08 Oct NEWSLETTER – OCTOBRE 2015
Droit du travail et sécurité sociale
- Plan de sauvegarde de l’emploi – Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cass., Soc., 9 juillet 2015, N°14-14654.
L’article L. 1235-1, alinéa 4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 applicable à la cause, disposant que le juge justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie, vise l’obligation faite au juge d’apprécier individuellement le préjudice subi par le salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou irrégulier par opposition à l’indemnisation forfaitaire prévue à l’alinéa premier de l’article précité dans la phase de conciliation.
Les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi destinées à faciliter le reclassement des salariés licenciés et compenser la perte de leur emploi n’ont pas le même objet, ni la même cause que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui réparent le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi.
- Plan de sauvegarde de l’emploi – Cessation anticipée d’activité.Cass., Soc., 9 juillet 2015, N°14-16009.
Engagée par la société URG le 1er juillet 1974, son contrat étant repris par la société des pétroles Shell en 1981, Mme X… a été licenciée le 26 mars 2010 pour motif économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, après avoir refusé une mesure de cessation anticipée d’activité.
Si un plan de sauvegarde de l’emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.
Ayant constaté d’une part, que la salariée avait refusé une mesure de cessation anticipée d’activité et que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que, de ce fait, les avantages dont elle bénéficiait étaient moins importants que ceux des autres salariés licenciés qui ne remplissaient pas les conditions pour prétendre à un départ anticipé et d’autre part, que cette différence de traitement ne pouvait être justifiée par le seul fait d’inciter les salariés âgés d’au moins 55 ans, à accepter une cessation anticipée d’activité, la cour d’appel a retenu à bon droit que la salariée faisait l’objet d’une différence de traitement qui n’était pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes.
La cour d’appel, qui a fait ressortir que la société ne produisait aucun élément sur la situation du secteur d’activité des lubrifiants du groupe auquel elle appartient, a pu décider qu’elle n’établissait pas l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise.
Deux décisions signalées sur le plan de sauvegarde de l’emploi.
- Grève – Rémunération. Cass., Soc., 9 juillet 2015, N°14-12779 14-12781 à 14-12787, 14-12789, 14-12790.
A la suite d’un mouvement de grève ayant eu lieu du 21 au 26 octobre 2010, la société Mondadori Magazines France a décidé que les salariés des titres qui avaient « bouclé » en temps et en heure subiront une retenue de 50 % tandis que ceux dont les titres avaient « bouclé » en retard subiront une retenue de 100 %. Onze salariés dont Mme De X…, travaillant au sein du magazine « Science et vie junior », qui ont subi une retenue de 100 % pour les jours de grève, ont saisi le 11 mars 2011 la juridiction prud’homale.
Pour condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts, les arrêts retiennent que le comportement illicite et insidieux de la société constitue un manquement de l’intéressée à ses obligations de loyauté envers ses salariés.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence pour les salariés d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l’employeur et causé par sa mauvaise foi, la cour d’appel a violé l’article 1153 du code civil.
- Contrat de travail – Loi applicable par les parties.Cass., Soc., 9 juillet 2015, N°14-13497.
En vertu de l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. Selon l’article 6 de ce même texte, le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du même texte.
Selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
La salariée qui invoque une fraude de ses employeurs et l’exercice d’une contrainte résultant de son état de grossesse et de sa dépendance économique lors de la signature des contrats, ne produit aucun élément probant à l’appui de sa démonstration fondée sur la seule chronologie des signatures des contrats litigieux. Maîtrisant parfaitement la langue espagnole, elle ne pouvait se méprendre sur la portée du contrat signé le 12 décembre 2002. S’agissant du délai de recours contre le licenciement prévu par le droit espagnol, elle ne démontre pas en quoi sa brièveté serait de nature à la priver de l’accès au juge et partant de justifier l’application des règles d’ordre public de la loi française. La circonstance qu’elle soit domiciliée et travaille la majeure partie du temps en France n’est pas suffisante pour établir la fraude invoquée, étant précisé que ses fonctions l’amenaient nécessairement à se déplacer régulièrement à l’étranger.
En se déterminant ainsi, après avoir constaté que le lieu d’exécution habituel du travail était en France, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les dispositions des lois belge et espagnole choisies par les parties et relatives aux différents chefs de demandes de la salariée, étaient plus protectrices que les dispositions impératives de la loi française qui aurait été applicable à défaut de ces choix, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
- Indemnité de rupture conventionnelle – Montant. Cass., Soc., 8 juillet 2015, N°14-10139.
Après avoir été mis à la disposition de la société Snecma dans le cadre de contrats de mission, M. X… a été engagé le 7 juillet 1975 par cette société en qualité d’ajusteur-monteur, avec reprise d’ancienneté au 21 avril 1975. A la suite de deux refus d’homologation d’une rupture conventionnelle, les parties ont signé le 26 juillet 2010 une troisième convention de rupture du contrat de travail fixant la date de rupture au 6 août 2010, qui a été homologuée par l’autorité administrative le 9 août 2010. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Pour débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l’arrêt retient, d’une part que diverses primes ayant pu être omises dans le cadre de la convention de rupture du mois d’août 2010, il convient de donner acte à l’employeur de ce qu’il serait redevable d’une somme à titre de complément d’indemnité de rupture conventionnelle, d’autre part que le formulaire homologué le 9 août 2010 maintenant la rupture au 6 août 2010, il y a lieu de donner acte à cet employeur de ce qu’il va régulariser la rupture au 10 août 2010, lendemain du jour de l’homologation.
En statuant ainsi, par des motifs dubitatifs et inopérants, alors que si la stipulation par les deux parties d’une indemnité dont le montant est inférieur à celle prévue par l’article L. 1237-13 du code du travail et si l’erreur commune de date fixée par les parties antérieurement au lendemain de l’homologation n’entraînent pas, en elles-mêmes, la nullité de la convention de rupture, la cour d’appel, saisie de demandes en annulation et en paiement de sommes, à qui il appartenait, non pas de procéder à un double donné acte dépourvu de portée, mais, par application de ce texte, de rectifier la date de la rupture et de procéder, en cas de montant insuffisant de l’indemnité de rupture conventionnelle, à une condamnation pécuniaire, a, méconnaissant son office, violé les articles 455 et 12 du code de procédure civile.
- Congé de maternité – Arrêt de travail pour maladie. Cass., Soc., 8 juillet 2015, N°14-15979.
Si la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n’en va pas de même en cas d’arrêt de travail pour maladie.
Des précisions sur les rapports entre congé de maternité et l’arrêt de travail pour maladie.
- Artiste – Contrat d’exclusivité – Rémunération. Cass., Soc., 8 juillet 2015, N°13-25681.
En vertu d’un contrat d’exclusivité, contrat de travail à durée déterminée d’usage, du 14 octobre 2003, M. X… a concédé à la société Universal music France (la société) l’exclusivité de la fixation de ses interprétations en vue de la réalisation de quatre albums phonographiques, LP1, LP2, LP3 et LP4 en contrepartie, notamment, d’un salaire de 100 euros par enregistrement, de redevances assises sur le produit de la vente de ces enregistrements et d’avances. Après enregistrement de deux albums en 2004 et 2006, la société, considérant que les ventes de ces deux premiers albums étaient trop faibles, a mis fin au contrat de travail à durée déterminée par lettre du 27 janvier 2009, et versé une indemnité à M. X…, en application de l’article L. 1243-4 du code du travail. Estimant cette indemnisation insuffisante, M. X… a saisi la juridiction prud’homale.
Selon l’article L. 7121-8 du code du travail, la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement.
Pour ordonner en exécution du contrat liant les parties la compensation entre les indemnités allouées à M. X… et le solde débiteur de son compte de redevances s’élevant à 35 970,13 euros, l’arrêt retient que c’est à juste titre que la société fait valoir qu’indépendamment de la définition du minimum d’indemnité prévu par ce texte, les sommes susceptibles d’être allouées à M. X… sur le fondement de l’article L. 1243-4 du code du travail constituent des dommages-intérêts et non des salaires et qu’à ce titre, ils sont susceptibles de compensation. Selon les dispositions de l’article 21.3 du contrat de travail litigieux, « toutes les avances payées à l’artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues et/ou à devoir à quelque titre que ce soit par la société à l’artiste ». La compensation sollicitée par la société doit, donc, s’opérer, dès lors qu’elle est ainsi prévue contractuellement et que sa créance, dont il n’est pas contesté qu’elle s’élève à 35 970,73 euros, et celle de M. X…, répondent aux conditions de la compensation conventionnelle prévue entre les parties.
En statuant ainsi, par application d’une clause stipulant une compensation, alors que le salarié ne pouvait renoncer par avance aux dispositions d’ordre public limitant les cas de compensation entre le montant du salaire et les sommes qui seraient dues à l’employeur, la cour d’appel a violé les articles L. 3251-2 et L. 7121-8 du code du travail.
- Emploi à caractère saisonnier – Requalification du contrat de travail.Cass., Soc.,8 juillet 2015, N°14-16330 à 14-16335.
Si aux termes de l’article L. 1244-2 du code du travail, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante, une telle clause, qui a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée.
- Représentant de section syndicale – Désignation. Cass., Soc., 8 juillet 2015, N°14-60691.
Aux termes de l’article L. 2143-3 du code du travail, la désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif de cinquante salariés ou plus a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
Dès lors que l’article L. 2142-1-1 du code du travail subordonne la désignation d’un représentant de section syndicale à la même exigence d’un effectif de cinquante salariés ou plus, les conditions de l’article L. 2143-3 relatives à la durée et à la période pendant lesquelles ce seuil doit être atteint s’appliquent également pour la désignation d’un représentant de section syndicale.
- Convention de forfait en jours – Rappels de salaire. Cass., Soc., 7 juillet 2015, N°13-26444.
Mme X…a été engagée le 1eroctobre 2007 en qualité de gouvernante générale d’hôtel par la société Le Meurice, dont l’activité relève de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997. Elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 29 octobre 2008. Contestant cette mesure et estimant ne pas être remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud’homale.
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Il résulte de l’article 17, paragraphes 1 et 4, de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
- Contrat à durée déterminée – Indemnité de précarité. Cass., Soc., 7 juillet 2015, N°13-17195.
L’indemnité de précarité prévue par l’article L. 1243-8 du code du travail, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée.
En l’espèce, un chauffeur de grande remise engagé par divers contrats d’abord qualifiés de saisonniers, puis qualifiés de contrats à durée déterminée « extra » avait saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Droit des affaires, concurrence, distribution et consommation
- Société civile immobilière – Assemblée générale. Cass., Civ. 3ème 8 juillet 2015, N°13-27248.
La société civile immobilière du Musée (la SCI) a été créée par M. Charles X…, Mme Françoise Y…, M. René Z… et M. Jean-Marie A… MM. René Z… et Charles X… ont été successivement gérants de la société jusqu’à leur décès. Après le décès de Charles X…, l’assemblée générale de la SCI, convoquée par son administrateur provisoire, a, le 7 juillet 2009, nommé M. Marc X…, héritier de Charles X…, en qualité de gérant de la SCI. M. A… a assigné la SCI en nullité de cette assemblée générale.
ll résulte de l’article 1844 du code civil que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société. Ayant relevé que les héritiers de Charles X…, qui n’avaient pas obtenu d’agrément dans les conditions prévues par les statuts, ne pouvaient se prévaloir d’un agrément tacite et n’étaient pas associés de la SCI, avaient cependant pris part à l’assemblée générale et à l’élection des gérants, la cour d’appel, qui, sans être tenue de procéder à des recherches ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que l’assemblée générale qui s’était tenue irrégulièrement devait être déclarée nulle, comme la désignation de M. Marc X… en qualité de gérant, a légalement justifié sa décision.
- Bail commercial – Renouvellement.Cour de cassation, Civ. 3ème 8 juillet 2015, N°14-15192.
La société Agence Victor Hugo (la société), preneuse à bail d’un local commercial, a sollicité le renouvellement du bail, que les bailleresses, Mme Huguette X…, usufruitière et Mme Michèle X…, nue-propriétaire, ont accepté moyennant un nouveau loyer annuel. Par mémoire préalable du 22 décembre 2010, Mme Huguette X… a sollicité la fixation du loyer hors plafonnement. Par acte du 27 juin 2011, Mmes Huguette et Michèle X… ont assigné la société devant le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé. La société a sollicité la nullité du mémoire préalable du 22 décembre 2010 et invoqué la prescription de l’action en fixation du loyer en résultant.
Il résulte de l’article 33 du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal et de l’article 2241 du code civil que le mémoire relatif à la fixation du prix du bail renouvelé, même affecté d’un vice de fond, a un effet interruptif de prescription.
Ayant constaté que l’irrégularité affectant le mémoire préalable du 22 décembre 2010 avait été couverte par l’assignation du 27 juin 2011 ainsi que par tous les actes de procédure suivants et avait disparu avant que le tribunal ne statue, la cour d’appel en exactement déduit que ce mémoire avait eu un effet interruptif de prescription et que l’action introduite par l’assignation du 27 juin 2011 n’était pas prescrite.
- Crédit-bail immobilier – Indemnité d’occupation. Cour de cassation, Civ. 3ème 8 juillet 2015, N°14-11582.
La commune de Portes-lès-Valence (la commune) a consenti à la société civile immobilière l’Allexoise (la SCI) un contrat de crédit-bail immobilier. Se prévalant d’un défaut de paiement des loyers, la commune a obtenu par ordonnance de référé du 21 avril 2004, la constatation de la résolution du contrat aux torts de la SCI et la condamnation de cette dernière à lui verser une provision à valoir sur les loyers échus et une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à la libération des lieux. La SCI a assigné la commune en nullité du contrat de crédit-bail et remboursement des loyers versés, au motif de l’absence d’autorisation délivrée au maire par le conseil municipal pour conclure un tel contrat. La commune a subsidiairement sollicité le paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure à l’annulation.
Pour rejeter la demande de la commune en paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure au prononcé de l’annulation, l’arrêt retient que, du fait de la restitution de son bien immobilier, la commune, qui a eu la jouissance des loyers versés, fixés à un montant élevé dans le cadre d’un contrat de crédit-bail ayant pour finalité l’acquisition de l’immeuble, ne subit pas d’appauvrissement et n’est pas fondée à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l’immeuble, en raison de l’effet rétroactif de l’annulation du contrat.
En statuant ainsi, alors que, dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant cette exécution et que, lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d’une prestation qu’elle ne peut restituer, comme la jouissance d’un bien loué, doit s’acquitter d’une indemnité d’occupation, la cour d’appel a violé les articles 1108 et 1184 du code civil.
- Liquidation judiciaire – Révocation du liquidateur. Cour de cassation, Civ. 3ème,7 juillet 2015, N°14-13195.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030871893&fastReqId=928817765&fastPos=64
L’assemblée générale des actionnaires de la société Les Charpennes du 31 décembre 2011 a décidé la liquidation amiable de cette société et désigné M. X… en qualité de liquidateur. Soutenant que M. X… avait été défaillant dans l’établissement et la présentation des comptes de l’année 2012, M. Guy Y…, Mme Nicole Y…, Mme Marie-France Z…, M. Patrick Z…, M. Bertrand A…, M. Jean-François A…, M. Hervé A…, M. Thimothée B…, Mme Elisabeth A…, Mme Mireille A…, M. Clément B… et M. Paul-Valère B… (les actionnaires minoritaires) l’ont assigné en révocation sur le fondement de l’article L. 237-25 du code de commerce.
Pour déclarer irrecevable la demande de révocation formée par les actionnaires minoritaires, l’arrêt retient qu’il résulte de l’application combinée des dispositions des articles L. 237-25, alinéa 4, et L. 238-2 du code précité que le liquidateur ne peut être révoqué, pour non-respect des obligations mises à sa charge par l’article L. 237-25, sans qu’il ait été demandé préalablement au juge des référés de lui enjoindre sous astreinte de remplir ces mêmes obligations. Il constate que les actionnaires minoritaires n’ont pas engagé la procédure d’injonction devant le juge des référés avant de former leur demande tendant à la révocation du liquidateur.
En statuant ainsi, alors que la recevabilité de la demande de révocation du liquidateur formée sur le fondement de l’article L. 237-25 du code de commerce n’est pas subordonnée à la saisine préalable, aux fins d’injonction, du président du tribunal statuant en référé en application de l’article L. 238-2 du même code, la cour d’appel a violé les articles L. 237-25, alinéa 4, et L. 238-2 du code de commerce.
- Bail commercial – Révision triennale du loyer. Cour de cassation, Civ. 3ème, 1er juillet 2015, N°14-13056.
Mme X…, veuve Y…, propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail, d’une part à M. Z…, d’autre part à la société La Maison du corail, a assigné les preneurs en fixation du loyer du bail renouvelé. En cours d’instance, la Maison du corail a cédé son bail à M. et Mme Z… Marie-Madeleine X…, veuve Y… étant décédée le 1eraoût 2011, ses ayant droits, Joseph Y… et Marie-Jeanne Y…, épouse A…, ont repris l’instance.
Ayant constaté que depuis 1996 le port d’Ajaccio avait été aménagé pour recevoir davantage de bateaux de croisière, que le palais des congrès avait été implanté près de la gare maritime, que la zone piétonne, terminée en 2001, concernait principalement la rue Fesch, à l’angle de laquelle se situait le commerce considéré et relevé que l’incidence de ces aménagements sur la fréquentation de ce commerce était indéniable, la cour d’appel, qui a retenu par motifs adoptés que la modification des facteurs locaux de commercialité était notable, en a, à bon droit, déduit que le loyer devait être fixé à la valeur locative.
Pour fixer le loyer du bail renouvelé au 3 mai 2005 selon la valeur locative, l’arrêt tient compte notamment des révisions triennales qui auraient pu intervenir les 3 mai 2008 et 3 mai 2011.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’aucune demande de révision triennale du loyer n’avait été formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, la cour d’appel a violé les articles L. 145-37 et R. 145-20 du code de commerce.
Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
- Étrangers -Mayotte – Obligation de quitter le territoire et reconduite à la frontière. CE, 22 juillet 2015, N°381550, 10ème/ 9ème SSR.
Les dispositions du II de l’article 14 de l’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 étendent à Mayotte le régime spécifique défini à l’article L. 514-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui s’applique à la Guyane et à Saint-Martin, en vertu duquel le recours dirigé contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF) est dépourvu de caractère suspensif, contrairement à celui qui est prévu à l’article L. 512-1 du même code. Ces dispositions ne peuvent recevoir application que dans le respect des engagements internationaux de la France.
Le respect des exigences découlant du droit au recours effectif garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales implique que la mise en œuvre des mesures d’éloignement forcé soit différée dans le cas où l’étranger qui en fait l’objet a saisi le juge des référés du tribunal administratif, jusqu’à ce que ce dernier ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience ou, en cas de tenue d’ une audience, jusqu’à ce qu’il ait statué, de telle sorte que les étrangers faisant l’objet d’une OQTF soient mis à même d’exercer utilement les voies de recours qui leur sont ouvertes. Telle est d’ailleurs la pratique à laquelle le ministre de l’intérieur a prescrit au préfet de Mayotte de se conformer, par une note du 3 avril 2013. Dans ces conditions, l’ensemble des recours offerts aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé à Mayotte garantit le droit d’exercer un recours effectif susceptible de permettre l’intervention du juge en temps utile, alors même que le recours dirigé contre cette mesure est par lui-même dépourvu de caractère suspensif.
- Etrangers- Droit d’asile – Délivrance d’un visa. CE, Réf., 9 juillet 2015, N° 391392.
Si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France.
Dans le cas où l’administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit, il est loisible à l’autorité compétente de définir des orientations générales pour l’octroi de ce type de mesures. Tel est le cas s’agissant des visas que les autorités françaises peuvent décider de délivrer afin d’admettre un étranger en France au titre de l’asile, ainsi que le prévoit d’ailleurs l’article R. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
- Etrangers – Demande d’asile – Droit au séjour. CE, 1er juillet 2015, N° 386288, 7ème/2ème SSR.
Il résulte des articles L. 742-3 et R. 733-32 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que l’étranger qui demande l’asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu’à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
En l’absence d’une telle notification, l’autorité administrative ne peut regarder l’étranger à qui l’asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l’autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d’asile a été régulièrement notifiée à l’intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l’avis de réception auprès de la cour.
Court of Justice of the European Union
- Reference for a preliminary ruling — Directive 93/13/EEC — Article 2(b) — Concept of ‘consumer’ — Credit agreement concluded by a natural person who practises as a lawyer — Repayment of a loan secured on a building owned by the borrower’s law firm — Borrower who has the necessary knowledge to assess the unfairness of a term before signing the agreement. ECJ, 3 September 2015, Case C110/14, Horațiu Ovidiu Costea v. SC Volksbank România SA.
Article 2(b) of Council Directive 93/13/EEC of 5 April 1993 on unfair terms in consumer contracts must be interpreted as meaning that a natural person who practises as a lawyer and concludes a credit agreement with a bank, in which the purpose of the credit is not specified, may be regarded as a ‘consumer’ within the meaning of that provision, where that agreement is not linked to that lawyer’s profession. The fact that the debt arising out of the same contract is secured by a mortgage taken out by that person in his capacity as representative of his law firm and involving goods intended for the exercise of that person’s profession, such as a building belonging to that firm, is not relevant in that regard.
- Reference for a preliminary ruling — Directive 94/19/EC — Point 7 of Annex I — Deposit-guarantee scheme — Exclusion of certain depositors from the deposit-guarantee scheme — Exclusion of a ‘manager’. ECJ, 2 September 2015, Case C127/14, Andrejs Surmačs v. Finanšu un kapitāla tirgus komisija.
The deposits excluded under point 7 of Annex I to Directive 94/19/EC of the European Parliament and of the Council of 30 May 1994 on deposit-guarantee schemes, as amended by Directive 2009/14/EC of the European Parliament and of the Council of 11 March 2009, are listed exhaustively in that provision, so that the Member States cannot provide, in their national law, for other categories of depositors who are not covered, in terms of the functions carried out, by the concepts listed in that point, in order for the exclusion from the deposit-guarantee to be applied to them.
Point 7 of Annex I to Directive 94/19, as amended by Directive 2009/14, must be interpreted as meaning that the Member States may exclude from the guarantee laid down by that directive, as a manager, persons who, because of the function exercised within the credit institution, have, irrespective of the title of that function, a level of information and expertise which enables them to assess the actual financial situation and the risks associated with the activity of the credit institution.
- Reference for a preliminary ruling — Status of third-country nationals who are long-term residents — Directive 2003/109/EC — National legislation — Issue and renewal of a residence permit — Condition — Obligatory financial contribution — Amount eight times higher than that for obtaining a national identity card — Infringement of the principles of Directive 2003/109/EC. ECJ, 2 September 2015, Case C309/14, Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL), Istituto Nazionale Confederale Assistenza (INCA) v. Presidenza del Consiglio dei Ministri, Ministero dell’Interno, Ministero dell’Economia e delle Finanze.
Council Directive 2003/109/EC of 25 November 2003 concerning the status of third-country nationals who are long-term residents, as amended by Directive 2011/51/EU of the European Parliament and of the Council of 11 May 2011, precludes national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which requires third-country nationals, when applying for the issue or renewal of a residence permit in the Member State concerned, to pay a fee which varies in amount between EUR 80 and EUR 200, inasmuch as such a fee is disproportionate in the light of the objective pursued by that directive and is liable to create an obstacle to the exercise of the rights conferred by that directive.