08 Juin NEWSLETTER – JUIN 2016
Droit du travail et sécurité sociale
- Licenciements – Remise tardive de documents. Cass. Soc., 13 avril 2016, N°14-28293.
- X…, salarié de la société RQS a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de remise, sous astreinte, de divers documents, lesquels ont été remis lors de l’audience de conciliation. Il a alors demandé la condamnation de l’employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation de cette remise tardive.
L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Le conseil de prud’hommes, qui a constaté que le salarié n’apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Selon la Cour de cassation, la non-délivrance ou la délivrance tardive des certificats de travail et bulletins de paie ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié. Plus généralement, l’affirmation selon laquelle l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond emporte pour conséquence que l’existence d’un préjudice n’est désormais, même en matière sociale, plus présumée.
- Compensation des astreintes – Logement de fonction. Cass. Soc., 13 avril 2016, N°14-23306.
L’attribution d’un logement de fonction à titre gratuit ne peut constituer une modalité de rémunération de l’astreinte qu’à la condition qu’une stipulation du contrat de travail ou de la convention collective le prévoie expressément.
- X… a saisi la cour d’appel de Dijon par requête du 17 décembre 2013 d’une action en réparation d’omission de statuer affectant un arrêt du 2 février 2012 qui a fait l’objet d’un arrêt de cassation partielle et d’une irrecevabilité (Soc., 9 octobre 2013, n° 12-16.664) concernant le grief relatif à la compensation financière des heures d’astreinte.
Pour évaluer la contrepartie financière des astreintes et la fixer à une certaine somme, l’arrêt retient qu’il y a lieu de tenir compte de la mise à disposition gratuite du logement dont a bénéficié M. X… ainsi que sa compagne, avec laquelle il partageait les contraintes de l’astreinte.
En statuant ainsi, en l’absence de stipulation du contrat de travail le prévoyant expressément, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, ensemble l’article L. 3121-5 du code du travail.
- Accident du travail – Inaptitude du salarié. Cass. Soc., 13 avril 2016, N°15-10400.
- X… a été engagé par la société Imprimerie artisanale en qualité de conducteur offset. Victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail jusqu’au 27 septembre 2009, il a repris son poste le 28 septembre 2009, puis a de nouveau été arrêté le 5 octobre, en raison d’une rechute. A l’issue de deux visites médicales des 1er et 16 février 2010, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, mais apte à un poste sans manutention. Lors d’un examen médical, le 15 mars 2010, il a été déclaré par le médecin du travail “apte au poste de conducteur offset avec l’aménagement proposé, sans manutention ni position prolongée en flexion antérieure du tronc”. Le salarié a refusé de reprendre ce poste.
Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, l’arrêt retient que le salarié, qui a fait l’objet d’un avis d’inaptitude le 16 février 2010, était en droit de refuser le reclassement proposé par l’employeur et validé par le médecin du travail et que postérieurement à ce refus, il appartenait à celui-ci de faire une nouvelle proposition de reclassement ou de procéder au licenciement de l’intéressé et non de le maintenir dans les effectifs de l’entreprise pendant plus de quatre ans, sans reprendre le paiement des salaires.
En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que le salarié avait fait l’objet d’un avis d’aptitude à son poste le 15 mars 2010, lequel s’imposait à défaut de recours devant l’inspecteur du travail, de sorte que l’employeur qui proposait la réintégration du salarié sur son poste réaménagé, conformément aux préconisations du médecin du travail, n’avait pas commis de manquement en ne procédant pas à un licenciement pour inaptitude, ni à une recherche de reclassement supposant, comme la reprise du paiement des salaires, une telle inaptitude, la cour d’appel a violé les articles L. 1226-8 et L. 4624-1 du code du travail.
- Journaliste professionnel – Indemnité de licenciement. Cass. Soc., 13 avril 2016, N°11-28713.
- X…, journaliste professionnel revendiquant l’existence d’un contrat de travail avec l’agence de presse société Eliot press (la société) depuis le 1er octobre 1996 en qualité de reporter photo pigiste, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur le 17 juin 2009 et a saisi la juridiction prud’homale. Par jugement du 29 avril 2013, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société, a désigné M. Y… en qualité de mandataire judiciaire et M. Z… en qualité d’administrateur judiciaire.
La présomption de salariat prévue par l’article L. 7112-1 du code du travail s’applique à une convention liant un journaliste professionnel à une agence de presse.
La cour d’appel ayant constaté que M. X…, dont la qualité de journaliste professionnel n’était pas contestée devant elle, ne jouissait pas d’une totale liberté, mais recevait des directives et participait, de manière exclusive, à un travail en équipe dans un service organisé a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Pour condamner l’employeur à payer une somme en application des dispositions de ce texte, l’arrêt retient que M. X… a droit à une indemnité de licenciement égale à un mois par année ou fraction d’année d’ancienneté soit en l’espèce treize mois.
En statuant ainsi, alors qu’il résulte de l’article L. 7112-2 du code du travail que seules les personnes mentionnées à l’article L. 7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l’indemnité de congédiement instituée par l’article L. 7112-3, la cour d’appel, qui a relevé que le salarié travaillait pour le compte d’une agence de presse, a violé les articles L. 7112-2 et L. 7112-3 du code du travail.
- Licenciement pour faute grave – Procédure. Cass. Soc., 6 avril 2016, N°14-21530.
Engagé le 1er mars 1990 par la société GAN assurances en qualité de chargé de missions pour exercer en dernier lieu les fonctions de responsable de développement de la région Nord Est, M. X… a été, par lettre du 24 mai 2007, mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 5 juin 2007. Il a été dans le même temps avisé qu’en application de l’article 90 de la convention collective nationale des sociétés d’assurance du 27 mai 1992, il avait la possibilité de demander la tenue d’un conseil composé de trois représentants de l’employeur et de trois représentants du personnel et que cette demande devait être formulée par écrit et parvenir à l’employeur au plus tard six jours francs après l’entretien préalable. A la suite de cet entretien, il a été informé, un licenciement pour faute grave étant envisagé, que cette instance, devant impérativement se réunir en cas de licenciement pour faute, était saisie et qu’il devait dès lors désigner ses trois représentants. Le conseil s’est tenu le 18 juin 2007 en étant composé de deux représentants de la direction et de deux représentants du personnel en raison de l’absence d’un représentant des salariés en situation de congés annuels. Le procès-verbal de la réunion du conseil a été adressé au salarié le lendemain par lettre recommandée et reçu par ce dernier avant la notification de son licenciement pour faute grave par lettre du 28 juin 2007. Contestant cette décision et invoquant le non-respect des dispositions conventionnelles applicables, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Ayant constaté que le conseil avait été saisi par l’employeur qui envisageait un licenciement pour faute et que l’indication d’un délai erroné sur la faculté offerte au salarié de saisir cette instance n’avait eu aucune incidence sur la possibilité pour ce dernier de préparer sa défense, la cour d’appel en a exactement déduit qu’aucune garantie de fond n’avait été méconnue.
Ensuite, ayant relevé que le salarié, mis en mesure de désigner ses trois représentants, n’avait pas demandé à en choisir un autre en remplacement du représentant indisponible et avait sollicité d’être représenté par les deux autres personnes désignées et que la parité entre les représentants du salarié et ceux de la direction avait été respectée, la cour d’appel en a exactement déduit que l’employeur avait satisfait à ses obligations.
Enfin, en vertu de l’article 90 de la convention collective des sociétés d’assurance, l’un des représentants de l’employeur préside le conseil paritaire, qu’il établit à l’issue de la réunion un procès-verbal qui relate notamment les faits reprochés au salarié et consigne l’avis de chacun des membres du conseil auxquels ce procès-verbal est remis, ainsi qu’au salarié concerné.
Ayant constaté que le procès-verbal de réunion avait été adressé au salarié dès le lendemain de la tenue du conseil et lui était parvenu avant la notification de son licenciement, la cour d’appel a pu en déduire qu’il n’avait pas été porté atteinte à son droit de préparer utilement sa défense.
Ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis exclusive de toute dénaturation et sans méconnaître les termes du litige, que le salarié avait autorisé, alors qu’il n’en avait pas le pouvoir, un partage de locaux entre un agent général et un cabinet de courtage, qu’il avait accordé des augmentations de salaire sans avoir reçu mandat à cet effet et qu’il avait effectué une fausse déclaration concernant des repas pris au restaurant avec un tiers non identifié, la cour d’appel a pu décider que le cumul de ces trois griefs rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et constituait une faute grave.
La cour d’appel qui, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que les seuls faits de dénigrement par ses deux collègues invoqués par le salarié comme faisant présumer l’existence d’un harcèlement moral n’étaient pas établis.
- Licenciement pour motif économique collectif – Procédure. Cass. Soc., 6 avril 2016, N°14-12724, 14-20861, 14-20866, 14-26331, 14-26334 et 14-27042.
La Société hôtelière du Chablais (SHC), qui exploite en Guadeloupe l’Hôtel de la Caravelle, à l’enseigne « Club Med », a, par lettres du 19 août 2009, proposé à l’ensemble des salariés une modification pour motif économique de leurs contrats de travail. Un certain nombre d’entre eux, dont Mmes X…, Y…, Z…, A…, B… et C… (les salariées) ayant refusé cette modification, la société a engagé une procédure de licenciement pour motif économique de plus de dix salariés. Les 25 et 30 novembre 2009, la Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG) a communiqué à l’employeur la liste de ses candidats aux élections des délégués du personnel et membres du comité d’entreprise, comprenant les six salariées en cause. Celles-ci ont été licenciées pour motif économique par lettres du 5 décembre 2009. Contestant leurs licenciements, elles ont saisi la juridiction prud’homale.
Pour l’application des articles L. 2411-7 et L. 2411-10 du code du travail, si la procédure de licenciement ne nécessite pas d’entretien préalable, l’employeur doit requérir l’autorisation administrative de licencier un salarié candidat aux élections professionnelles lorsqu’il a été informé de cette candidature avant la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Pour rejeter la demande des salariées en annulation de leurs licenciements pour violation du statut protecteur, réintégration et paiement du rappel de salaires y afférent, les arrêts retiennent que la procédure de licenciement de plus de dix salariés, donc sans entretien préalable, a été mise en œuvre avant que leurs candidatures aux élections professionnelles aient été portées officiellement à la connaissance de l’employeur, qu’en effet dès le 23 septembre 2009, celui-ci a informé les salariées des conséquences de leur refus d’acceptation de la modification de leur contrat de travail et de l’engagement d’une procédure de licenciement économique à leur encontre, que le 23 octobre 2009 il a remis au comité d’entreprise un document d’information sur le projet de licenciement économique collectif avec la convocation à la première réunion, que la procédure de consultation finale du comité d’entreprise sur le projet de licenciement économique et le plan de sauvegarde de l’emploi est intervenue le 9 novembre 2009 et que le 13 novembre, la liste des salariés concernés par le licenciement collectif a été transmise à la Direction du travail, tandis que la CGTG ne lui a transmis que le 25 novembre 2009 (pour Mmes X…, Y…, B… et C…) et le 30 novembre 2009 (pour Mmes Z… et A…) sa liste de candidats aux élections professionnelles.
En statuant ainsi alors qu’elle avait constaté que l’employeur avait été informé de la candidature des salariées aux élections professionnelles antérieurement à l’envoi des lettres de licenciement, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Pour rejeter les demandes des salariées en paiement d’un reliquat de salaires en application de l’accord régional interprofessionnel relatif aux salaires en Guadeloupe dit accord « Jacques Bino » signé le 26 février 2009 et étendu par arrêté ministériel du 3 avril suivant, les arrêts retiennent que le champ d’application professionnel n’a pas été clairement défini, l’article 1 dudit accord visant « les employeurs du secteur privé », que lorsqu’un accord professionnel ne définit pas son champ d’application, celui-ci dépend des organisations patronales signataires de l’accord et de leur représentativité, qu’il en résulte qu’un tel accord, même étendu, ne s’impose pas dans les secteurs d’activité dont les organisations patronales représentatives n’étaient pas signataires du texte initial, que la société SHC n’est adhérente d’aucune organisation syndicale signataire et n’a pas signé d’accord d’entreprise stipulant l’application de l’accord Bino, qu’elle n’était donc nullement tenue d’appliquer l’augmentation de salaire issue de l’article II dudit accord, ni la prise en charge des aides de l’Etat et des collectivités par l’employeur instituée par l’article V, lequel a été en outre exclu de l’extension et qu’elle a appliqué facultativement et librement un régime conforme aux prévisions de la circulaire interministérielle DDS du 9 septembre 2009 et également à l’article III de l’accord Bino.
Cependant, l’arrêté d’extension du ministre du travail a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d’un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d’application professionnel et territorial dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l’accord.
En se déterminant comme elle l’a fait, sans rechercher si une organisation patronale représentative du secteur d’activité dont relevait l’employeur n’était pas signataire de l’accord régional interprofessionnel ou adhérente d’une organisation patronale signataire de ce même accord, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2222-1, L. 2261-15, L. 2261-19 et L. 2261-27 du code du travail.
- Licenciement pour motif économique – Ordre des licenciements. Cass. Soc., 6 avril 2016, N°14-29820 et 14-29821.
- X… et Mme Y…, engagés respectivement les 24 juin 1991 et 11 mai 1992 par une société du groupe Thomson et dont les contrats de travail ont été transférés dans le cadre d’une réorganisation à la société Thomson vidéo networks au sein de laquelle ils occupaient les fonctions de technicien suivi d’affaires, ont été licenciés le 26 novembre 2010 pour motif économique.
Pour condamner la société à payer à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent que les jugements seront confirmés en ce qu’ils ont retenu que l’employeur avait manqué à son obligation de mise en œuvre des critères de licenciement, que cependant le préjudice résultant de ce non-respect a pour conséquence d’aboutir à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque la répartition des salariés techniciens en plusieurs catégories dont certaines avaient un nombre de salariés équivalant au nombre de postes devant y être supprimés a abouti à permettre le licenciement de ces salariés nommément désignés et que c’est donc à ce titre que l’indemnisation doit être accordée.
En statuant ainsi, alors que l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-5 du code du travail.
- Licenciement pour motif personnel – Association. Cass. Soc., 6 avril 2016, N° 14-26019.
A l’occasion de la réalisation des travaux du tramway bordelais, la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) aux droits de laquelle se trouve l’Etablissement public de coopération intercommunale Bordeaux métropole, a décidé la création, en juin 2009, de l’Association Tramemploi (l’Association) destinée à « maximiser » l’impact du chantier sur l’emploi local et à suivre les retombées du projet. Elle a été constituée par la CUB, l’Union des industries et métiers de la métallurgie Gironde et Landes, le département de la Gironde, la région Aquitaine et la Fédération des travaux publics d’Aquitaine. Mme X… a été engagée le 21 juin 2000 par l’Association en qualité de coordinatrice destinée à mettre en place ce dispositif. L’Association a décidé de sa dissolution au 31 décembre 2004, M. J… étant désigné en qualité de liquidateur et que la salariée a été licenciée pour motif économique le 28 octobre 2004.
Pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner la CUB in solidum avec l’Association à lui verser des dommages-intérêts, la cour d’appel retient qu’un certain nombre d’éléments de la procédure manifestent qu’il existait une unité de direction de l’Association sous la conduite de la CUB, que les décisions prises par celle-ci à son seul profit privait l’Association sous la conduite de la CUB, que les décisions prises par celle-ci à son seul profit privaient l’Association de tout pouvoir effectif, que les choix stratégiques et de gestion étaient décidés par la collectivité territoriale, laquelle assumait également la gestion des ressources humaines, qu’elle avait elle-même imposé la cessation d’activité en votant la modification des statuts de l’Association, qu’il existait ainsi entre l’Association et la CUB une confusion d’activités, d’intérêts et de direction ayant conduit cette dernière à s’immiscer directement dans la gestion de l’Association et dans la direction de son personnel et que le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur le litige né de la rupture du contrat de travail de la salariée dès lors que celle-ci n’a jamais été liée à ses employeurs par un rapport de droit public.
Cependant, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi. Il en résulte que l’action engagée par la salariée d’un organisme de droit privé à l’encontre d’une telle personne publique fondée sur l’immixtion de cette dernière dans la gestion de la personne privée et sur la reconnaissance par voie de conséquence de la qualité de co-employeur relève de la compétence des juridictions administratives.
En statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-1 et L. 1411-2 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Pour condamner l’Association à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la mission de la salariée devait s’effectuer sur toute la durée de construction du tramway et non jusqu’à la première phase, que les audits avaient révélé une situation financière tendue au 31 décembre 2001 et qu’en dépit d’une maîtrise des dépenses, le conseil d’administration avait voté un budget imprudent en 2002, surévaluant certaines recettes sans fixer le montant des cotisations des membres ni créer le second collège statutaire prévu, qui aurait permis l’obtention de recettes supplémentaires, que la CUB avait fait le choix de mettre un terme à la mission d’accompagnement économique et social de l’Association à la fin de la première phase et que l’employeur avait exécuté le contrat de la salariée avec mauvaise foi et agi avec une légèreté et une imprudence d’autant plus blâmable qu’il avait été mis en garde à plusieurs reprises sur la viabilité de l’association faute de rechercher et d’obtenir les financements lui permettant de mener son action à bien.
En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la faute ou la légèreté blâmable de l’Association en rapport avec sa cessation d’activité, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-3 du code du travail.
- Licenciement pour motif personnel – Procédure. Cass. Soc., 6 avril 2016, N° 14-23198.
- X…, engagé par la Société d’exploitation de l’hôtel du parc de Bougival (SEHPB) le 3 novembre 2003 en qualité de maître d’hôtel, puis promu responsable de restauration, a fait l’objet le 22 octobre 2007 d’un avertissement et d’une mise à pied disciplinaire de trois jours. Par lettre du 11 février 2008, l’union locale CGT Chatou a demandé la tenue d’élections de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise, annoncé la candidature de M. X… à ces futures élections et l’a désigné en qualité de délégué syndical dans l’entreprise. Il a été convoqué par lettre du 14 octobre 2009 à un entretien préalable à un licenciement, avec mise à pied conservatoire, puis licencié pour faute grave le 17 novembre suivant. Il a ensuite saisi la juridiction prud’homale le 5 avril 2011, sollicitant, à titre principal, la nullité de son licenciement prononcé en violation du statut protecteur attaché à son mandat de délégué syndical, l’annulation des sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet le 22 octobre 2007 ainsi que diverses sommes à titre de rappels de salaire et d’indemnités. L’union locale CGT Chatou est intervenue à l’instance.
L’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié. La cour d’appel qui a constaté que l’entretien préalable avait été tenu régulièrement a, sans violer les droits de la défense, légalement justifié sa décision.
Pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut protecteur et de ses demandes au titre d’un licenciement nul, l’arrêt retient que la lettre du 4 avril 2008 dans laquelle le salarié fait part de sa décision « de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit, au sein de la Société d’exploitation de l’hôtel du parc de Bougival » n’évoque pas les prochaines élections, ne fait aucune allusion à une quelconque candidature à laquelle M. X… renoncerait, qu’au contraire, en se référant ainsi expressément à un mandat donné par un syndicat, ce qui est le propre de la qualité de délégué syndical alors que la qualité de délégué du personnel procède d’un mandat électif, elle constitue une manifestation claire et non équivoque du salarié de mettre fin à sa fonction de délégué syndical au sein de l’établissement.
Cependant, le délégué syndical peut renoncer à son mandat en informant l’organisation syndicale qui l’a désigné de sa renonciation.
En statuant comme elle a fait, sans constater que le salarié avait informé l’organisation syndicale qui l’avait désigné de sa volonté de mettre fin de façon anticipée à son mandat de délégué syndical, ce dont il résultait que ce mandat n’avait pas pris fin et qu’il ne pouvait être licencié sans autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les articles 2003 et 2007 du code civil et L. 2411-3 du code du travail.
- Salarié protégé – Licenciement. Cass. Soc., 6 avril 2016, N° 14-13484.
Mme X… a été engagée par la banque Chaix, le 1er décembre 1984 et élue membre suppléant du comité d’entreprise le 6 juillet 2010. Invoquant notamment des faits de harcèlement moral, la salariée a saisi le 6 janvier 2011 la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour inaptitude le 8 juin 2012 après autorisation de l’inspecteur du travail. Par décision du 13 décembre 2012, le ministre du travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail en raison d’un vice de procédure.
L’indemnité due, en application de l’article L. 2422-4 du code du travail, au salarié protégé, licencié sur le fondement d’une décision d’autorisation de l’inspecteur du travail ensuite annulée, a, de par la loi, le caractère d’un complément de salaire.
Pour allouer à la salariée, en sus de l’indemnité prévue par l’article L. 2422-4 du code du travail en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement, une certaine somme au titre de la violation de son statut protecteur, l’arrêt retient que le harcèlement moral est caractérisé, qu’il convient de faire droit à la demande de la salariée, que, dans la mesure où la salariée était titulaire d’un mandat de représentation depuis son élection au comité d’entreprise le 6 juillet 2010, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur, et que la salariée qui ne demande pas sa réintégration est fondée à réclamer une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’elle aurait perçue depuis la date de son éviction le 8 juin 2012 jusqu’à l’expiration de la période de protection.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée avait été licenciée le 8 juin 2012 après autorisation de l’inspecteur du travail, de sorte que la rupture du 8 juin 2012 n’était pas intervenue en méconnaissance du statut protecteur, la cour d’appel a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-8 du code du travail.
- Ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes.
Depuis 1979, les conseillers prud’hommes étaient élus tous les cinq ans par leurs pairs dans le cadre d’une élection générale au suffrage universel direct, organisée pendant le temps de travail des salariés, le même jour sur tout le territoire. Il est cependant devenu nécessaire d’adapter le mode de renouvellement des conseillers prud’hommes pour renforcer la légitimité de l’institution prud’homale tout en préservant sa spécificité.
L’Ordonnance n°2016-388 qui définit le mode de désignation des conseillers prud’hommes en vue du renouvellement des conseils en 2017, s’inscrit dans le cadre de la réforme menée par le Gouvernement pour améliorer le fonctionnement de la juridiction prud’homale, dont l’importance est centrale pour résoudre les conflits du travail. Prise sur le fondement de l’habilitation prévue par l’article 1er de la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud’hommes, cette ordonnance a été préparée en concertation avec les partenaires sociaux, notamment au sein du Conseil supérieur de la prud’homie.
Les conseillers prud’hommes seront nommés en 2017 par arrêté conjoint du ministre du travail et du ministre de la justice pour un mandat de quatre ans, à partir des listes établies par les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs représentatives au niveau national. La répartition des sièges au sein des conseils, des collèges et des sections sera fonction de l’audience de ces organisations issue de la mesure de leur représentativité qui fera l’objet d’arrêtés du ministre chargé du travail.
L’ordonnance met également en œuvre le principe de parité entre les femmes et les hommes introduit par la loi du 17 août 2015 en prévoyant que les listes de candidats présentées par les organisations devront comporter alternativement des femmes et des hommes.
Ce texte, qui vient compléter les mesures ambitieuses prises dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 et de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 pour rendre plus rapides et plus efficaces les procédures devant les conseils de prud’hommes et favoriser la conciliation, contribuera à les renforcer. La mise en œuvre de cette ordonnance fera l’objet d’un décret en Conseil d’État.
Droit des affaires, concurrence, distribution et consommation
- Marques – Propriété intellectuelle. Cass., Com., 12 avril 2016, N°14-29414.
En application de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque.
La société Maisons du monde, spécialisée dans l’équipement et la décoration de la maison et titulaire de la marque semi-figurative « maisons du monde » déposée le 5 octobre 1999 avec revendication de couleurs, enregistrée sous le n° 99792285 pour désigner divers produits en classes 3, 4, 8, 11, 14 à 16, 18, 20, 21, 22, 24, 25 à 28, après avoir fait constater que des magasins Gifi, exploités par la société Gifi Mag et commercialisant des articles d’art de la table, d’ameublement et de décoration de la maison, utilisaient des panneaux publicitaires comportant l’intitulé « tout pour la maison » surmonté d’une petite maison stylisée, a assigné cette société ainsi que la société Gifi en contrefaçon de sa marque et en concurrence déloyale et parasitaire et a demandé l’annulation de la marque semi-figurative « tout pour la maison » déposée par cette dernière société le 15 avril 2003 et enregistrée sous le n° 033220902 pour désigner en classe 35 des services de regroupement, mise à disposition et présentation aux consommateurs de produits en vue de leur vente et de leur achat, à savoir cosmétiques et produits voisins. L’arrêt rendu sur cette action a été cassé, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société Maisons du monde sur le fondement de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle.
Pour rejeter cette demande, l’arrêt retient qu’il n’existe aucun risque d’assimilation entre les deux marques en cause, compte tenu de leurs différences visuelle, phonétique et conceptuelle, leur conférant une impression globale pour le consommateur moyen différente, et que certaines ressemblances à caractère mineur ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion ou d’assimilation pour le consommateur moyen.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
- Bail commercial – Indemnité d’éviction. Cass., Civ., 2ème, 7 avril 2016, N°15-13108.
- X… a fait assigner, le 13 août 2005, devant un tribunal de commerce la SCI Aquitaine (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial qui lui avaient été donnés à bail, afin de restitution d’une certaine somme au titre d’une augmentation illégale des loyers et d’un excédent de charges. Le 14 juin 2006, il a fait délivrer à la SCI une demande de renouvellement du bail. Le 13 septembre 2006, la SCI a signifié à M. X… un refus de renouvellement du bail commercial. Le 2 janvier 2007, celui-ci a saisi le juge de la mise en état d’une demande d’expertise pour vérifier les demandes successives de révision des loyers, vérifier les charges communes de l’immeuble et les appels de charges ponctuels adressés par la SCI et procéder à l’apurement des comptes. Par une ordonnance du 3 mai 2007, le juge de la mise en état a nommé un expert pour procéder à une mesure d’expertise comptable. Le 31 octobre 2007, M. X… a assigné la SCI, sur le fondement de l’article L. 145-17- I 1° du code de commerce en contestation du refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction. Par une ordonnance du 10 janvier 2008, le juge de la mise en état a ordonné, avant dire droit, une autre mesure d’expertise pour procéder au calcul de l’indemnité d’occupation et, éventuellement, de l’indemnité d’éviction. L’expert a déposé son rapport le 22 juin 2009. Par une ordonnance du 8 avril 2010, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de la procédure. Le rapport d’expertise comptable a été déposé le 18 mai 2010. Par acte extra-judiciaire du 31 mai 2011, M. X… a notifié à la SCI sa volonté de quitter les lieux avec restitution des clés le 30 septembre 2011. Le 30 juin 2011, la SCI lui a fait notifier un acte dit « de repentir », sur le fondement de l’article L. 145-58 du code de commerce. Le 3 mai 2012, M. X… a, par voie de conclusions, demandé la condamnation de la SCI au paiement d’une certaine somme au titre de l’indemnité d’éviction. La SCI, par conclusions d’incident, a soulevé la péremption de l’instance.
Ayant, par motifs propres et adoptés, d’une part énoncé que l’exercice du droit de repentir par le bailleur a pour effet de le soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction réclamée par le preneur autant que celui-ci est encore dans les lieux et, d’autre part, relevé qu’il résultait de la chronologie des faits et de la procédure que la SCI avait signifié l’acte de repentir à M. X… alors que celui-ci avait déjà notifié son intention de libérer les lieux, c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que ledit acte avait interrompu le délai de péremption de l’instance.
- Liquidation judiciaire – Créanciers. Cass. Crim., 6 avril 2016, N°15-81272.
Il résulte de l’article L. 643-11 du code de commerce que les créanciers d’un débiteur en liquidation judiciaire ne peuvent, dans les hypothèses prévues par cet article, recouvrer l’exercice individuel de leurs actions contre ce débiteur qu’après que la procédure collective a été clôturée pour insuffisance d’actif.
Pour déclarer recevable la demande en indemnisation de leur préjudice matériel de M. et Mme Y…, qui avaient déclaré leur créance dans le cadre de la procédure collective concernant M. X… et les sociétés dont il était le dirigeant, l’arrêt énonce qu’en application de l’article L. 643-11 du code de commerce, il est fait exception à la règle selon laquelle le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, notamment lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie, ou au cas où la faillite personnelle du débiteur a été prononcée
En se déterminant ainsi, sans constater que la liquidation judiciaire de M. X… avait été clôturée, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
- Avocats – Contrat de collaboration libérale. Cass., Civ., 1ère, 6 avril 2016, N°15-17475.
La SCP d’avocats Philippe Grillon (la SCP) a mis fin, sans respect du délai de prévenance, au contrat de collaboration libérale la liant à Mme X…, avocat, à qui elle reprochait d’avoir, sans son autorisation, fait installer, sur l’ordinateur mis à sa disposition et connecté au réseau du cabinet, un logiciel professionnel de gestion des dossiers administratifs ainsi qu’une protection contre les virus. Cette dernière a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Montpellier pour obtenir le paiement de la rétrocession d’honoraires pendant le délai de prévenance et d’une indemnité pour repos non pris.
Après avoir rappelé que Mme X… avait l’usage d’un ordinateur mis à sa disposition par la SCP tant pour les besoins de sa collaboration que pour le développement de sa clientèle personnelle, l’arrêt relève que l’utilisation normale de l’ordinateur incluait la faculté d’installer les logiciels litigieux, que la société Adwin, prestataire habituel et reconnu des avocats et des instances ordinales, présentait toutes les garanties de sérieux exigibles, que Mme X… avait fait signer au technicien informatique un engagement de confidentialité et avait assuré, par sa présence continue durant l’intervention de celui-ci, le respect du secret professionnel et de la confidentialité, aucun détournement de dossiers n’étant d’ailleurs allégué. Il relève encore que tout accès à distance par la société Adwin au serveur du cabinet était impossible dès lors que seule Mme X… détenait le code d’accès. De ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a pu déduire que l’installation, à la demande de la collaboratrice, d’un logiciel professionnel par une société spécialisée, dans des conditions garantissant le secret professionnel et la confidentialité, ne caractérisait pas une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de collaboration libérale.
- Procédure collective – Créances sociales. Cass., Com., 5 avril 2016, N°14-21277.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032387857&fastReqId=407650105&fastPos=81
Il résulte de l’article L. 622-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises que le jugement d’ouverture de sa procédure collective interdit au débiteur de payer toute créance née antérieurement, de sorte que, si le débiteur n’est pas à jour de l’intégralité de ses cotisations sociales antérieures, il ne peut pour autant être privé de tout droit aux prestations sociales.
Le 29 janvier 2010, la Caisse du régime social des indépendants d’Auvergne (la Caisse) a attribué à M. X…, artisan plâtrier-peintre, une pension temporaire d’incapacité sous réserve du respect d’un échéancier de paiement d’un arriéré de cotisations. M. X… a été mis en redressement judiciaire le 1er juin 2010. La Caisse, qui n’avait pas déclaré sa créance de cotisations dans les délais ni demandé à être relevée de la forclusion, a, par lettre du 13 août 2010, suspendu le service de la pension d’incapacité au motif que M. X… ne respectait pas l’échéancier qui lui avait été accordé. Après le rejet de sa contestation par la commission de recours amiable de la Caisse, M. X… a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’un recours contre cette décision.
Pour suspendre le versement de la pension, l’arrêt retient que la créance non déclarée par la Caisse n’est pas éteinte mais simplement inopposable à la procédure collective de M. X… et que la Caisse est, en conséquence, fondée à invoquer les articles 6 et 7 du règlement du régime d’assurance invalidité-décès des travailleurs non-salariés des professions artisanales, qui subordonnent le versement d’une pension d’incapacité au paiement, par son bénéficiaire, de la totalité des cotisations dont il est redevable.
En statuant ainsi, alors que, si la créance de la Caisse n’était pas éteinte, les dispositions invoquées, en ce qu’elles privaient M. X… de tout droit à prestation, étaient sans effet en raison de sa procédure collective et que le service de sa pension, sans pouvoir être suspendu, devait être poursuivi sur la base des cotisations réglées, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
- Redressement judiciaire – Prêt bancaire. Cass., Com., 5 avril 2016, N° 14-20169.
Le 26 septembre 2007, la Caisse fédérale du Crédit mutuel Maine-Anjou et Basse-Normandie (la Caisse) a consenti à la société Financière Serge X… (la société FSD) un prêt de 100 000 euros au taux de 4, 70 % l’an, remboursable en 60 mensualités. Le 17 juin 2010, la banque a octroyé à la société FSD un prêt de 120 000 euros au taux de 3, 40 % l’an, remboursable en cinq annuités. La société FSD s’est portée caution envers la Caisse de deux autres prêts consentis à la société Transports Petit et d’un prêt octroyé à la société Carentan transports. Ces prêts comportaient une clause, intitulée « Retards », stipulant une majoration de trois points du taux de l’intérêt contractuel en cas d’échéance impayée et jusqu’à la reprise du paiement des échéances. Le 7 février 2012, la société FSD a été mise en redressement judiciaire, la société Bruno Y… et la société Ajire étant désignées respectivement mandataire et administrateur judiciaires. Le 24 février 2012, la Caisse a déclaré diverses créances, dont les montants ont été contestés par la société FSD.
Après avoir exactement retenu que la clause majorant le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance de l’emprunteur s’analyse en une clause pénale que le juge-commissaire peut réduire, lors de l’admission au passif de la créance du prêteur, si elle est manifestement excessive, l’arrêt retient que l’augmentation de taux, de l’ordre de 75 %, voire 100 %, par rapport à un taux conventionnel de base, excède notablement le coût de refinancement de la banque et qu’elle est sans commune mesure avec le préjudice résultant pour elle du retard de paiement. C’est donc souverainement que la cour d’appel, après avoir ainsi estimé que la clause était manifestement excessive, en a réduit le montant.
Il ne résulte ni l’arrêt, ni de ses conclusions devant la cour d’appel que la Caisse ait prétendu que le juge-commissaire avait, en admettant ses créances dans les termes désormais contestés par le moyen, écarté l’application de la clause prévoyant la capitalisation des intérêts.
L’arrêt constate que, dans les déclarations initiales de la Caisse relatives aux cautionnements par la société FSD des prêts souscrits par les sociétés Transports Petit et Carentan transports, les intérêts à échoir avaient été déclarés pour mémoire. Par ces constatations, dont il résulte que les modalités de calcul des intérêts à échoir n’étaient pas précisées, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de rejeter leur admission au passif.
- Liquidation judiciaire. Plan de cession totale. Cass., Com., 5 avril 2016, N°14-19869.
La société Socafor international a, le 7 juin 2012, bénéficié d’une procédure de sauvegarde, laquelle a été convertie en redressement judiciaire le 9 juillet 2013. Par deux jugements du 31 octobre 2013, elle a fait l’objet d’un plan de cession totale et a été mise en liquidation judiciaire. Par un jugement du 25 février 2014, le tribunal a, sur la demande du liquidateur, étendu cette liquidation à la société Olicom.
L’adoption d’un plan de cession totale de l’entreprise fait obstacle à l’extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur.
Ayant constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Socafor international, un plan de cession totale de l’entreprise avait été arrêté, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que le tribunal ne pouvait plus étendre la procédure collective à la société Olicom en raison de la confusion alléguée de leurs patrimoines.
Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
- Etranger – Obligation de quitter le territoire français – Reconduite à la frontière. Conseil d’État, 15 avril 2016, Référés, N° 398550.
Il résulte de la combinaison des articles L. 512-1, L. 552-1, R. 552-17 et R. 552-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que l’étranger qui fait l’objet d’une décision administrative de placement en rétention, quel qu’en soit le motif, est recevable à en demander l’annulation au juge administratif sur le fondement de l’article L. 512-1 dans les quarante-huit heures qui suivent la notification de cette mesure.
En revanche, la juridiction administrative cesse d’être compétente pour connaître de conclusions tendant à ce qu’il soit mis fin à cette rétention dès lors que la prolongation de cette rétention a été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) en application de l’article L. 552-1 du même code. Le JLD est alors le seul compétent pour y mettre fin, soit à la demande de l’étranger, ainsi que le prévoit l’article R. 552-17 du même code, soit de sa propre initiative, en application de l’article R. 552-18 du même code.
- Regroupement familial – Indemnisation. Conseil d’État, 6 avril 2016, 6ème / 1ère SSR, N° 378338.
En 2000, les requérants, résidant régulièrement en France depuis 1967, ont demandé à la justice algérienne la charge de leur neveu et de leur nièce, dont le père connaissait de graves problèmes de santé et ne pouvait subvenir aux besoins. La justice algérienne a fait droit à cette demande et prononcé un acte de prise en charge légale (kafala) par un jugement de 2000, confirmé en 2004. A la suite de ces jugements, les époux ont présenté plusieurs demandes de regroupement familial, qui ont toutes été rejetées, par des décisions dont la cour administrative d’appel a jugé qu’elles étaient illégales et constitutives de fautes engageant la responsabilité de l’Etat.
Dans ces conditions, en fixant à 2 500 euros le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice que les requérants ont subi en étant privés pendant douze ans, du fait de l’illégalité fautive des décisions prises par l’administration, de la possibilité d’élever leur neveu et leur nièce, la cour a entaché son arrêt de dénaturation.
Court of Justice of the European Union
- Reference for a preliminary ruling — Directive 2003/86/EC — Article 7(1)(c) — Family reunification — Requirements for the exercise of the right to family reunification — Stable and regular resources which are sufficient — National legislation permitting a prospective assessment of the likelihood that the sponsor will retain his resources — Compatibility. ECJ, 21 April 2016, Case C558/14, Mimoun Khachab v. Subdelegación del Gobierno en Álava.
Article 7(1)(c) of Council Directive 2003/86/EC of 22 September 2003 on the right to family reunification must be interpreted as allowing the competent authorities of a Member State to refuse an application for family reunification on the basis of a prospective assessment of the likelihood of the sponsor retaining, or failing to retain, the necessary stable and regular resources which are sufficient to maintain himself and the members of his family, without recourse to the social assistance system of that Member State, in the year following the date of submission of that application, that assessment being based on the pattern of the sponsor’s income in the six months preceding that date.
- Reference for a preliminary ruling — Social policy — Charter of Fundamental Rights of the European Union — Directive 2000/78/EC — Principle prohibiting discrimination on grounds of age — National legislation incompatible with the directive — Possibility for a private person to bring proceedings to establish the liability of the State for breach of EU law — Dispute between private persons — Balancing of various rights and principles — Principles of legal certainty and the protection of legitimate expectations — Role of the national court. ECJ, 19 April 2016, Case C441/14, Dansk Industri (DI) v. Estate of Karsten Eigil Rasmussen.
The general principle prohibiting discrimination on grounds of age, as given concrete expression by Council Directive 2000/78/EC of 27 November 2000 establishing a general framework for equal treatment in employment and occupation, must be interpreted as precluding, including in disputes between private persons, national legislation, such as that at issue in the proceedings before the referring court, which deprives an employee of entitlement to a severance allowance where the employee is entitled to claim an old-age pension from the employer under a pension scheme which the employee joined before reaching the age of 50, regardless of whether the employee chooses to remain on the employment market or take his retirement.
EU law is to be interpreted as meaning that a national court adjudicating in a dispute between private persons falling within the scope of Directive 2000/78 is required, when applying provisions of national law, to interpret those provisions in such a way that they may be applied in a manner that is consistent with the directive or, if such an interpretation is not possible, to disapply, where necessary, any provision of national law that is contrary to the general principle prohibiting discrimination on grounds of age. Neither the principles of legal certainty and the protection of legitimate expectations nor the fact that it is possible for the private person who considers that he has been wronged by the application of a provision of national law that is at odds with EU law to bring proceedings to establish the liability of the Member State concerned for breach of EU law can alter that obligation.
- Reference for a preliminary ruling — Article 45 TFEU and Article 48 TFEU — Charter of Fundamental Rights of the European Union — Article 15(2) — Regulation (EEC) No 1408/71 — Article 67(3) — Social security — Unemployment benefit to supplement income from part-time employment — Award of that benefit — Completion of periods of employment — Aggregation of periods of insurance or employment — Taking into account of periods of insurance or employment completed under the legislation of another Member State. ECJ, 7 April 2016, Case C284/15, Office national de l’emploi (ONEm).
Article 67(3) of Regulation (EEC) No 1408/71 of the Council of 14 June 1971 on the application of social security schemes to employed persons, to self-employed persons and to members of their families moving within the Community, in the version amended and updated by Council Regulation (EC) No 118/97 of 2 December 1996, as amended by Council Regulation (EC) No 592/2008 of 17 June 2008, must be interpreted as not precluding a Member State from refusing to aggregate periods of employment necessary to qualify for unemployment benefit to supplement income from part-time employment, where that employment was not preceded by any period of insurance or of employment in that Member State.
Consideration of the second question has not disclosed any factor of such a kind as to affect the validity of Article 67(3) of Regulation No 1408/71, in the version amended and updated by Regulation No 118/97, as amended by Regulation No 592/2008.
- Reference for a preliminary ruling — Directive 93/13/EEC — Contracts concluded between sellers or suppliers and consumers — Mortgage contracts — ‘Floor’ clause — Examination of the clause with a view to its invalidation — Collective proceedings — Action for an injunction — Stay of an individual action with the same subject matter. ECJ, 14 April 2016, Joined Cases C381/14 and C385/14, Jorge Sales Sinués v. Caixabank SA (C381/14), and Youssouf Drame Ba.
Article 7 of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts must be interpreted as precluding a provision of national law, such as that at issue in the main proceedings, which requires a court, before which an individual action has been brought by a consumer seeking a declaration that a contractual term binding him to a seller or supplier is unfair, automatically to suspend such an action pending a final judgment concerning an ongoing collective action brought by a consumer association on the basis of Article 7(2) of Directive 93/13 seeking to prevent the continued use, in contracts of the same type, of terms similar to those at issue in that individual action, without the relevance of such a suspension from the point of view of the protection of the consumer who brought the individual action before the court being able to be taken into consideration and without that consumer being able to decide to dissociate himself from the collective action.
- Reference for a preliminary ruling — Self-employed commercial agents — Directive 86/653/EEC — Article 17(2) — Indemnity in respect of customers — Conditions for granting — Acquisition of new customers — Concept of ‘new customers’ — Principal’s customers purchasing, for the first time, goods which the commercial agent was assigned to sell. ECJ, 7 April 2016, Case C315/14, Marchon Germany GmbH v. Yvonne Karaszkiewicz,
The first indent of Article 17(2)(a) of Council Directive 86/653/EEC of 18 December 1986 on the coordination of the laws of the Member States relating to self-employed commercial agents must be interpreted as meaning that customers brought in by the commercial agent for the goods that he has been assigned by the principal to sell must be regarded as new customers, within the meaning of that provision, in the case where, even though those customers already had business relations with that principal in relation to other goods, the sale, by that agent, of the first goods required the establishment of specific business relations, this being a matter for the referring court to determine.