80 % du “shift”), d’absence de réponse à son téléphone “wiko” ou “perso” pendant le “shift”, d’incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison et, uniquement dans la Foire aux Questions (“FAQ”), de circulation sans casque, deux “strikes” en cas de “No-show” (inscrit à un “shift” mais non connecté) et, uniquement dans la “FAQ”, de connexion en dehors de la zone de livraison ou sans inscription sur le calendrier, trois “strikes” en cas d’insulte du “support” ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave et, uniquement dans la “FAQ”, de cumul de retards importants sur livraisons et de circulation avec un véhicule à moteur, que sur une période d’un mois, un “strike” ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux “strikes” entraîne une perte de bonus, le cumul de trois “strikes” entraîne la convocation du coursier “pour discuter de la situation et de (sa) motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de Take Eat Easy” et le cumul de quatre “strikes” conduit à la désactivation du compte et la désinscription des “shifts” réservés, que ce système a été appliqué à M. Y…, que si, de prime abord, un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un “shift” proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion, que cette liberté totale de travailler ou non, qui permettait à M. Y…, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d’une relation salariale.
Cependant, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En statuant comme elle a fait, alors qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination, a violé l’article L. 8221-6 II du code du travail.
- Licenciement – Indemnité compensatrice de préavis. Cass. Soc., 28 novembre 2018, N°17-13199.
M. A… a été engagé en qualité de tourneur par la société Air France (la société) le 24 avril 1989 et occupait en dernier lieu les fonctions de technicien révision moteurs en zone réservée de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Le 4 avril 2012, la société lui a notifié la rupture de son contrat de travail au motif que l’autorité préfectorale lui avait refusé l’habilitation à accéder en zone réservée aéroportuaire. Contestant le bien-fondé de la résiliation de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Pour dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que si le retrait d’une habilitation constitue une difficulté étrangère à la volonté de l’employeur qui ne l’a pas provoqué et à laquelle il doit se soumettre, il lui appartenait d’en tirer toutes conséquences en cherchant de manière sérieuse et loyale un autre poste compatible avec les capacités de l’intéressé et, à défaut de proposition possible, ou en cas de refus du salarié, de le licencier.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le retrait du titre d’accès à une zone sécurisée rendait impossible l’exécution du contrat de travail par le salarié et que, dans de telles circonstances, aucune obligation légale ou conventionnelle de reclassement ne pèse sur l’employeur, la cour d’appel a violé l’article L. 1231-1 du code du travail et l’article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.
Pour condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis, l’arrêt retient qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à une indemnité compensatrice de préavis en application de l’article L. 1234-1 du code du travail que le salarié est fondé à réclamer dans la mesure où la société ne l’a pas mis en mesure d’exercer ses fonctions pendant la durée de deux mois correspondant à la période de préavis conventionnelle en rompant le contrat à effet immédiat à la date de réception du courrier.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié était, du fait du retrait de l’habilitation préfectorale, dans l’impossibilité d’effectuer son préavis, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 1234-5 du code du travail.
- Contrat de travail – Exécution. , Soc., 28 novembre 2018, N°17-15379.
M. Y… a été engagé le 6 février 2006 par la société Adrexo en qualité de distributeur. A compter du mois de mai 2012, il n’a plus disposé de son véhicule automobile. Le salarié a été licencié le 12 février 2013.
La cour d’appel, s’en tenant aux termes de la lettre de licenciement, a constaté que le salarié avait manqué aux obligations résultant de son contrat de travail, qui lui imposait de disposer d’un véhicule, et que ce manquement rendait impossible la poursuite de ce contrat.
Pour condamner l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire d’octobre 2012 au 12 février 2013, l’arrêt retient qu’il appartenait à l’employeur soit de fournir du travail au salarié, fût-ce autre chose que de la distribution, soit de le licencier.
Cependant, lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation.
En statuant comme elle a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que la possession d’un véhicule était exigée par le contrat de travail, qu’elle était nécessaire à l’activité professionnelle du salarié et que ce dernier, du fait qu’il ne disposait plus d’un véhicule automobile à la suite d’une saisie-attribution, était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.
- Contrat de travail – Résolution judiciaire. Cass., Soc., 28 novembre 2018, N°15-29330.
Mme Y…, épouse Z…, a été engagée le 29 novembre 2012 par la société Ambulances Championnet (la société) en qualité d’infirmière à temps partiel. Le 29 juillet 2013, elle a saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Par lettre distribuée le 12 décembre 2013 elle a transmis à la société une déclaration de grossesse. Elle a été licenciée pour faute grave le 18 décembre 2013.
Ayant constaté qu’à compter du mois de janvier 2013, la société n’avait pas fourni à la salariée du travail à hauteur de la durée convenue en sorte qu’elle n’avait pas satisfait à son obligation de paiement du salaire contractuellement prévu, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à d’autres recherches, a légalement justifié sa décision.
Lorsqu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n’a pas informé l’employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour dire que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul, l’arrêt retient que la salariée avait informé l’employeur de son état de grossesse.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée n’avait informé l’employeur de son état de grossesse que postérieurement à la saisine de la juridiction prud’homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause.
- Syndicat des copropriétaires – Licenciement. , Soc., 21 novembre 2018, N°17-12599, 17-12600, 17-12601 et 17-12613.
Mme Y… et trois autres salariées ont été engagées en qualité d’infirmières par le syndicat des copropriétaires du […] aux droits duquel vient le syndicat des copropriétaires […] afin de travailler dans le service médical d’une résidence-service destinée aux personnes âgées. Les salariées ont été licenciées par lettre du 9 mai 2011, l’employeur invoquant l’obligation de supprimer l’ensemble du service médical de la résidence pour se mettre en conformité avec la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement et modifiant la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis et la suppression de leurs postes. Le syndicat des copropriétaires […] a fait l’objet à compter du 2 octobre 2014 d’une procédure d’administration provisoire, Mme C… D… étant administrateur provisoire dudit syndicat.
Pour dire les licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes des salariées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent que les dispositions relatives aux licenciements économiques ne sont applicables selon l’article L. 1233-1 du code du travail qu’aux entreprises, ce qui exclut les syndicats de copropriétaires et que le motif de la rupture ne repose pas sur des difficultés économiques qu’aurait rencontrées le syndicat des copropriétaires de la résidence du […] mais se trouve justifié par la mise en œuvre des dispositions d’ordre public issues de la loi du 13 juillet 2006 contraignant ledit syndicat à supprimer son service médical.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le syndicat de copropriétaires était chargé d’administrer une résidence de personnes âgées qui disposait d’un service médical et n’assurait pas seulement l’administration et la conservation de l’immeuble commun en vertu de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, de sorte que les licenciements des infirmières affectées au service médical relevaient des dispositions des articles L. 1233-1 et suivants du code du travail concernant les licenciements pour motif économique, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-1 du code du travail.
Un syndicat de copropriétaires qui n’assure pas seulement l’administration et la conservation de l’immeuble commun peut être considéré comme une entreprise au sens de l’article L. 1233-1 du code du travail.
Contrat de travail – Nullité – Créances salariales. , Soc., 21 novembre 2018, N°17-26810.
M. Y…, a été engagé le 1er juillet 2012 en qualité de chapiste, par la société Sud Alsace carreaux qui a été placée en liquidation judiciaire le 6 août 2013. Faisant valoir qu’il avait travaillé sans être payé jusqu’au 19 octobre 2012, date à laquelle il avait constaté la fermeture du dépôt de l’entreprise il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de diverses sommes.
Si en cas de nullité du contrat de travail le travailleur doit être indemnisé pour les prestations qu’il a fournies, il ne peut prétendre au paiement de salaires.
Ensuite, ayant constaté qu’elle était saisie d’une demande au titre de créances salariales, fondée sur un contrat de travail qu’elle annulait, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée au titre de l’indemnisation de la prestation fournie.
- Accord collectif – Unité économique et sociale. , Soc., 21 novembre 2018, N°16-27690.
Au sein d’un groupe, une unité économique et sociale (UES) peut être reconnue par convention ou par décision de justice entre des entités juridiquement distinctes qu’elles soient ou non dotées de la personnalité morale, dès lors qu’est caractérisée entre ces structures, d’une part, une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré ainsi qu’une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, d’autre part, une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés.
Un accord collectif conclu le 16 novembre 2012 entre des sociétés du groupe Generali assurances et quatre organisations syndicales a redéfini le périmètre de l’UES Generali France assurances, désormais composée des sociétés Generali France assurances, Generali vie, Generali IARD, Trieste courtage, Generali réassurance courtage, l’Equité et E-Cie vie, accord actualisé le 26 novembre 2015 du fait de la disparition de la société E-Cie vie, absorbée par la société Generali vie, et de l’entrée dans le périmètre de l’UES de la société Generali France. Le groupe Generali assurances a mis en œuvre un projet de centralisation et de mutualisation de certaines opérations de gestion des infrastructures informatiques, désormais réunies au sein de la société de droit italien Generali Infrastructure Service (GIS), devenue Generali Shared Services. La société GIS a créé le 8 avril 2014 un siège secondaire en France et y a constitué une de ses succursales qui a fait l’objet d’une immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 27 mai 2014. La société Generali vie a mis à la disposition de cette succursale cent-soixante-cinq de ses salariés pour une durée de trois ans à effet du 1er juillet 2014 par convention en date du 16 mai 2014 et que chacun des salariés concernés a signé un avenant à son contrat de travail en ce sens. Le 22 avril 2015, le syndicat Fédération des employés et cadres Force ouvrière et le syndicat CGT Generali (les syndicats) ont saisi le tribunal d’instance pour l’extension de l’UES existante à la succursale française de la société GIS.
Pour rejeter la demande des syndicats, la cour d’appel a retenu qu’il ne peut y avoir d’unité économique et sociale reconnue par convention ou par décision de justice qu’entre des personnes juridiquement distinctes prises dans l’ensemble de leurs établissements et de leurs personnels et qu’il s’ensuit que chacune des personnes juridiquement distinctes composant une unité économique et sociale doit nécessairement être dotée de la personnalité morale, dont l’unité économique et sociale est quant à elle dépourvue, et être ainsi susceptible d’avoir la qualité d’employeur.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les salariés employés par la succursale n’étaient pas intégrés à la communauté de travail formée par les salariés de l’UES Generali France assurances, et s’il n’existait pas une unité économique et sociale entre la succursale française de la société italienne en charge des infrastructures du groupe Generali assurances et l’UES Generali France assurances, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 2322-4 du code du travail, alors en vigueur.
- Licenciement – Nullité. , Soc., 21 novembre 2018, N°17-11122.
La société Atos Euronext en qualité de chef de projet, M. Y… a été affecté ultérieurement par avenant auprès d’Atos Origin Malaisie pour une mission de deux ans renouvelable, jusqu’au 30 juin 2012, l’activité informatique de cotation de marché exercée par l’employeur étant reprise par la société Nyse technologies aujourd’hui dénommée Euronext technologies. Par lettre du 13 août 2012, M. Y… a été licencié pour motif personnel. Estimant que son licenciement était nul, il a saisi la juridiction prud’homale.
Ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d’avoir menacé l’employeur d’entamer des procédures à l’encontre de la société, la cour d’appel en a exactement déduit que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture.
Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.
La cour d’appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d’agir en justice, ordonne que soit déduit du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de réintégration du salarié dans l’entreprise, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
- Plan de sauvegarde de l’emploi – Licenciement collectif. , Soc., 21 novembre 2018, N°17-16766 et 17-16767.
Selon l’article L. 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi.
L’association Aide aux mères de famille et aide aux personnes âgées (AMF-APA) a été placée en redressement judiciaire par jugement d’un tribunal de grande instance en date du 10 octobre 2013, M. C… étant nommé en qualité d’administrateur judiciaire et Mme D… en qualité de mandataire judiciaire. Le 19 décembre 2013, le tribunal a arrêté un plan de cession de l’association et ordonné le transfert de 320 contrats à durée indéterminée ainsi que le licenciement des salariés non repris. Le document élaboré par l’administrateur judiciaire et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi le 24 décembre 2013, indiquait, en ce qui concerne les “mesures d’aide au reclassement dans les autres sociétés du “groupe” destinées à limiter le nombre de licenciements envisagés”, que “l’AMF-APA étant une association, aucun reclassement interne ne peut être envisagé”. La conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été prononcée le 18 avril 2014, Mme D… étant désignée mandataire liquidateur. Mmes Y… et Z…, qui avaient été licenciées pour motif économique, ont saisi la juridiction prud’homale.
Pour juger les licenciements dénués de cause réelle et sérieuse et fixer à une certaine somme les créances de dommages-intérêts dues à ce titre aux salariées, les arrêts retiennent qu’il ressort des débats et de leurs écritures que les intéressées doivent être regardées comme soutenant que leur licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait non seulement de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi mais également de l’absence de recherche de reclassement à leur égard, tant interne qu’externe. Il en résulte que ces moyens qui ne concernent pas le bien-fondé de la décision administrative ayant homologué le plan et sont sans incidence sur sa légalité, ne relèvent que la compétence de la juridiction judiciaire. Sur la contestation relative au non-respect de l’obligation de reclassement, le salarié est fondé à contester le caractère réel et sérieux de la mesure sur le terrain du respect, par les organes de la procédure collective chargés de mettre en œuvre les licenciements, de l’obligation de reclassement, cette obligation ayant une dimension individuelle, ainsi que cela résulte des dispositions de l’article L. 1233-4 du code du travail, mais aussi collective, le plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvant faire l’économie des mesures de reclassement prévues par les textes susvisés. En l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi élaboré dans le cadre du licenciement collectif pour motif économique visant le personnel de l’association AMF-APA comporte un paragraphe 5.1 relatif au reclassement “dans les autres sociétés du groupe” ainsi rédigé : “L’AMF-APA étant une association, aucun reclassement interne ne peut être envisagé”. Force est ainsi de constater que les recherches de reclassement interne au sein du groupe expressément visé dans le plan de sauvegarde de l’emploi n’ont nullement été envisagées et ont même été expressément exclues au motif de la forme associative de l’entreprise, qui ne dispensait toutefois nullement l’employeur de son obligation de satisfaire aux prescriptions de l’article L. 1233-4 du code du travail. A cet égard, ni le liquidateur ni l’AGS ne produisent le moindre élément sur la structure et l’étendue du groupe, de nature à vérifier que les sociétés ou associations qui en sont membres et au sein desquelles la permutation du personnel était envisageable aient effectivement été interrogées par les organes de la procédure collective, sur les possibilités de reclasser les salariées, étant ici observé que les lettres de licenciement ne font nulle référence à une quelconque recherche de reclassement. Dans ces conditions, tant en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi que de l’absence de recherche individualisée, sérieuse et loyale de reclassement, les licenciements doivent être jugés sans cause réelle et sérieuse.
En statuant ainsi, sur le fondement d’une insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, alors que le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs.
- Contrats de travail – Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°17-11757.
M. Y… et cinq autres personnes ont été engagés par la société Caterpillar en qualité d’agent de production ou de coordonnateur. Ils travaillaient en horaires de soir ou de nuit. Courant 2008, la société a mis en place un plan de rémunération lié aux performances du groupe dit Stip. A la fin de l’année 2009, les salariés sont passés en horaires de jour et ont perdu le bénéfice des primes de soir ou de nuit. Ils ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.
D’abord, ayant souverainement retenu que les salariés avaient eu connaissance dès l’année 2008 que les non-cadres avaient été exclus du bénéfice du paiement du Stip, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
Ensuite, sans être critiquée sur ce point, la cour d’appel, qui a retenu qu’en raison de leur départ de l’entreprise en 2011 et 2013, MM. G… et A… étaient dépourvus d’intérêt à agir pour réclamer le paiement du Stip au titre de l’année 2014 n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante.
Enfin, c’est dans l’exercice du pouvoir laissé par la loi à sa discrétion d’ordonner ou non la production d’un élément de preuve détenu par une partie que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait.
Pour débouter les salariés de leurs demandes de rappel de salaire, congés payés afférents, dommages et intérêts pour préjudice moral, débouter M. A… de sa demande de résiliation judiciaire et en paiement de sommes afférentes, l’arrêt retient que les contrats de travail comprenaient l’indication de la rémunération brute des salariés et du montant des primes de soir ou de nuit, qu’il était prévu que les nécessités de la production pouvaient amener l’entreprise à affecter les salariés dans les différents horaires pratiqués et que l’horaire était susceptible d’être modifié, qu’il s’en déduit que les horaires de travail n’avaient pas été contractualisés et que l’employeur était libre, en application de son pouvoir de direction, de modifier les horaires de travail et de réduire la rémunération en conséquence.
Cependant, une clause du contrat de travail ne peut permettre à l’employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail.
En statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que les contrats de travail stipulaient au titre des dispositions particulières que les salariés effectueront des horaires de soir ou des horaires de nuit ainsi que le versement de primes afférentes, la cour d’appel a violé l’article L. 1121-1 du code du travail, ensemble l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L’arrêt, après avoir constaté que les salariés n’avaient pas chiffré le montant de leur préjudice, a rejeté leur demande se rapportant à la perte de chance de bénéficier d’un accord d’intéressement au motif qu’en l’absence de toute demande de leur part de ce chef, il est sans intérêt d’apprécier le bien-fondé d’une telle argumentation.
En statuant ainsi, au motif que la demande n’était pas chiffrée, sans avoir, au préalable, invité les parties à s’expliquer sur le montant de leur préjudice, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile.
Une clause de variabilité des horaires ne permet pas à l’employeur de décider unilatéralement un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour faisant perdre aux salariés le bénéfice des primes du soir ou de nuit. Ce changement constitue une modification du contrat de travail qui nécessite l’accord des salariés.
- Accord collectif – Principe d’égalité de traitement. Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°17-14937.
M. Y… a été engagé le 14 février 1977 par la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine en qualité d’employé aux écritures. Le 1er juin 1977, il a été muté au Centre de traitement électronique inter caisses de Bretagne. Au mois de septembre 1983, il a réussi le concours de l’école des cadres. Le 1er mai 1984, il a été engagé par l’URSSAF d’Ille-et-Vilaine devenue l’URSSAF de Bretagne et a été promu agent de contrôle des employeurs devenu inspecteur du recouvrement. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 mai 2012 et a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l’avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu’ils ne bénéficient à aucun moment d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.
Il résulte des constatations de la cour d’appel que le salarié se plaignait d’une inégalité de traitement au seul motif de l’évolution des dispositions conventionnelles sans soutenir que les salariés relevant des dispositions du protocole d’accord du 14 mai 1992 avaient bénéficié d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés promus sous l’empire des dispositions conventionnelles antérieures et placés dans une situation identique ou similaire.
Il en résulte l’absence d’atteinte au principe d’égalité de traitement.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif.
- Heures supplémentaires – Paiement. Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°17-16959.
M. Y… a été engagé le 6 octobre 2009 en qualité de technicien par la société AGP grande cuisine. Après transfert du contrat de travail à la société ADEIHR AGP, le salarié s’est engagé, par avenant du 14 mai 2012, à solliciter l’autorisation préalable de l’employeur avant d’effectuer des heures supplémentaires. Invoquant l’existence d’heures supplémentaires non payées et exposant avoir été victime de faits de harcèlement moral, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur puis a saisi la juridiction prud’homale.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, ayant constaté que la charge de travail du salarié, qui avait donné lieu au paiement d’heures supplémentaires pour la période de mai à décembre 2012, avait été maintenue puis accrue pendant la période postérieure, a fait ressortir, peu important l’absence d’autorisation préalable de l’employeur et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la réalisation de nouvelles heures supplémentaires avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à l’intéressé.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
- Contrats à durée déterminée de remplacement – Requalification. Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°16-19038.
Entre le 31 mars 2009 et le 19 mars 2012, la société La Poste a engagé Mme Y… par douze contrats à durée déterminée de remplacement, en qualité d’agent rouleur distribution. La salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins de requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et en réclamant diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Pour fixer au 16 décembre 2010 la date de la requalification qu’elle prononce, en raison de l’irrégularité du contrat à durée déterminée conclu entre les parties, à cette date, la cour d’appel retient que, s’agissant de l’absence de signature des contrats par l’employeur, il convient de relever qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité pouvant entraîner la requalification de la relation contractuelle, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que les contrats ont été conclus avec celui dont la signature fait défaut et qu’ils ont été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues.
En statuant ainsi, alors que, faute de comporter la signature de l’une des parties, les contrats à durée déterminée ne pouvaient être considérés comme ayant été établis par écrit et qu’ils étaient, par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée, la cour d’appel a violé l’article L. 1242-12 du code du travail.
Le contrat à durée déterminée sur lequel l’employeur n’a pas apposé sa signature doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
- Contrat de partenariat et de distribution – Exécution. Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°16-26115.
La société à responsabilité limitée Fresh delices (la société Fresh delices), anciennement dénommée Le Portable télécom, ayant pour gérante Mme Stéphanie X…, épouse Y… (Mme Y…), a été liée, entre mars 2001 et mars 2005, à la Société française de radiotéléphone (la société SFR) par des contrats de partenariat et de distribution. A partir de mars 2007, un litige prud’homal a opposé la société SFR à Mme Y…, cette dernière sollicitant la requalification des contrats de partenariat et de distribution en contrats de travail. La société SFR a été condamnée à payer à Mme Y… diverses sommes au titre d’indemnités de licenciement et de rupture sans cause réelle et sérieuse. Au cours de la procédure prud’homale, la société SFR a assigné la société Fresh delices devant le tribunal de commerce afin qu’il soit statué sur les conséquences de la décision prud’homale sur l’exécution des contrats de partenariat et de distribution. Après la liquidation amiable de la société Fresh delices, la société SFR, reprochant à Mme Y… d’être à l’origine du préjudice que lui avait causé l’inexécution par la société Le Portable télécom de ses obligations contractuelles et, à Mme Yvette X… (Mme X…), nommée liquidateur, d’avoir commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, les a assignées devant le tribunal de commerce de Paris, lequel a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mmes Y… et X… Ces dernières ont formé un contredit.
Pour accueillir le contredit, l’arrêt retient que l’action de la société SFR dirigée contre Mme Y… relève de la juridiction civile dès lors qu’elle n’a pas la qualité de commerçante et que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas des actes de commerce ni ne se rattachent à la gestion de la société par un lien direct.
En statuant ainsi, alors que les manquements commis par le gérant d’une société commerciale à l’occasion de l’exécution d’un contrat se rattachent par un lien direct à la gestion de celle-ci, peu important que le gérant n’ait pas la qualité de commerçant ou n’ait pas accompli d’actes de commerce, la cour d’appel a violé l’article L. 721-3 du code de commerce.
Pour retenir la compétence de la juridiction civile, l’arrêt énonce, que, bien que l’action en responsabilité dirigée contre le liquidateur soit régie par l’article L. 237-12 du code de commerce, le liquidateur n’a pas la qualité de commerçant et n’accomplit pas des actes de commerce.
En statuant ainsi, alors que le liquidateur, comme le gérant, agit dans l’intérêt social et réalise des opérations se rattachant directement à la gestion de la société commerciale, la cour d’appel a violé l’article L. 721-3 du code de commerce.
- Contrat d’apprentissage – Résiliation. Cass., Soc., 14 novembre 2018, N°17-24464.
Mme Z… a conclu un contrat d’apprentissage du 1er septembre 2015 au 31 octobre 2016 avec Sylvie C… qui exerçait à titre individuel une activité de coiffure. Sylvie C… est décédée le […]. Le 3 mai 2016, la société Sylvie a repris le fonds de commerce de coiffure exploité par Sylvie C… Le 17 août 2016, Mme Z… a saisi la juridiction prud’homale statuant en la forme des référés d’une demande de résiliation du contrat d’apprentissage.
La cour d’appel a exactement retenu que le décès de l’employeur n’emportait pas par lui-même la rupture du contrat d’apprentissage et que, la société Sylvie, créée par le gendre de Mme C… ayant repris, dans les mêmes locaux, l’exploitation du fonds de commerce de coiffure exploité par celle-ci, le contrat de Mme Z… avait été transféré à compter de cette date en application de L. 1224-1 du code du travail.
Le décès de l’employeur n’emporte pas, par lui-même, la rupture du contrat d’apprentissage.
- Accord collectif – Résiliation judiciaire du contrat de travail. , Soc., 14 novembre 2018, N°17-22539.
Mme Y… a été engagée le 16 juin 2003 en qualité d’assistante service clientèle par la société Rain Bird Europe. Au dernier état de la relation contractuelle elle était classée au niveau VII, coefficent C10, statut cadre de la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM du 23 avril 2012. Elle a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de diverses demandes en découlant.
Selon l’article 4.21.1 de la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM du 23 avril 2012, pour l’application du salaire minimum mensuel conventionnel garanti, il y a lieu de prendre en compte tous les éléments de rémunération quels qu’en soient l’origine, l’objet, les critères d’attribution, l’appellation et la périodicité des versements, sans autres exceptions que celles énoncées à l’article 4.21.2. Selon ce dernier article, ne sont pas pris en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti les éléments de la rémunération qui ne sont pas la contrepartie directe du travail ainsi que les primes et gratifications dont l’attribution présente un caractère aléatoire. Il en résulte que si le treizième mois fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, en l’absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé.
Pour débouter la salariée de sa demande de rappels de salaires au titre des minima conventionnels, congés payés afférents, de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, remise de bulletins de salaire rectifiés, l’arrêt retient qu’il résulte de l’article 4.21.1 que le treizième mois est un élément de salaire à inclure dans le minimum conventionnel quelle que soit sa périodicité de versement en sorte que sa prise en compte n’est pas limitée au mois au cours duquel il a été versé.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
- Contrat de travail – Suspension. , Soc., 14 novembre 2018, N°17-18891.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037644595&fastReqId=1983839560&fastPos=89
M. Y… a été engagé par le département de Paris en qualité d’agent d’entretien dans le cadre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi à durée déterminée du 13 octobre 2010 au 12 avril 2011, renouvelé jusqu’au 12 octobre 201. Victime d’un accident du travail le 8 juillet 2011, il a été en arrêt de travail du 13 juillet au 12 septembre 2011 puis à compter du 4 octobre 2011. Le 27 janvier 2012, il a saisi la juridiction prud’homale pour demander la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Selon les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
Pour dire que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié, l’arrêt retient qu’en vertu de l’article L. 1226-19 du code du travail, la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ne fait pas obstacle à l’échéance du contrat à durée déterminée, si bien que la rupture par la seule survenance du terme d’un contrat qui est requalifié postérieurement en contrat à durée indéterminée constitue non un licenciement nul mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En statuant ainsi, après avoir requalifié les contrats d’accompagnement dans l’emploi à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel, qui a constaté qu’à la date de la rupture le contrat de travail de l’intéressé était suspendu et que les parties s’accordaient pour indiquer que cette suspension était consécutive à un accident du travail, a violé les textes susvisés.
La rupture d’un CDD arrivé à son terme est nulle si le contrat est ultérieurement requalifié en CDI et que la rupture, s’analysant en un licenciement, est intervenue durant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail.
- Statut protecteur – Demande de réintégration. Cass., Soc., 7 novembre 2018, N°17-14716.
Lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration. Cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l’expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.
M. Y…, engagé en qualité de technicien informatique et réseaux par la société Savane à laquelle vient aux droits la société Safari technologies, a informé, le 5 avril 2011, son employeur de sa candidature aux élections des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Convoqué le 15 septembre 2011 à un entretien préalable, il a été licencié le 7 octobre 2011.
Pour limiter l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur à la somme de 1 550 euros, la cour d’appel retient que le salarié n’explique pas les raisons qui ne lui sont pas imputables pour lesquelles il a attendu le 9 octobre 2015, soit quatre années après son licenciement, pour solliciter sa réintégration et qu’en conséquence, il ne peut prétendre qu’à une rémunération égale à la rémunération due entre le 16 septembre 2011, date de réception de la convocation à l’entretien préalable, jusqu’au 4 octobre 2011, date de l’expiration de sa protection.
En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le salarié avait été licencié le 7 octobre 2011 tandis que la période de protection avait expiré le 4 octobre 2011, ce dont il résultait que la demande de réintégration avait été formulée après l’expiration de la période de protection pour des motifs non imputables au salarié, mais que celui-ci avait abusivement tardé à demander sa réintégration postérieurement à l’expiration de la période de protection, ce dont elle aurait dû déduire qu’il était en droit de percevoir la rémunération dont il aurait bénéficié de la date de sa demande de réintégration jusqu’à sa réintégration effective, somme qui n’était pas contestée par l’employeur, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2412-7, L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail, alors applicables.
- Comité d’entreprise – Accès aux archives et documents. Cass., Soc., 7 novembre 2018, N°17-23157.
Le comité d’entreprise de la société Start People dispose à Lille de locaux occupés notamment à usage de bureaux par les secrétaire et trésorier du comité d’entreprise, élus du syndicat Force ouvrière. Plusieurs élus de l’union syndicale de l’intérim CGT (élus CGT) du comité d’entreprise ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance pour obtenir sous astreinte un accès à ces locaux afin de pouvoir consulter et prendre copie des documents et archives du comité d’entreprise y étant entreposés.
Tous les membres du comité d’entreprise doivent avoir égal accès aux archives et aux documents administratifs et comptables dudit comité.
Pour faire droit partiellement à la demande de consultation des documents du comité d’entreprise par les élus CGT, la cour d’appel, après avoir rappelé le droit des élus de consulter les archives et les documents administratifs et comptables intéressant l’activité du comité, décide que pour concilier ce droit avec les exigences d’un bon fonctionnement de la structure, les requérants pourront exercer leur droit de consultation les mardis de 14h à 16h et l’avant-veille précédant toute réunion du comité d’entreprise ou de ses commissions de 14h à 16h.
En statuant ainsi, alors qu’en l’absence de disposition dans le règlement intérieur du comité d’entreprise, il n’appartenait pas au juge des référés de limiter l’exercice par certains membres du comité de leur droit à consultation des archives et des documents comptables et financiers de celui-ci, la cour d’appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, L. 2325-1 et L. 2325-2 du code du travail, alors applicables.
Pour rejeter la demande des élus relative à la copie des documents, la cour d’appel a retenu qu’il n’y avait pas lieu de faire injonction d’avoir à remettre des copies, les élus CGT au comité d’entreprise étant en mesure, dans l’état du règlement intérieur, d’accomplir leur mission sans avoir besoin d’une copie aux frais du comité d’entreprise.
En statuant ainsi, alors que les élus CGT demandaient à pouvoir exercer leur droit d’effectuer des copies à leurs frais, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l’article 4 du code de procédure civile.
Tous les membres du comité d’entreprise bénéficiant d’un égal accès aux archives et aux documents administratifs et comptables de ce comité, le juge des référés ne saurait, dans le silence du règlement intérieur, limiter à certains jours et horaires leur droit de consultation.
- Grève – Retenue sur salaire. Cass., Soc., 7 novembre 2018, N°17-15833.
M. Y…, salarié, depuis le 1er octobre 1989, de la société Exxonmobil Chemical France (la société), travaille de manière postée, selon le rythme de 3×8, et percevait au mois de mai 2012 une rémunération brute de 3 027,56 euros pour 138 heures 64 de travail, ainsi que différentes primes, telles que la prime d’ancienneté, la prime de quart et une prime mensuelle. Après avoir été gréviste pendant quatre jours au mois d’avril 2012, soit 32 heures, il a, avec le syndicat CFDT chimie énergie de Haute-Normandie, saisi le 17 septembre 2014 la juridiction prud’homale, contestant la retenue sur salaire pratiquée et demandant réparation du préjudice moral subi.
Si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
Ayant constaté que les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d’une année d’ancienneté bénéficiaient du maintien de leur plein salaire, y compris les primes, sans entraîner d’abattement de ces primes, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit, s’agissant de périodes d’absence qui ne sont pas légalement assimilées à un temps de travail effectif, que l’abattement des primes d’ancienneté, de quart et mensuelle, auquel l’employeur a procédé pour calculer la retenue relative aux jours d’absence du salarié pour fait de grève, présentait un caractère discriminatoire.
Si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
- Congé de reclassement – Prime de participation. Cass., Soc., 7 novembre 2018, N° 17-18936, 17-18937, 17-18940, 17-18941 à 17-18943.
Mmes et MM. A…, B…, Y…, Z…, C… et D…, salariés de la société Abbott France, ont été licenciés pour motif économique en décembre 2011 et juin 2012. Ils ont bénéficié, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, d’un congé de reclassement qui s’est achevé en 2014 pour certains d’entre eux, et en 2015 pour les autres. Ils ont saisi la juridiction prud’homale en juin 2013 pour contester le mode de calcul de leur prime de participation pendant leur congé de reclassement.
Il résulte de l’article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d’une condition d’ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords de participation bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d’un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé en application de l’article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation. C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle a fait.
Les salariés en congé de reclassement bénéficient de la prime de participation, peu important que les sommes perçues par les salariés ne soient pas prises en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation.
- Contrat de travail – Licenciement – Droit applicable. Cass., Soc., 7 novembre 2018, N°16-27692.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037621913&fastReqId=1983839560&fastPos=118
Mme E… a été engagée le 12 novembre 1997 par la société de droit français située à Paris, Images modernes, dont M. G…B… , héritier de la collection B…, était le gérant. Par avenant du 12 novembre 2002, la durée hebdomadaire de travail, initialement à temps complet, a été ramenée à huit heures. Le 10 décembre 2002, elle a été engagée à temps partiel, en qualité de directrice de programme, par la Fondation J… y I… G… B… para el arte (FABA, ci-après la fondation). Licenciée par la société Images modernes le 16 juin 2006, pour motif économique, elle a été engagée, le 28 juillet suivant, directement par M. G… B… en qualité de secrétaire privée chargée des expositions. Le 17 décembre 2009, elle a été licenciée par la fondation au motif d’une incompatibilité entre le maintien de son poste et de son lieu de résidence à Paris, alors que le centre des opérations d’art était dorénavant localisé à Bruxelles. Le 21 décembre 2009, elle a été licenciée par M. G… B… avec effet immédiat. Elle a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de diverses sommes, en se prévalant des dispositions de la loi française.
Pour dire le licenciement de la salariée par la fondation sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la convention n° 158 de l’OIT pose le principe dans son article 8 que le travailleur qui estime avoir fait l’objet d’un licenciement injustifié aura le droit de recourir contre cette mesure devant un organisme impartial tel qu’un tribunal et qu’il pourra être considéré comme ayant renoncé à exercer son droit de recourir contre le licenciement s’il ne l’a pas fait dans un délai raisonnable, qu’il s’ensuit que les délais de prescription et de forclusion sont à prendre en considération dans l’appréciation des mesures impératives attachées au licenciement dans un souci de protection du travailleur dans le rapport inégal qui existe avec son employeur, que le caractère impératif des dispositions relatives à la prescription en droit du travail français est confirmé par l’introduction dans le code du travail français, aux termes de la loi du 14 juin 2013, de l’article L. 1471-1 et que, le délai de prescription de vingt jours imposé au salarié par la loi espagnole pour contester un licenciement étant moins protecteur que le délai de prescription de la loi française qui était de cinq ans en vertu de l’article 2224 du code civil, au moment de la requête de la salariée devant la juridiction prud’homale parisienne, la loi espagnole doit être écartée et l’action en contestation du licenciement par la FABA, déclarée recevable.
En statuant ainsi, alors que, dès lors que le salarié n’est pas privé du droit d’accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables en l’absence de choix d’une loi étrangère applicable au contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, applicable en la cause.
Pour dire les licenciements de la salariée sans cause réelle et sérieuse et condamner solidairement la fondation et M. G… B… à payer à la salariée diverses sommes, l’arrêt retient que M. G… B… était le gérant de la société Images modernes qui employait en premier lieu la salariée, qu’il est le signataire, en qualité d’employeur, du contrat de travail espagnol conclu entre cette dernière et la FABA et que c’est à titre personnel qu’il a employé la salariée à compter du 1er août 2006 après l’avoir licenciée de la société Images modernes dans un emploi identique, qu’il est le seul interlocuteur de leurs échanges à propos de la régularisation sociale de celle-ci en rapport avec les contrats espagnol et belge, sans distinction, qu’ainsi que cela ressort de la lettre qui acte la rupture du contrat de travail espagnol, le licenciement est intervenu sur ses instructions, que, par ailleurs, le matériel professionnel mis à la disposition de la salariée à son domicile était utilisé par celle-ci au profit de ses deux employeurs indifféremment, que, le 15 janvier 2009, la salariée a annoncé à M. G… B…, sur sa boîte électronique […], que le scanner hérité de la société Images modernes avait rendu l’âme et lui a demandé l’autorisation de le remplacer, qui lui a été accordée, que lors de pourparlers qui ont précédé les licenciements, relativement au statut social de la salariée par rapport aux deux contrats belge et espagnol, c’est à M. G… B… qu’elle s’est adressée, qu’on ne lui connaît pas d’autre boîte électronique que celle citée précédemment, dans ses rapports avec la salariée, ce qui induit des liens très étroits entre les deux entités dirigées par lui, et une unicité de direction et de gestion, dans ses relations avec la salariée, que de fait la fondation et M. G… B… étaient les employeurs conjoints de cette dernière, qu’il s’ensuit qu’ils sont tenus solidairement au paiement des sommes dues à la salariée au titre de ses contrats de travail.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que si la salariée avait exécuté habituellement ses contrats de travail en France, les lois belge et espagnole avaient été choisies par les parties, ce dont il résultait que celles-ci étaient seules applicables à la demande de reconnaissance de la qualité de coemployeurs, la cour d’appel a violé les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, applicable en la cause.
Dès lors que le salarié n’est pas privé du droit d’accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables en l’absence de choix d’une loi étrangère applicable au contrat de travail.
Droit des affaires, concurrence, distribution et consommation
- Prêt bancaire – Caution. , Com., 21 novembre 2018, N°16-25128.
Par un acte du 3 avril 2009, M. Y… -Z… (M. Y…) s’est rendu caution de tous les engagements de la société Elyxir (la société) envers la société Banque Tarneaud (la banque) à concurrence d’un certain montant. Par un acte du 20 juillet 2011, il s’est également rendu caution d’un prêt consenti par la banque à la société. Cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements.
En premier lieu, le motif suivant lequel la signature précéderait la mention manuscrite n’a pas été adopté, dès lors que la caution n’a pas soutenu devant la cour d’appel que l’acte de cautionnement du 20 juillet 2011 présenterait le même vice que celui du 3 avril 2009.
En second lieu, il résulte de la mention manuscrite figurant dans l’acte de cautionnement du 20 juillet 2011, telle que reproduite dans les conclusions d’appel de M. Y…, que si celui-ci y indiquait se rendre caution “de la SARL”, sans autre précision, il a ensuite, dans cette même mention, fait figurer à trois reprises la dénomination sociale du débiteur principal garanti, en précisant qu’il s’engageait à rembourser au prêteur les sommes dues “si SARL ELYXIR n’y satisfait pas”, et en déclarant s’obliger solidairement “avec SARL ELYXIR” et à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement “SARL ELYXIR”. Dès lors, le débiteur principal était identifié dans la mention manuscrite.
Si la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, il ne peut être tenu compte d’un cautionnement antérieur que le juge déclare nul, et qui est ainsi anéanti rétroactivement. Ayant annulé le cautionnement du 3 avril 2009, la cour d’appel n’avait pas à le prendre en compte pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de celui du 20 juillet 2011.
Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu’en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs. M. Y… ne s’étant, dans ses conclusions, prévalu que de moyens déloyaux de la banque caractérisant la fraude, sans alléguer une faute dans l’octroi des concours.
Pour rejeter la demande de M. Y… tendant à ce que la banque soit déchue de son droit aux intérêts contractuels, l’arrêt se borne à retenir que la banque justifie avoir adressé à M. Y…, caution, des courriers d’information sur le montant de sa dette avec décompte joint, respectivement les 14 décembre 2011, 30 juillet 2012 et 25 mars 2013.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier de l’accomplissement des formalités prévues par le texte susvisé, lesquelles imposent à l’établissement de crédit de faire connaître à la caution, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, sous peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier.
- Bail commercial – Révision du loyer. , Civ., 3ème, 15 novembre 2018, N°16-26172.
Le 31 mars 2009, la SCI Nick 54, devenue SCI Aurel 1, bailleresse, a notifié à la société MGB, cessionnaire du droit au bail commercial depuis le 22 avril 1998, une demande de révision du loyer selon la valeur locative du bien, puis a saisi le juge des loyers commerciaux d’une demande en fixation du loyer du bail révisé à une certaine somme.
La société MGB fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’expertise judiciaire, de retenir à une certaine somme la valeur locative du bien et de fixer, en conséquence, le montant du loyer révisé au 31 mars 2009, alors, selon le moyen, que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire, qu’en fondant exclusivement sa décision sur l’expertise effectuée par M. D… et celle effectuée par le cabinet Roux quand il était constant que ces deux expertises n’avaient pas été réalisées contradictoirement, la cour d’appel a méconnu les principes du contradictoire et de l’égalité des armes, en violation de l’article 16 du code de procédure civile et de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dès lors que ces éléments avaient été soumis à la libre discussion des parties, la cour d’appel, devant qui n’était pas invoquée une violation de l’article 6, § 1, précité, a pu, sans violer le principe de contradiction, se fonder sur le rapport d’expertise judiciaire établi lors d’une instance opposant la bailleresse à son associé et sur le rapport d’expertise établi unilatéralement à la demande de celle-ci, dont elle a apprécié souverainement la valeur et la portée.
Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
- Document d’identité – Autorisation de travail. CE, 26 novembre 2018, 1ère et 4ème Ch. réunies, N°403978.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037649054&fastReqId=976438708&fastPos=1
Lorsqu’un salarié s’est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d’un Etat pour lequel une autorisation de travail n’est pas exigée, l’employeur ne peut être sanctionné s’il s’est assuré que ce salarié disposait d’un document d’identité de nature à en justifier et s’il n’était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d’une usurpation d’identité.
- Etrangers – Contrôle d’identité. , Civ., 1ère, 21 novembre 2018, N°18-11421.
Le 30 juin 2017, M. X…, de nationalité sénégalaise, en situation irrégulière en France, a été interpellé à l’occasion d’un contrôle d’identité dans une gare parisienne et invité à suivre les fonctionnaires de police au commissariat où lui ont été notifiées deux décisions du préfet portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention. Le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. X… d’une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d’une demande de prolongation de cette mesure.
En premier lieu, ayant constaté que, selon les mentions du procès-verbal du 30 juin 2017, l’intéressé avait accepté de suivre les fonctionnaires de police pour un examen de situation administrative préalable à la notification de la mesure d’éloignement, le premier président en a exactement déduit qu’aucune contrainte n’avait été exercée sur sa personne.
En deuxième lieu, l’ordonnance retient à bon droit que le procès-verbal de vérification de la situation administrative, qui ne constitue pas une audition, est intervenu régulièrement dans un laps de temps précédant la notification de la décision de placement en rétention.
En troisième lieu, qu’après avoir énoncé qu’aucune mesure d’enquête ou de vérification n’était nécessaire et que l’irrégularité de sa situation était apparue dès le contrôle, l’intéressé ayant reconnu qu’il ne possédait pas les documents l’autorisant à séjourner en France, l’ordonnance retient qu’aucune privation de liberté n’est intervenue avant le placement en rétention dès lors que M. X… a suivi les policiers pour recevoir la notification de ses droits, moins de deux heures après le contrôle initial . Le premier président en a exactement déduit que la procédure, qui ne relevait pas des dispositions de l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, était régulière.
Enfin, les garanties procédurales qui assurent à l’étranger, notamment au chapitre III de la directive retour n° 2008/115/CE du 21 décembre 2008, le droit d’être entendu, avec une assistance juridique, sur la légalité du séjour et les modalités de son retour, ne s’appliquent pas aux décisions de placement en rétention, mais aux décisions d’éloignement dont la contestation ne relève pas de la compétence de l’autorité judiciaire.
En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation des dispositions de la directive retour du 21 décembre 2008 précitée, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Il n’y a pas lieu d’accueillir la demande aux fins d’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ayant constaté que le procès-verbal d’interpellation ne permettait pas d’établir le caractère discriminatoire du contrôle, et que les conditions d’apparition de l’élément d’extranéité résultaient de la déclaration par l’intéressé de sa nationalité, le premier président en a souverainement déduit que M. X… n’avait pas apporté d’éléments de fait traduisant une différence de traitement ou laissant présumer l’existence d’une discrimination.
European Court of Justice
- Reference for a preliminary ruling — Area of freedom, security and justice — Regulation (EC) No 562/2006 — Community Code on the rules governing the movement of persons across borders (Schengen Borders Code) — Articles 20 and 21 — Abolition of internal border controls in the Schengen area — Checks within the territory of a Member State — Measures having an effect equivalent to border checks — Rules of a Member State requiring a coach travel operator on routes crossing the internal borders of the Schengen area to check passengers’ passports and residence permits — Penalty — Threat to impose a recurring fine. ECJ, 13 December 2018, Joined Cases C‑412/17 and C‑474/17, Bundesrepublik Deutschland v Touring Tours und Travel GmbH (C‑412/17), Sociedad de Transportes SA (C‑474/17).
Article 67(2) TFEU and Article 21 of Regulation (EC) No 562/2006 of the European Parliament and of the Council of 15 March 2006 establishing a Community Code on the rules governing the movement of persons across borders (Schengen Borders Code), as amended by Regulation (EU) No 610/2013 of the European Parliament and of the Council of 26 June 2013, must be interpreted to the effect that they preclude legislation of a Member State, such as that at issue in the main proceedings, which requires every coach transport undertaking providing a regular cross-border service within the Schengen area to the territory of that Member State to check the passports and residence permits of passengers before they cross an internal border in order to prevent the transport of third-country nationals not in possession of those travel documents to the national territory, and which allows, for the purposes of complying with that obligation to carry out checks, the police authorities to issue orders prohibiting such transport, accompanied by a threat of a recurring fine, against transport undertakings which have been found to have conveyed to that territory third-country nationals who were not in possession of the requisite travel documents.
- Reference for a preliminary ruling — Social policy — Organisation of working time — Directive 2003/88/EC — Right to paid annual leave — Article 7(1) — Legislation of a Member State under which collective agreements may provide for account to be taken of periods of short-time working when calculating remuneration to be paid in respect of annual leave — Temporal effects of judgments ruling on interpretation. ECJ, 13 December 2018, Case C‑385/17, Torsten Hein Albert Holzkamm GmbH & Co. KG.
Article 7(1) of Directive 2003/88/EC of the European Parliament and of the Council of 4 November 2003 concerning certain aspects of the organisation of working time and Article 31(2) of the Charter of Fundamental Rights of the European Union must be interpreted as precluding national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which, for the purpose of calculating remuneration for annual leave, allows collective agreements to provide for account to be taken of reductions in earnings resulting from the fact that during the reference period there were days when no work was actually performed owing to short-time working, with the consequence that the worker receives, for the duration of the minimum period of annual leave to which he is entitled under Article 7(1) of the directive, remuneration for annual leave that is lower than the normal remuneration which he receives during periods of work. It is for the referring court to interpret the national legislation, so far as possible, in the light of the wording and the purpose of Directive 2003/88, in such a way that the remuneration for annual leave paid to workers in respect of the minimum annual leave provided for in Article 7(1) is not less than the average of the normal remuneration received by those workers during periods of actual work.
It is not appropriate to limit the temporal effects of the present judgment and EU law must be interpreted as precluding national courts from protecting, on the basis of national law, the legitimate expectation of employers that the case-law of the highest national courts, which confirmed the lawfulness of the provisions concerning paid annual leave in the Bundesrahmentarifvertrag für das Baugewerbe (Federal collective framework agreement for the construction industry), will continue to apply.
- Reference for a preliminary ruling — Article 99 of the Rules of Procedure of the Court of Justice — Consumer protection — Directive 93/13/EEC — Unfair terms in consumer contracts — Directive 2008/48/EC — Order for payment procedure based on bank ledger excerpts — Impossible for the court, in the absence of an action brought by a consumer, to examine the unfairness of the contractual terms. ECJ, 28 November 2018 (Order of the Court), Case C-632/17, Powszechna Kasa Oszczędności (PKO) Bank Polski S.A. w Warszawie v Jacek Michalski.
Article 7(1) of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts and Article 10 of Directive 2008/48/EC of the European Parliament and of the Council of 23 April 2008 on credit agreements for consumers and repealing Council Directive 87/102/EEC must be interpreted as precluding national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which permits the issue of an order for payment, based on a bank ledger excerpt, as evidence of the existence of a debt arising from a consumer credit agreement, where the court dealing with an application for an order for payment does not have the power to examine whether the terms of that agreement are unfair and to ensure that, in that examination, the information referred to in Article 10 is made available, if the detailed rules for exercising the right to lodge an objection against such an order do not enable observance of the rights which the consumer derives from that directive to be ensured.