06 Sep NEWSLETTER – SEPTEMBRE 2019
Droit du travail et sécurité sociale
HARCELEMENT MORAL : PROTECTION APPLICABLE EGALEMENT AU SALARIE DISPENSE D’ACTIVITE
Cass., Soc., 26 juin 2019, N° 17-28328.
R… a été engagé par la société France Télécom, devenue société Orange, le 19 août 1996, en qualité de directeur de l’agence grands comptes « banque-assurance-commerce ». Il a bénéficié, à compter du 31 décembre 2006, d’un congé de fin de carrière avec cessation d’activité, prévu par un accord collectif du 2 juillet 1996. Il a exercé divers mandats représentatifs à compter de 2009. Il a été mis à la retraite le 1er octobre 2012. Il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Il résulte des articles II-2-2 et II-2-3 de l’accord France Télécom du 2 juillet 1996, portant création du congé de fin de carrière, que l’employeur s’est engagé à ce que pendant toute la durée de ce congé, les salariés relevant de l’annexe « ingénieurs et cadres supérieurs » perçoivent une rémunération égale à 70 % du salaire de base détenu le mois précédant le départ en congé, et que les cotisations au régime de retraite complémentaire soient calculées sur la base de la totalité de ce salaire de base. Il en résulte que la cour d’appel, qui a retenu que l’assiette de cotisation devait être définie par référence au contrat de travail et au salaire de base, mais ne pouvait inclure une éventuelle part variable que le salarié percevait avant sa cessation d’activité, a statué à bon droit.
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Ces dispositions sont applicables à un salarié dispensé d’activité en raison d’une période de congé de fin de carrière, dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu pendant cette période.
Pour dire irrecevable la demande formée au titre du harcèlement moral invoqué par le salarié, l’arrêt retient que cette demande étant prescrite s’agissant des faits remontant avant le 9 juillet 2009, le salarié, en congé de fin de carrière depuis le 31 décembre 2006, ne peut invoquer aucune dégradation de ses conditions de travail puisqu’il n’était plus sur son poste de travail au sein de l’entreprise.
En statuant ainsi, alors que le salarié était demeuré lié à l’entreprise par un contrat de travail jusqu’à son départ en retraite le 1er octobre 2012 et qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher, comme il le lui était demandé, si le salarié, qui invoquait des faits postérieurs à son départ en congé de fin de carrière, tels que le refus de fournir des outils nécessaires à son activité syndicale en le privant pendant deux ans d’un accès à l’intranet de l’entreprise, le refus de lui permettre d’assister aux réunions de délégués du personnel par télé-présence après la reconnaissance de son état de travailleur handicapé le 27 février 2012, des erreurs systématiques quant au calcul des cotisations de retraite complémentaire et supplémentaire ainsi que des erreurs quant au calcul de l’intéressement et de la participation, établissait ainsi des faits qui permettent de présumer un harcèlement moral entre le 9 juillet 2009 et le 1er octobre 2012, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Un salarié en congé de fin de carrière n’occupant plus son poste dans l’entreprise demeure lié à celle-ci par un contrat de travail. Il peut, à ce titre, invoquer la protection contre le harcèlement moral prévue à l’article L. 1152-1 du code du travail.
Licenciement nul : l’indemnisation ne doit pas tenir compte des diminutions liés aux arrêts de travail pour maladie.
Cass., Soc., 26 juin 2019, N° 18-17120
G…, engagé le 2 juin 1997 en qualité de régleur par la société ABB France, exerçait en dernier lieu les fonctions d’agent de production de nuit au sein de l’établissement de […]. Après s’être trouvé en arrêt de travail pour maladie du 16 novembre 2011 au 6 février 2012 puis du 2 au 4 avril 2012, il a été licencié pour motif économique le 30 avril 2012. Il a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement. Le syndicat Symétal CFDT est intervenu volontairement à l’instance.
Pour réparer le préjudice résultant de la nullité de son licenciement, l’arrêt alloue au salarié une indemnisation prenant en compte des rémunérations mensuelles brutes d’un montant diminué du fait de jours d’arrêt de travail pour maladie durant les mois de décembre, janvier, février et avril 2012.
En statuant ainsi, alors qu’elle devait prendre en considération le salaire des douze derniers mois exempts d’arrêts de travail pour maladie, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-11 du code du travail, ensemble l’article L. 1132-1 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause.
CHSCT : RIEN NE JUSTIFIAIT L’ACTION DIRIGEE PAR LA SOCIETE CONTRE CHACUN DES MEMBRES DU CHSCT PRIS INDIVIDUELLEMENT
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°17-22080
Par décision du 27 juin 2016, notifiée le 7 juillet 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) a mis en demeure la société Prosegur traitement de valeurs (la société) de procéder à une évaluation des risques psychosociaux dans l’entreprise avec réalisation d’un diagnostic par un intervenant extérieur à désigner par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le 20 juillet 2016, la société a formé devant le ministre chargé du travail un recours contre la mise en demeure. Le 27 mars 2017, le CHSCT a désigné un cabinet d’expertise pour réaliser le diagnostic. Le 6 avril 2017, l’employeur a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance, lui demandant d’annuler la délibération du 27 mars 2017.
L’article L. 4723-1 du code du travail dispose que s’il entend contester la décision prévue à l’article L. 4721-1 du même code, qui permet au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de le mettre en demeure de prendre toute mesure utile pour remédier à une situation dangereuse, l’employeur exerce un recours devant le ministre chargé du travail. En l’absence de disposition législative ou réglementaire spécifique dès lors que la décision du ministre n’entre pas dans les prévisions de l’article R. 4723-4 du code du travail, il résulte de l’article L. 231-4, 2°, du code des relations entre le public et l’administration, que le silence gardé par le ministre chargé du travail sur un tel recours ne peut valoir que décision implicite de rejet.
Le président du tribunal de grande instance a décidé exactement, d’une part, que s’agissant d’un recours hiérarchique adressé à l’autorité supérieure de l’auteur de l’acte, c’est le droit commun qui devait trouver application, à savoir le principe selon lequel le silence gardé pendant plus de deux mois valait décision implicite de rejet du recours et que la mise en demeure prise le 27 juin 2016 par le Direccte était dès lors définitive, d’autre part, que le CHSCT n’ayant pas voté le recours à une expertise sur le fondement de l’article L. 4614-12 du code du travail mais ayant désigné un expert conformément à la mise en demeure du Direccte du 27 juin 2016, le grief de l’employeur quant à l’absence de risque grave était inopérant.
Le président du tribunal de grande instance, en retenant que si c’était à bon droit que la société avait assigné le CHSCT et son secrétaire aux fins d’annulation d’une délibération, rien ne justifiait l’action dirigée par la société contre chacun des membres du CHSCT pris individuellement, qui avaient été dans l’obligation de se faire représenter et d’assister à l’audience, a caractérisé une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice. Il a ainsi légalement justifié sa décision.
ACCORD COLLECTIF NON RENDU CADUC PAR L’ABROGATION D’UN DISPOSITIF LEGISLATIF RELATIF A UNE PRIME
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°17-28287 à 18-10953
Le 29 septembre 2011, la société Tournaire a signé avec les organisations syndicales de l’entreprise un accord collectif fixant les conditions de mise en place de la « prime de partage de profits » instituée par l’article 1er de la loi de finances n° 2011-894 du 28 juillet 2011. A la suite de l’abrogation de cet article par la loi de finances du 22 décembre 2014, l’employeur a cessé de verser la prime de partage de profits. Sept salariés de l’entreprise ont saisi la juridiction prud’homale en décembre 2015 pour obtenir paiement de la prime au titre des années 2014 et 2015. L’employeur a opposé la caducité de l’accord.
L’abrogation d’un dispositif législatif prévoyant en faveur des salariés de certaines entreprises une prime obligatoire de participation, assortie de dispositifs d’exonération de charges, ne rend pas caduc de plein droit un accord collectif instaurant cette prime dans l’entreprise.
Le conseil de prud’hommes, qui a constaté que l’accord d’entreprise était à durée indéterminée, qu’il spécifiait les conditions d’attribution de la prime de partage de profits, sans la conditionner au maintien de la législation en vigueur ou à l’octroi d’exonérations particulières et qu’il précisait les conditions de sa dénonciation, a dit à bon droit que l’accord demeurait applicable.
REGLEMENT INTERIEUR – CONSULTATION DES IRP
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°18-11230
Le règlement intérieur de la société Schindler du 5 septembre 1983 a fait l’objet de modifications en 1985 à la demande de l’inspection du travail. Le syndicat CGT des personnels de Schindler des directions régionales de l’Ile-de-France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS, soutenant que ce règlement intérieur ne pouvait être opposé aux salariés à défaut d’indication de sa date d’entrée en vigueur et faute pour l’employeur d’avoir procédé à une nouvelle consultation des institutions représentatives du personnel ainsi qu’aux mesures de dépôt et publicité, a, le 19 janvier 2017, saisi en référé le président du tribunal de grande instance aux fins de constater l’inopposabilité du règlement intérieur aux salariés de l’entreprise, l’irrégularité des procédures disciplinaires mises en oeuvre et de faire interdiction à la société Schindler de mettre en oeuvre des procédures disciplinaires fondées sur ce règlement intérieur.
Ayant constaté que les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial qui avait été soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation, la cour d’appel a pu estimer que n’était pas caractérisé de trouble manifestement illicite.
RESERVE DE PARTICIPATION – COMPETENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°17-23110 et 7-26254
Suivant accord conclu le 29 janvier 1991, la société Ge Energy Products France, anciennement SA Alsthom Turbines à Gaz, d’une part, et les syndicats CGT, CFE-CGC et CFDT, d’autre part, ont choisi de retenir pour le calcul de la réserve de participation prévue à l’article L. 3324-1 du code du travail la formule légale. La société et les syndicats CFE-CGC de la métallurgie de Franche-Comté, CGT de la métallurgie de Belfort et Sud Technhom ont signé, le 31 octobre 2014, un accord portant rectification conventionnelle du calcul de la réserve de participation pour l’année 2012. Le comité d’entreprise et lesdits syndicats ont, le 22 juin 2015, fait assigner la société devant le tribunal de grande instance en régularisation du calcul de la réserve de participation pour les exercices 2010 et 2011.
En application de l’article L. 3326-1 du code du travail, les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée relèvent de la compétence de la juridiction administrative.
La cour d’appel, ayant relevé que la contestation, portant sur les modalités de présentation comptable des dotations aux provisions et la prise en compte des reprises, avait pour effet d’affecter le montant de la valeur ajoutée retenue pour le calcul de la réserve de participation, en a exactement déduit que le tribunal de grande instance était incompétent au profit du juge administratif.
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – CHAMP D’APPLICATION D’UNE REQUETE EN ERREUR MATERIELLE
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°18-10918
La formation de départage d’un conseil de prud’hommes a statué le 8 juin 2017 dans un litige opposant M. M… à son employeur, M. Q…, exerçant sous l’enseigne Flash Loc, et à la société Partner express, bénéficiaire d’un plan de continuation, Mme H… ayant été nommée en qualité de commissaire à l’exécution du plan de ladite société. Le salarié a présenté une requête en rectification d’erreur matérielle, laquelle a été accueillie par jugement du 31 août 2017.
L’employeur fait grief au jugement de constater l’erreur matérielle affectant le jugement en date du 8 juin 2017, d’en ordonner la rectification par l’ajout dans son dispositif de la mention « condamne solidairement M. C… Q… et la société Partner Express à verser à M. U… M… la somme de 6 242,85 euros, au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse » et d’ordonner la rectification du jugement par la suppression de la somme de 2 000 euros en pages 7 et 11 du jugement au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, et son remplacement par la somme de 12 485,70 euros, alors selon le moyen, que les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement ne peuvent être réparées que par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré. En ordonnant la rectification de l’erreur matérielle qui aurait affecté le jugement de départage rendu le 8 juin 2017 par le juge départiteur ayant statué seul, après avis de l’unique conseiller prud’homme présent, en étant composé du seul juge départiteur, quand ce magistrat ne constitue ni le conseil de prud’hommes, ni sa formation ordinaire de jugement, et sans constater ni que le bureau de jugement devait être départagé pour statuer sur les mérites de la requête en rectification d’erreur matérielle présentée par le salarié, ni que ce bureau n’avait pu se réunir au complet, en sorte que le juge départiteur n’avait aucun titre à statuer seul, le conseil de prud’hommes a violé les articles 462 du code de procédure civile et L. 1454-4 et R. 1454-31 du code du travail.
Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu.
Le jugement dont la rectification était sollicitée ayant été rendu par le juge départiteur statuant seul, par application des dispositions de l’article R. 1454-31 du code du travail, le juge départiteur statuant seul pouvait connaître de la requête.
Pour procéder à la rectification de la décision en ses dispositions relatives à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud’hommes a retenu que cette indemnité a été fixée à 6 242,85 euros dans les motifs de la décision, mais que la condamnation à ce titre a été omise dans le dispositif
En statuant ainsi, alors qu’omet de statuer le juge qui ne reprend pas dans son dispositif une demande sur laquelle il s’est expliqué dans ses motifs, le conseil de prud’hommes a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile les textes susvisés.
Si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.
Pour procéder à la rectification de la décision en ses dispositions relatives à l’indemnité pour travail dissimulé et substituer la somme de 12 485,70 euros à celle de 2 000 euros, le jugement retient qu’une somme erronée a été mentionnée, inférieure à 6 mois de salaires.
En statuant ainsi, le conseil de prud’hommes a, sous le couvert d’une rectification d’erreur matérielle, modifié les droits et obligations des parties et violé l’article 462 du code de procédure civile le texte susvisé.
RUPTURE CONVENTIONNELLE – ASSURANCE CHOMAGE
Cass., Soc., 26 juin 2019, N°17-15430
Le contrat de travail de Mme T…, engagée le 1er juillet 1997 par l’Office public de l’habitat des Hautes-Alpes (OPH 05), a fait l’objet d’une rupture conventionnelle le 9 septembre 2011. L’OPH 05, ayant souscrit un régime d’auto-assurance chômage au profit de ses salariés, lui a notifié un droit à indemnisation de 730 jours et lui a versé des allocations de chômage du 13 décembre 2011 au 30 septembre 2012. L’intéressée a retrouvé un emploi le 1er octobre 2012 auprès de la société Prestalpes, une convention de rupture étant conclue le 31 octobre 2014. Pôle emploi a ensuite refusé de verser des allocations de chômage à Mme T…
La cour d’appel, ayant relevé que la salariée n’avait pas épuisé ses droits à l’allocation chômage acquis lors de la première rupture du contrat de travail qui la liait à l’OPH 05 assurant la charge et la gestion de l’allocation d’assurance chômage, a exactement décidé, par application des dispositions de l’article R. 5422-2 du code du travail, que celui-ci restait débiteur des droits acquis jusqu’à leur épuisement.
INDEMNITES JOURNALIERES D’ASSURANCE MALADIE – L’ABSENCE DE VERSEMENT D’INDEMNITES JOURNALIERES QUI NE SONT PAS DUES NE REVET PAS LE CARACTERE D’UNE SANCTION A CARACTERE DE PUNITION
Cass., Civ., 2ème, 20 juin 2019, N°18-19006
Selon l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige, le service de l’indemnité journalière de l’assurance maladie est subordonné au respect des obligations qu’il fixe.
Un agent contrôleur ayant constaté, le 14 octobre 2017, que M. X…, placé en arrêt de travail du 30 septembre au 29 octobre 2017, s’était absenté de son domicile en violation des dispositions de l’article R. 323-11-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube (la caisse) a procédé à une retenue de ses indemnités journalières pour la période du 14 au 20 octobre 2017. M. X… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
Pour accueillir ce recours et dire que la caisse devra verser à l’assuré les indemnités journalières dues pour la période considérée, le jugement, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, énonce que la retenue d’indemnités journalières au motif du non-respect de ces dispositions constitue une sanction. Il appartient à la juridiction d’apprécier la proportionnalité de cette sanction. En l’espèce, M. X… est sorti trente minutes avant les horaires autorisés. Il a répondu à l’appel du contrôleur, qu’il s’est justifié et en a expliqué le contexte. Il n’est pas justifié par la caisse d’antécédents. Il n’a pas été procédé à un autre contrôle pendant l’arrêt litigieux. Dans ces conditions, la retenue d’indemnités journalières décidée par la caisse pour une semaine est disproportionnée.
En statuant ainsi, alors que l’absence de versement d’indemnités journalières qui ne sont pas dues ne revêt pas le caractère d’une sanction à caractère de punition, le tribunal a violé le texte susvisé.
Le service de l’indemnité journalière de l’assurance maladie est subordonné au respect des obligations qu’il fixe, indemnité dont la retenue ne constitue pas une sanction, et n’appelle pas une appréciation en termes de proportionnalité du manquement de la part du juge.
SECURITE SOCIALE – ACCIDENT DU TRAVAIL : REPARATION DES PREJUDICES ALLOUES EN CAS DE FAUTE INEXCUSABLE VERSEE DIRECTEMENT AUX BENEFICIAIRES
Cass., Soc., 20 juin 2019, N°18-18595
En exécution de jugements assortis de l’exécution provisoire, la caisse primaire d’assurance maladie des Landes (la caisse) a versé directement aux victimes de maladies professionnelles la réparation de leurs préjudices et en a récupéré le montant auprès de leur employeur, la société Gascogne papier (la société), dont la faute inexcusable a été reconnue. Le montant de la réparation ayant été réduit par arrêts partiellement infirmatifs du 31 mars 2016, la société, pour avoir paiement du trop-versé, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à la caisse qui l’a contesté devant un juge de l’exécution.
Selon l’article L. 452-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée en cas de faute inexcusable à la victime ou à ses ayants droit est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
Ayant relevé que les arrêts de la cour d’appel du 31 mars 2016, passés en force de chose jugée, avaient infirmé les dispositions des jugements sur le montant des indemnités, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils ouvraient droit à la restitution des sommes excédentaires versées par la société et constituaient des titres exécutoires permettant à celle-ci d’en poursuivre le recouvrement forcé à l’encontre de la caisse.
CONTRAT DE TRAVAIL D’AVOCAT – COMPETENCE DU BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS
Cass., Civ., 1ère, 19 juin 2019, N°18-17782
Aux termes de l’articles 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l’occasion d’un contrat de collaboration libérale sont, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier, à charge d’appel devant la cour d’appel.
TRANSFERT D’ENTREPRISE – POURSUITE DU MANDAT DU REPRESENTANT SYNDICAL AU COMITE D’ENTREPRISE
Cass., Soc., 13 juin 2019, N°18-14981
- B… a été engagé le 1er novembre 1998 par la société Fortis devenue la société Ageas France. Son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2014 par suite de la reprise de partie des activités d’Ageas France par la société Advenis gestion privée anciennement dénommée Avenir finance gestion privée. Le 26 février 2014, le salarié a été désigné en qualité de représentant syndical au comité d’entreprise. Des élections complémentaires ont été organisées le 19 mai 2014 afin que les salariés d’Ageas France dont le contrat de travail avait été transféré puissent élire des représentants du personnel supplémentaires au comité d’entreprise de la société Advenis gestion privée dont la durée du mandat a été limitée à celle restant à courir des mandats des membres du comité d’entreprise de ladite société. Par lettre du 5 juin 2014, le salarié a présenté sa démission. Par une seconde lettre en date du 10 juin 2014, il a reproché à l’employeur des manquements relatifs à la rémunération et à la durée du travail de sorte que la rupture du contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement nul.
La représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral. Il en résulte que le mandat du représentant syndical au comité d’entreprise de l’entreprise absorbante ne prend pas fin lors des élections complémentaires organisées pour la représentation des salariés dont le contrat de travail a été transféré.
La cour d’appel, qui a retenu que le salarié désigné en qualité de représentant syndical au comité d’entreprise de l’entreprise absorbante antérieurement aux élections complémentaires organisées au sein de cette même entreprise continuait à bénéficier du statut protecteur postérieurement à ces élections, a fait une exacte application des textes invoqués.
En cas de transfert d’entreprise, le mandat du représentant syndical au comité d’entreprise du cessionnaire ne prend pas fin lors des élections complémentaires organisées pour la représentation, au sein de ladite instance, des salariés transférés.
PROCEDURE COLLECTIVE – ACTION EN NULLITE D’UNE TRANSACTION EST DE LA COMPETENCE DU TRIBUNAL COMPETENT EN MATIERE DE PROCEDURE COLLECTIVE
Cass., Soc., 12 juin 2019, N°17-26197
- X… a été engagé le 1er avril 2011 par l’Union des coopérateurs d’Alsace en qualité de directeur des ressources humaines. Le 21 mars 2014, le salarié s’est vu notifier son licenciement pour motif économique et par accord transactionnel conclu fin mars 2014, il a bénéficié d’une indemnité de 267 000 euros. L’Union des coopérateurs d’Alsace a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre 2014, puis en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, la date de cessation des paiements étant fixée au 20 avril 2013 et Mme G… étant désignée en qualité de liquidateur. Elle a fait citer le salarié devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir la nullité de la transaction et sa condamnation à rembourser l’indemnité versée.
D’une part, l’arrêt énonce exactement que l’action en nullité de la transaction, fondée sur l’article L. 632-1 I 2°, du code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et qu’elle relève, par conséquent de la compétence spéciale et d’ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l’article R. 662-3 du code de commerce, qui déroge aux règles de compétence de droit commun.
D’autre part, le liquidateur qui demande à titre principal la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1 I 2°, du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de sorte que le moyen qui soutient que le liquidateur a agi en qualité de représentant de l’employeur, partie à la transaction, est inopérant.
L’action en nullité de la transaction, fondée sur l’article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie, relève de la compétence du tribunal compétent en matière de procédure collective.
REMUNERATIONS – SAISIE
Cass., Civ., 2ème, 6 juin 2019, N°18-16892
La société Pakenco a fait pratiquer entre les mains de la société Rakon France (la société Rakon) plusieurs saisies des rémunérations de M. F….Soutenant que la société Rakon n’avait pas exécuté ses obligations conformément aux prescriptions légales, la société Pakenco l’a assignée devant un tribunal d’instance.
Pour rejeter la demande de condamnation de la société Rakon à lui verser des sommes qu’elle estimait dues au titre de la quotité saisissable et des dommages-intérêts pour résistance abusive, l’arrêt retient que la société Pakenco devait transmettre ses critiques au greffe du tribunal d’instance chargé de veiller au bon déroulement des opérations de saisie et ne pouvait agir directement contre l’employeur.
En statuant ainsi, alors que le créancier pouvait saisir le juge du tribunal d’instance, exerçant les pouvoirs du juge de l’exécution, des difficultés d’exécution de la procédure de saisie des rémunérations en cours et d’une demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive qu’il alléguait, la cour d’appel a violé les articles L. 221-8 code de l’organisation judiciaire et R. 3252-11 du code du travail, ensemble l’article R. 3252-8 de ce code.
L’arrêt rejette la demande de dommages-intérêts formulée par la société Pakenco en réparation d’un préjudice matériel, faute de preuve d’une faute de l’employeur dans ses déclarations et dans le montant des retenues opérées.
En statuant ainsi, sans s’expliquer sur les irrégularités dénoncées par la société Pakenco dans le calcul de la quotité saisissable et le montant des sommes prélevées par la société Rakon, dont elle invoquait la mauvaise foi, ni sur les erreurs que celle-ci reconnaissait avoir commises, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1241 du code civil.
ASTREINTE : LE JUGE DOIT S’ASSURER QUE L’ASTREINTE A COMMENCE A COURRIR ET DETERMINER SON POINT DE DEPART
Cass., Civ., 2ème, 6 juin 2019, N°18-15311
Un jugement d’un conseil de prud’hommes du 27 juin 2011, confirmé en appel par un arrêt du 28 juin 2013, devenu irrévocable, a ordonné, avec exécution provisoire, à la société anonyme d’économie mixte de production sucrière et rhumière de la Martinique (SAEM) de procéder à la réintégration dans son poste de Mme J… sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du jugement. Mme J… a saisi un juge de l’exécution d’une demande de liquidation de l’astreinte.
Il appartient au juge saisi d’une demande de liquidation d’une astreinte de s’assurer, au besoin d’office, que l’astreinte a commencé à courir et de déterminer son point de départ.
C’est par une exacte application de l’article 9 du code de procédure civile et sans inverser la charge de la preuve que l’arrêt retient qu’il appartenait à Mme J…, demanderesse à la liquidation de l’astreinte, de rapporter la preuve de la date à laquelle le jugement du 27 juin 2011 avait été notifié à la SAEM, sans qu’aucune conséquence puisse être tirée à cet égard de la date à laquelle la décision avait été notifiée à Mme J…
BAREME CONVENTIONNEL – EGALITE DE TRAITEMENT EN FONCTION DE LA SITUATION IDENTIQUE OU SIMILAIRE DU SALARIE
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°17-21749 à 17-21755
Le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés engagés ou promus postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l’avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu’ils ne bénéficient à aucun moment d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés engagés ou promus antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.
- T… et six autres salariés exerçant les fonctions d’inspecteur du recouvrement auprès de l’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur après l’obtention du diplôme de cadre avant l’entrée en vigueur du protocole d’accord du 14 mai 1992, ont saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappel de salaire en application des articles 23, 32 et 33 de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale et de dommages-intérêts pour violation du principe d’égalité de traitement.
Pour condamner l’employeur à verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe d’égalité de traitement concernant l’article 32 de la convention collective, les arrêts retiennent qu’au regard du principe de l’égalité de traitement, notamment en matière de rémunération, la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l’entrée en vigueur d’un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux et il appartient alors à l’employeur de démontrer qu’il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, qu’en l’espèce, au regard de l’avancement acquis au titre de l’article 32, l’URSSAF ne produit aucun élément objectif permettant de justifier la différence entre la rémunération servie aux salariés et les rémunérations servies à leurs collègues ayant obtenu le diplôme de cadre après le 1er janvier 1993.
En statuant ainsi, sans constater que des salariés promus après l’entrée en vigueur du nouveau barème conventionnel et placés dans une situation identique ou similaire avaient bénéficié d’une classification ou d’une rémunération supérieures à celles des intéressés, la cour d’appel a violé le principe d’égalité de traitement, ensemble la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le protocole du 14 mai 1992.
SALARIE PROTEGE : INDEMNITE DE REQUALIFICATION EN CAS DE CDD POURSUIVI EN CDI SANS AUTORISATION DE L’INSPECTION DU TRAVAIL
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°17-24193
T… a été engagé le 14 mars 2011 par l’association Agence parisienne du climat par un contrat à durée déterminée s’achevant le 31 décembre 2011. Le salarié a été élu délégué du personnel suppléant le 28 mars 2011. La relation de travail a pris fin au terme convenu, le 31 décembre 2011, sans saisine préalable de l’autorité administrative. Cette rupture ayant été contestée, l’employeur a sollicité la transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Les dispositions de l’article L. 2421-8 du code du travail imposent que, lorsque le contrat à durée déterminée arrive à son terme, l’inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel, y compris dans le cas où le contrat ne peut être renouvelé.
D’abord, ayant constaté que l’inspecteur du travail n’avait pas été saisi préalablement à l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée, et souverainement écarté toute fraude du salarié, la cour d’appel en a exactement déduit que la rupture des relations contractuelles, intervenue en violation de l’article L. 2421-8 du code du travail, était nulle et que l’intéressé pouvait de ce fait prétendre à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur dont le montant est égal aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre le 1er janvier 2012 et la fin de la période de protection.
Ensuite, par décision du 22 mars 2018, la chambre sociale a dit que la question prioritaire de constitutionnalité n’était pas sérieuse.
Pour allouer au salarié une certaine somme à titre d’indemnité de requalification, l’arrêt énonce qu’aux termes de l’article L. 1245-2 alinéa 2, du code du travail, en cas de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Cependant, l’indemnité de requalification, à laquelle est tenu l’employeur lorsque le juge fait droit à la demande de requalification au motif d’une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite, n’est pas due lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme. Il en est ainsi lorsque, du fait de l’absence de saisine de l’inspecteur du travail avant le terme du contrat à durée déterminée conclu avec un salarié investi d’un mandat représentatif, le contrat devient à durée indéterminée.
En statuant comme elle a fait, alors qu’elle avait constaté que le contrat à durée déterminée avait été régulièrement conclu et qu’en raison de l’absence de saisine préalable de l’inspecteur du travail il s’était poursuivi au-delà de son terme, la cour d’appel a violé les articles L. 2421-8 et L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail.
L’indemnité de requalification, à laquelle est tenu l’employeur lorsque le juge fait droit à la demande de requalification au motif d’une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite, n’est pas due lorsque le CDD devient un CDI du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme. Il en est ainsi lorsque, du fait de l’absence de saisine de l’inspecteur du travail avant le terme du CDD conclu avec un salarié investi d’un mandat représentatif, le contrat devient un CDI.
ASSOCIATION – CONTRAT A DUREE DETERMINEE – REQUALIFICATION
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°17-30984
Mme P… a été engagée selon contrats à durée déterminée successifs, par l’association d’insertion par l’activité économique Ardeur (l’association), sur la période du 1er avril 2008 au 30 juillet 2011. Elle a été mise à disposition de particuliers pour réaliser des travaux de ménage et de repassage. L’association ayant mis fin à la relation contractuelle le 17 septembre 2012, la salariée a saisi la juridiction prud’homale.
Les contrats de travail conclus en application des articles L. 5132-7 à L. 5132-14 du code du travail, dans leur version antérieure à celle issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, par les associations intermédiaires, en vue de mettre un salarié à la disposition d’une personne physique ou morale ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée. Une association intermédiaire, dont l’objet est l’embauche des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à la disposition de personnes physiques ou de personnes morales, est tenue, lorsqu’elle conclut un contrat à durée déterminée à cette fin, d’assurer le suivi et l’accompagnement du salarié mis à disposition. Cette obligation constitue une des conditions du dispositif d’insertion par l’activité professionnelle à défaut de laquelle la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée.
Ayant constaté que l’employeur s’était borné à faire suivre à la salariée quatre journées de formation, dans le cadre d’un module repassage, en avril et mai 2008, à lui organiser trois rencontres avec un accompagnateur, l’une le 21 juillet 2008 et les deux autres le 23 février 2009, la cour d’appel a pu en déduire que l’employeur n’avait pas accompli sa mission d’assurer l’accompagnement de la salariée en vue de faciliter son insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable, en sorte que l’intéressée était bien fondée à solliciter la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
LICENCIEMENT ET TRANSACTION : LA MISE EN OEUVRE D’UN ACCORD ATYPIQUE OU D’UN ENGAGEMENT UNILATERAL DE L’EMPLOYEUR DONT LES SALARIES TIENNENT LEUR DROIT NE PEUT ETRE SUBORDONNEE A LA CONCLUSION DE CONTRATS INDIVIDUELS DE TRANSACTION
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°17-28377 à 17-28381
Engagée le 5 novembre 2007 par la société Pérouse Plastie, Mme F… a été licenciée pour motif économique dans le cadre d’un licenciement collectif le 30 juin 2011. Elle a signé le 5 juillet 2011 un accord transactionnel aux termes duquel elle a perçu une indemnité transactionnelle et a en contrepartie renoncé à toute action visant à contester la procédure, les motifs et plus généralement les conditions de son licenciement. La salariée a, avec quatre autres salariées, saisi la juridiction prud’homale d’une contestation du bien-fondé de son licenciement.
Pour déclarer irrecevables les demandes des salariées, l’arrêt retient que, par lettre du 18 mai 2010 adressée aux délégués du personnel, l’employeur a informé la délégation unique du personnel des engagements qu’il avait pris vis-à-vis du comité d’entreprise, que si l’employeur s’y réfère à un accord intervenu entre la direction et le comité d’entreprise, l’accord du 18 mai 2010 signé par l’employeur et les représentants du comité d’entreprise ne portait que sur la prime d’intéressement, qu’après avoir évoqué cet accord, la lettre précise « en outre, dès lors que les conditions susvisées sont remplies, la direction accepte d’accéder à la demande du CE de prendre en compte le préjudice spécifique subi par les salariés du fait de leur licenciement via le paiement d’une indemnité spécifique et transactionnelle », que par ce courrier signé par lui seul, l’employeur fixe ainsi unilatéralement les conditions de versement de cette indemnité en précisant, d’une part, que le salarié doit avoir été licencié pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi ou avoir quitté la société dans le cadre d’une rupture amiable avant la notification de son licenciement et, d’autre part, que l’indemnité doit être versée en contrepartie d’une transaction par laquelle le salarié renonce définitivement à toute réclamation à l’encontre de la société ou à l’encontre d’une quelconque société du groupe, que ce courrier, sur les conditions de versement de l’indemnité spécifique et transactionnelle, ne peut donc être analysé comme constitutif d’un accord atypique.
Cependant, la mise en oeuvre d’un accord atypique ou d’un engagement unilatéral de l’employeur dont les salariés tiennent leur droit ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction.
En statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 2044 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
TRAVAILLEURS HANDICAPES : LES DISPOSITIONS DU CODE DU TRAVAIL PREVOYANT LA CONSULTATION DES INSTITUTIONS REPRESENTATIVES DU PERSONNEL SUR LES MESURES PRISES EN VUE DE FACILITER LA MISE OU LA REMISE AU TRAVAIL DES TRAVAILLEURS HANDICAPES N’IMPOSENT PAS A L’EMPLOYEUR UNE TELLE CONSULTATION SUR LE CAS INDIVIDUEL DE CHAQUE TRAVAILLEUR HANDICAPE
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°18-12861
- M…, engagé le 27 avril 1988 en qualité de chauffeur poids lourd par la société France location distribution, a été, le 1er septembre 2012, reconnu travailleur handicapé. Reprochant notamment à son employeur un manquement à l’obligation de sécurité, il a saisi, le 8 décembre 2014, la juridiction prud’homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail et au paiement de diverses sommes.
Les dispositions des articles L. 2323-30 et L. 4612-11 du code du travail, alors en vigueur, n’imposent pas à l’employeur de consulter le comité d’entreprise, en liaison avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé.
La cour d’appel, devant laquelle le salarié soutenait qu’en dépit de son statut de travailleur handicapé, aucune consultation n’avait été effectuée en vue de sa mise, de sa remise et de son maintien au travail, n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante.
Les dispositions du code du travail prévoyant la consultation des institutions représentatives du personnel sur les mesures prises en vue de faciliter la mise ou la remise au travail des travailleurs handicapés n’imposent pas à l’employeur une telle consultation sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé.
HORAIRES DE TRAVAIL : LA PERSISTANCE DE L’EMPLOYEUR A DECOMPTER LE TEMPS DE TRAVAIL EN SE FONDANT EXCLUSIVEMENT SUR LA QUANTIFICATION PREALABLE DES MISSIONS CONFIEES OU ACCOMPLIES PAR LE DISTRIBUTEUR CARACTERISAIT L’ELEMENT INTENTIONNEL DU TRAVAIL DISSIMULE
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°17-23228
Mme U…, engagée le 18 septembre 2007 par la société Adrexo en qualité de distributrice de journaux et prospectus selon contrat à temps partiel modulé, a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.
La dissimulation d’emploi salarié, prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, si elle ne peut se déduire de la seule application du dispositif de quantification préalable prévue par la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, est caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Ayant retenu que l’employeur était informé de ce que les horaires de travail de la salariée étaient supérieurs aux temps pré-quantifiés et avait interdit à celle-ci de mentionner sur ses feuilles de route les heures qu’elle avait réellement accomplies, la cour d’appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la persistance de l’employeur à décompter le temps de travail en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies par le distributeur caractérisait l’élément intentionnel du travail dissimulé.
CONVENTION COLLECTIVE – CONGE DE MATERNITE
Cass., Soc., 5 juin 2019, N°18-12862
Mme W… a été engagée en qualité d’opérateur-vendeur par la société TSAF OTC (la société) à compter du 4 octobre 2004. Elle a été en arrêt de travail pour congés de maternité pour les périodes du 4 novembre 2006 au 1er avril 2007, puis du 5 novembre 2008 au 12 avril 2009. Le 21 novembre 2011, elle a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et paiement de compléments de salaire et d’indemnités de rupture. Le 5 janvier 2012, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Ayant énoncé, à bon droit, que, selon l’article 32 de la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968, la salariée en congé de maternité bénéficiait de son “salaire plein”, dans la limite de seize semaines, sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale et de tout organisme de prévoyance auquel l’employeur contribue, la cour d’appel a exactement retenu que le salaire à prendre en compte devait intégrer la part variable de la rémunération. En l’absence de précision de la convention collective de la période de référence à prendre en considération, elle a pu, relevant que l’activité tirée du chiffre d’affaires avait un caractère fluctuant en fonction des mois et des périodes dans l’année et que son évaluation annuelle permettait de lisser ces écarts de variables, décider que l’employeur ne pouvait fonder sa base de calcul sur les trois derniers mois précédant le congé de maternité dès lors que la salariée n’avait réalisé aucun chiffre d’affaires lui ouvrant droit à sa part variable sur cette période, que la base de calcul sur les douze derniers mois préconisée par la salariée était justifiée et qu’il convenait de retenir la moyenne annuelle.
CONVENTION DE RUPTURE – ASSISTANCE DE L’EMPLOYEUR : L’ASSISTANCE DE L’EMPLOYEUR LORS DE L’ENTRETIEN PREALABLE A LA SIGNATURE DE LA CONVENTION DE RUPTURE NE PEUT ENTRAINER LA NULLITE DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE QUE SI ELLE A ENGENDRE UNE CONTRAINTE OU UNE PRESSION POUR LE SALARIE QUI SE PRESENTE SEUL A L’ENTRETIEN
Cass., Soc., 5 juin 2019,18-10901
Engagé le 1er décembre 2010 en qualité de jardinier par la société Services-Antilles.Com, M. T… a signé une convention de rupture le 14 février 2013. Il a saisi le 24 juillet 2013 la juridiction prud’homale d’une contestation de la validité de cette rupture.
La cour d’appel a exactement décidé que l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien. Ayant constaté que tel n’était pas le cas en l’espèce, elle a rejeté à bon droit la demande du salarié.
L’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien.
Droits des affaires, concurrence, distribution et consommation
PRET – FRAUDE
Cass., Com., 26 juin 2019, N°17-31236
O… a consenti un prêt à M. Y…, lequel a été mis en liquidation judiciaire le 13 février 2014. M. O… l’ayant assigné le 29 février 2016 aux fins d’obtenir le remboursement de sa créance, M. Y… l’a informé, quinze jours avant l’audience, de l’existence de la procédure collective. M. O… a demandé à être autorisé à reprendre, après la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, son action individuelle.
D’une part, aux termes de l’article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l’égard d’un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur. Selon l’article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l’exercice individuel de leurs actions et dont les créances n’ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun. Il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n’ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles.
D’autre part, la fraude prévue à l’article L. 643-11, IV, du code de commerce n’impose pas que soit établie l’intention du débiteur de nuire au créancier. La cour d’appel a relevé que M. Y… se savait débiteur à l’égard de M. O… compte tenu d’une reconnaissance de dette qu’il avait souscrite le 1er juillet 2011, qu’il avait reçu une première demande de remboursement dès le mois de décembre 2014, qu’il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015 sans procéder au remboursement prévu, bien que s’étant vu rappeler à plusieurs reprises son obligation, que c’est seulement à la suite de son assignation qu’il avait informé M. O… de la procédure de liquidation dont il faisait l’objet depuis le 13 février 2014 et qu’il avait ainsi dissimulé de façon déloyale sa véritable situation tant à ce dernier qu’au liquidateur puisqu’il n’avait pas fait apparaître ce créancier sur la liste des créanciers. En l’état de ces constatations souveraines, dont elle a déduit que M. Y… avait commis une fraude à l’égard de M. O…, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
VENTE DE MEDICAMENTS – COMMERCE ELECTRONIQUE
Cass., Com., 19 juin 2019, N°18-12292
La société Doctipharma a conçu le site internet “www.doctipharma.fr”, qui est hébergé par la société Pictime, sur lequel les internautes peuvent acquérir, à partir de sites d’officines de pharmacies, des produits parapharmaceutiques et des médicaments sans ordonnance. Prétendant que le procédé de vente en ligne proposé aux officines par la société Doctipharma lui permettait de participer au commerce électronique de médicaments sans avoir la qualité de pharmacien, l’association Union des groupements de pharmaciens d’officine (l’UDGPO) l’a assignée ainsi que la société Pictime, en constatation du caractère illicite de ce site pour la vente de médicaments, et en cessation, sous astreinte, des activités de vente, d’hébergement des données ainsi que de publication des pages le proposant, et a demandé que ces décisions soient assorties de mesures de publicité judiciaire.
Pour infirmer le jugement ayant fait droit aux demandes de l’UDGPO, ordonner, sous astreinte, la publication de la décision sur le site internet de celle-ci, et autoriser cette publication dans des revues professionnelles à ses frais, l’arrêt, après avoir relevé que les commandes de médicaments par les internautes, qui transitent seulement par la plate-forme créée par la société Doctipharma en tant que support technique des sites des pharmaciens d’officine, sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans que cette société intervienne autrement dans leur traitement, puisque le site litigieux permet de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d’officine, retient que ce site est licite.
En statuant ainsi, alors qu’est interdite la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique par l’intermédiaire de personnes non titulaires d’un diplôme de pharmacien, et qu’il est aussi interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l’entremise habituelle de courtiers ou d’intermédiaires, la cour d’appel, qui a relevé que l’activité que la société Doctipharma exerçait sur son site consistait, notamment, à mettre en relation des pharmaciens et des clients pour la vente de médicaments, ce dont il résultait qu’elle avait un rôle d’intermédiaire entre eux et participait de la sorte au commerce électronique de vente de médicaments bien que n’étant pas pharmacien, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 5125-25, alinéa 2, et L. 5125-26 du code de la santé publique.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS – SURENDETTEMENT
Cass., Civ., 2ème, 6 juin 2019, N°18-16228
Caractérise une situation de surendettement l’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner la dette d’une société, qu’elle en soit ou non la dirigeante.
- X… a saisi une commission de surendettement des particuliers d’une demande de traitement de sa situation financière. Par décision du 14 janvier 2016, celle-ci a déclaré sa demande irrecevable. M. X… a formé un recours.
Pour confirmer la décision de la commission de surendettement en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande, le juge du tribunal d’instance retient que la majeure partie des dettes de M. X… sont professionnelles dès lors que celui-ci a été dirigeant de droit ou de fait de plusieurs sociétés et a été amené à donner sa caution pour les besoins ou à l’occasion de l’activité de ces sociétés, à laquelle, en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait, il était personnellement intéressé.
En statuant ainsi, le juge du tribunal d’instance a violé l’article L. 330-1, devenu L. 711-1, du code de la consommation.
Caractérise une situation de surendettement, l’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner la dette d’une société, qu’elle en soit ou non la dirigeante.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS – SURENDETTEMENT
Cass., Civ., 2ème, 6 juin 2019, N°18-12755
Après avoir bénéficié, au titre de mesures de traitement d’une situation de surendettement, d’un moratoire de dix-huit mois pour vendre un bien immobilier dont elle était propriétaire, Mme X… a saisi une commission de surendettement des particuliers d’une nouvelle demande tendant au traitement de sa situation de surendettement le 28 novembre 2011, puis, après que son dossier eut été déclaré recevable, a contesté devant le juge d’un tribunal d’instance la décision de cette commission d’orienter le dossier vers une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire. Elle a formé un appel contre le jugement l’ayant déclarée inéligible au bénéfice de la loi sur le traitement du surendettement des particuliers.
En vertu de l’article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi relative à l’aide juridique, en cas de dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, si le juge ne peut statuer avant qu’une décision définitive ait été prise sur cette demande, il en va autrement en cas d’irrecevabilité manifeste de l’action du demandeur à l’aide juridictionnelle, non susceptible d’être couverte en cours d’instance.
Il résulte de l’article R. 331-9-2, II, alors applicable, du code de la consommation, selon lequel les jugements sont rendus en dernier ressort, sauf dispositions contraires, que le jugement par lequel le juge avait statué sur le recours formé contre la décision d’orientation de la commission de surendettement était rendu en dernier ressort, de sorte que l’appel se heurtait à une irrecevabilité manifeste qui n’était pas susceptible d’être couverte. Par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué aux motifs critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié au regard de la critique formulée par la première branche.
Il n’est pas établi que le courrier dont se prévaut Mme X…, en vue d’obtenir un renvoi de l’audience, ait été soumis à la cour d’appel.
Le jugement par lequel le juge du tribunal d’instance a statué sur le recours formé contre la décision d’orientation de la commission de surendettement est rendu en dernier ressort, de sorte que l’appel se heurte à une irrecevabilité manifeste qui n’est pas susceptible d’être couverte.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS – CONTRAT DE PRET
Cass., Civ., 1ère, 5 juin 2019, N°16-12519
Suivant acte du 3 avril 1995, la société Electricité de France (la société EDF) a consenti à M. X…, salarié de la société, et à son épouse (les emprunteurs) un prêt relevant du dispositif d’aide à l’accession à la propriété, soumis à la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, en vue de financer l’acquisition de leur habitation principale, remboursable en deux cent quarante mensualités. Le 1er janvier 2002, M. X… a démissionné de l’entreprise. Après avoir fait application de la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt en cas de cessation d’appartenance du salarié à son personnel, la société EDF a assigné les emprunteurs en paiement de diverses sommes.
Selon l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a dit pour droit que :
- L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le salarié d’une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs », au sens de cette disposition
- L’article 2, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens que ladite entreprise doit être considérée comme un « professionnel », au sens de cette disposition, lorsqu’elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale ;
Pour dire que la résiliation de plein droit du contrat est intervenue le 1er janvier 2002 et condamner les emprunteurs à payer à la société EDF une certaine somme, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l’an à compter de cette date, sauf à déduire les sommes postérieurement versées, ainsi qu’une somme au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date, l’arrêt retient que c’est en sa seule qualité d’employeur et au regard de l’existence d’un contrat de travail le liant à M. X… que la société EDF lui a octroyé, ainsi qu’à son épouse, un contrat de prêt immobilier, que cette société n’est pas un professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, et que les emprunteurs n’ont pas la qualité de consommateurs au sens de ce texte.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l’article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
Pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du prêt consenti à un salarié et à son épouse en cas de rupture du contrat de travail, l’arrêt énonce que cette clause s’inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié et équilibre ainsi la clause de résiliation de plein droit.
En statuant ainsi, alors que, prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt, la cour d’appel a violé Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l’article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
La clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt conclu entre une entreprise et son salarié pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt.
PRET – CONTRAT COLLECTIF D’ASSURANCE
Cass., Civ., 1ère, 5 juin 2019, N°17-27066
Suivant offre préalable acceptée le 5 décembre 2012, la société Financo (le prêteur) a consenti à D… V… et à Mme T… un prêt destiné au financement d’un camping-car. D… V… a adhéré à un contrat collectif d’assurance souscrit par le prêteur auprès de la société Suravenir (l’assureur), pour la garantie du risque décès « senior » des personnes âgées de plus de 65 ans D… V… est décédé le […], laissant pour lui succéder ses deux enfants, F… et K…Après avoir prononcé la déchéance du terme, le prêteur a assigné Mme T… en paiement du solde du prêt. Celle-ci a assigné l’assureur en exécution du contrat d’assurance.
L’exception de garantie soulevée par le débiteur solidaire poursuivi par le prêteur, créancier de l’obligation de paiement, et tirée de l’existence d’un contrat d’assurance-décès souscrit par un autre codébiteur constitue une exception purement personnelle à celui-ci, que le débiteur poursuivi ne peut opposer au créancier. Après avoir constaté que D… V… était seul signataire du contrat d’assurance, que Mme T… n’avait ni la qualité d’assurée ni celle de bénéficiaire du contrat et qu’elle ne venait pas aux droits du défunt, la cour d’appel a décidé à bon droit que sa demande était irrecevable, pour défaut de qualité pour agir.
D’abord, que, par arrêt du 18 décembre 2014 (CA CONSUMER FINANCE, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).
La Cour de justice précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée (point 29). Elle ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).
L’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information. Il constate que celui-ci se prévaut d’une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats. Ayant déduit de ces constatations et appréciations que la signature de la mention d’une telle clause ne pouvait être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information, la cour d’appel a prononcé à juste titre la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Libertés publiques – Droit humanitaire et des étrangers
ETRANGERS – OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS
CE, 28 juin 2019, 2ème – 7ème chambres réunies, N°426666
La situation d’un étranger qui n’est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), relatif à l’entrée en France, et en particulier s’agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre III du titre 1er de ce livre relatif au refus d’entrée. Les mesures d’éloignement du territoire national prévues au livre V de ce code, notamment l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), ne lui sont pas applicables.
Par conséquent, dès lors qu’un étranger qui n’est pas ressortissant d’un pays membre de l’Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d’attente, il peut faire l’objet d’un refus d’entrée, lequel pourra être exécuté d’office en application des dispositions des articles L. 213-2 et L. 213-3 du CESEDA, mais non d’une OQTF, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n’y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d’entrer sur le territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait.
Le ressortissant étranger qui a fait l’objet d’une décision de refus d’entrée et de placement en zone d’attente et qui a refusé d’obtempérer à un réacheminement pris pour l’application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait.
Tel est le cas, toutefois, s’il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d’attente.
Un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, en transit sans avoir exprimé le souhait d’entrer sur le territoire, qui a été placé en garde à vue en raison de son refus d’être rapatrié et dont l’entrée sur le territoire national ne résulte que de ce placement en garde à vue, hors de la zone d’attente, ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français fondée sur les seules dispositions du 1° du I de l’article L. 511-1 du CESEDA. En revanche, il peut, le cas échéant, faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire, fondée sur l’irrégularité de son entrée sur le territoire européen, en application de l’article L. 511-2 du même code, appréciée au regard des seuls documents exigés par le code frontières Schengen ainsi que le prévoient ces dispositions.
ETRANGERS – RETENTION ADMINISTRATIVE
Cass., Civ. 1ère, 13 juin 2019, N°16-22548
Pendant la période de réintroduction temporaire, en France, d’un contrôle aux frontières intérieures de l’espace Schengen, conformément aux dispositions de l’article 25 du règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), M. X…, de nationalité marocaine, a été contrôlé, le 15 juin 2016, au Boulou (Pyrénées-Orientales), dans la zone comprise entre la frontière terrestre séparant la France de l’Espagne et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, dans les conditions de l’article 78-2, alinéa 9, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, alors qu’il se trouvait à bord d’un autocar en provenance du Maroc. Il avait précédemment quitté la France à la suite d’une mesure d’éloignement qui lui avait été notifiée le 10 août 2013. Suspecté d’être entré irrégulièrement sur le territoire français, délit prévu à l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il a été placé en garde à vue. Le lendemain, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et ordonné son placement en rétention administrative.
Par arrêt du 19 mars 2019 (CJUE, arrêt C-444/17), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit :
L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lu en combinaison avec l’article 32 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à la situation d’un ressortissant de pays tiers, arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce règlement, le contrôle à cette frontière, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre ;
En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C-47/15) que la directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre permettant, du seul fait de l’entrée irrégulière par une frontière intérieure conduisant au séjour irrégulier, l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers pour lequel la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme. Il s’ensuit que le ressortissant d’un pays tiers, entré irrégulièrement en France, qui n’encourt pas l’emprisonnement prévu à l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’aucune procédure de retour n’a encore été menée jusqu’à son terme, ne peut être placé en garde à vue du seul chef de l’entrée irrégulière sur le territoire national.
L’ordonnance retient à bon droit, par motifs propres et adoptés, que la directive 2008/115 précitée est applicable à la situation de M. X… dès lors que le rétablissement d’un contrôle à la frontière entre l’Espagne et la France, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, tel que prévu à l’article 25 du règlement 2016/399, ne modifie pas la nature intérieure de la frontière qu’il a franchie. Il en déduit exactement, d’une part, que cette directive s’oppose à la réglementation permettant, du seul fait de l’entrée irrégulière par une frontière intérieure, l’emprisonnement d’un ressortissant de pays tiers pour lequel la procédure de retour n’a pas encore été menée à son terme, d’autre part, qu’à défaut d’infraction punie d’emprisonnement, la garde à vue était irrégulière, de sorte que la mesure de rétention ne pouvait être maintenue.
NATIONALITE – POSSESSION D’ETAT
Cass., Civ., 1ère, 13 juin 2019, N°18-16838
Mme X… née le […] à Ellapillaichavady, Pondichéry (Inde), a, par acte du 21 juillet 2014, saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action déclaratoire de nationalité française, en application des dispositions de l’article 18 du code civil, comme fille légitime de M. Y…, né le […] à Ellapoullesavady en Inde française, déclaré français par jugement irrévocable du 6 septembre 2013.
Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que pour opposer la fin de non-recevoir de l’article 30-3 du code civil au demandeur à la nationalité, en se fondant sur l’absence de possession d’état de français de lui-même et de son ascendant, le juge doit se placer à la date à laquelle il statue. La cour d’appel qui n’a nulle part examiné si le père de l’intéressée avait la possession d’état de français depuis le jugement du 6 septembre 2013 qui l’a reconnu français, a violé les articles 30-3 du code civil et 126 du code de procédure civile.
Selon l’article 30-3 du code civil, celui qui réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, n’est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français. Le tribunal doit, dans ce cas, constater la perte de la nationalité française dans les termes de l’article 23-6.
Ce texte interdit, dès lors que les conditions qu’il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.
Edictant une règle de preuve, l’obstacle qu’il met à l’administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, de sorte qu’aucune régularisation sur le fondement de l’article 126 du même code ne peut intervenir. La solution retenue par l’arrêt du 28 février 2018 (1re Civ., pourvoi n° 17-14.239, publié) doit, donc, être abandonnée.
L’arrêt relève que l’intéressée et l’ascendant dont elle dit tenir par filiation la nationalité n’ont jamais résidé en France. Mme X… ne justifie, ni pour elle-même ni pour son ascendant, d’aucun élément de possession d’état de Français, durant la période antérieure au 17 août 2012, lendemain de la date anniversaire des 50 ans de l’entrée en vigueur du Traité de cession par la France à l’Inde, des Etablissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon, signé le 28 mai 1956, entre la République française et l’Union indienne. La cour d’appel en a exactement déduit que Mme X… était réputée avoir perdu à cette date, la nationalité française, en sorte qu’elle n’était plus admise à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation, peu important que son ascendant ait été déclaré français, par un jugement du 6 septembre 2013.
ETRANGERS – CERTIFICAT DE NATIONALITE
Cass., Civ., 1ère, 13 juin 2019, N°18-50055
Sauf lorsque soit les lois, règlements ou usages en vigueur dans l’Etat où l’acte est produit, soit une entente entre deux ou plusieurs Etats contractants l’écartent, la simplifient ou dispensent l’acte de légalisation, les actes publics qui ont été établis sur le territoire d’un Etat contractant et qui doivent être produits sur le territoire d’un autre Etat contractant, doivent être revêtus de l’apostille, délivrée par l’autorité compétente de l’Etat d’où émane le document.
Un certificat de nationalité française a été délivré à Mme F… I…, née le […] à Cape Town (Afrique du Sud), sur le fondement de l’article 18 du code civil, en sa qualité de fille de M. J… I…, de nationalité française. Estimant que ce certificat avait été délivré de manière erronée, l’acte de naissance produit ne pouvant être tenu pour probant en l’absence d’apostille, le ministère public a saisi le tribunal de grande instance d’une demande tendant à faire constater l’extranéité de Mme I…
Pour rejeter la demande et dire Mme I… française, l’arrêt relève, d’abord, que l’article 47 du code civil ne soumet pas la validité d’un acte de l’état civil étranger à sa légalisation. Il énonce, ensuite, que l’acte de naissance produit à l’appui de la demande de certificat de nationalité a fait l’objet d’une authentification dont le ministère public ne démontre pas, même si ses modalités et son auteur sont inconnus, qu’elle serait sans valeur. Il retient, enfin, que la filiation de l’intéressée avec un père français, est corroborée par des éléments concordants, extérieurs à l’acte de naissance.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que cet acte, établi par l’autorité sud-africaine, n’était pas revêtu de l’apostille, de sorte qu’il ne pouvait produire effet en France, la cour d’appel a violé les dispositions de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers.
ETRANGERS – RETENTION ADMINISTRATIVE
Cass., Civ., 1ère, 13 juin 2019, N°18-16802
Mme W…, de nationalité congolaise, a été contrôlée sur réquisitions du procureur de la République, conformément à l’article 78-2 du code de procédure pénale, et placée en retenue puis en rétention administrative.
Il résulte de l’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. Le seul fait pour celle-ci d’adresser au service compétent du ministère de l’intérieur une demande de présentation de l’intéressé aux fins d’identification, afin que ce service en saisisse les autorités consulaires, ne saurait caractériser une telle diligence.
Pour prolonger la mesure, l’ordonnance retient que l’administration justifie d’une demande de présentation en audition aux fins d’identification adressée, dès le lendemain du placement en rétention, au bureau de soutien opérationnel et du suivi du ministère de l’intérieur.
En statuant ainsi, alors que cette demande n’établissait pas la réalité d’un envoi effectif à l’autorité étrangère compétente en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement, caractérisant la diligence requise, le premier président a violé le texte susvisé.
Cour de Justice de l’Union Européenne
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — PROTECTION OF INDIVIDUALS WITH REGARD TO THE PROCESSING OF PERSONAL DATA — DIRECTIVE 95/46/EC — ARTICLE 2(D) — NOTION OF ‘CONTROLLER’ — OPERATOR OF A WEBSITE WHO HAS EMBEDDED ON THAT WEBSITE A SOCIAL PLUGIN THAT ALLOWS THE PERSONAL DATA OF A VISITOR TO THAT WEBSITE TO BE TRANSFERRED TO THE PROVIDER OF THAT PLUGIN — ARTICLE 7(F) — LAWFULNESS OF DATA PROCESSING — TAKING INTO ACCOUNT OF THE INTEREST OF THE OPERATOR OF THE WEBSITE OR OF THAT OF THE PROVIDER OF THE SOCIAL PLUGIN — ARTICLE 2(H) AND ARTICLE 7(A) — CONSENT OF THE DATA SUBJECT — ARTICLE 10 — INFORMING THE DATA SUBJECT — NATIONAL LEGISLATION ALLOWING CONSUMER-PROTECTION ASSOCIATIONS TO BRING OR DEFEND LEGAL PROCEEDINGS)
ECJ, 29 July 2019, C‑40/17, Fashion ID GmbH & Co. KG v Verbraucherzentrale NRW eV
Articles 22 to 24 of Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data must be interpreted as not precluding national legislation which allows consumer-protection associations to bring or defend legal proceedings against a person allegedly responsible for an infringement of the protection of personal data.
The operator of a website, such as Fashion ID GmbH & Co. KG, that embeds on that website a social plugin causing the browser of a visitor to that website to request content from the provider of that plugin and, to that end, to transmit to that provider personal data of the visitor can be considered to be a controller, within the meaning of Article 2(d) of Directive 95/46. That liability is, however, limited to the operation or set of operations involving the processing of personal data in respect of which it actually determines the purposes and means, that is to say, the collection and disclosure by transmission of the data at issue.
In a situation such as that at issue in the main proceedings, in which the operator of a website embeds on that website a social plugin causing the browser of a visitor to that website to request content from the provider of that plugin and, to that end, to transmit to that provider personal data of the visitor, it is necessary that that operator and that provider each pursue a legitimate interest, within the meaning of Article 7(f) of Directive 95/46, through those processing operations in order for those operations to be justified in respect of each of them.
Article 2(h) and Article 7(a) of Directive 95/46 must be interpreted as meaning that, in a situation such as that at issue in the main proceedings, in which the operator of a website embeds on that website a social plugin causing the browser of a visitor to that website to request content from the provider of that plugin and, to that end, to transmit to that provider personal data of the visitor, the consent referred to in those provisions must be obtained by that operator only with regard to the operation or set of operations involving the processing of personal data in respect of which that operator determines the purposes and means. In addition, Article 10 of that directive must be interpreted as meaning that, in such a situation, the duty to inform laid down in that provision is incumbent also on that operator, but the information that the latter must provide to the data subject need relate only to the operation or set of operations involving the processing of personal data in respect of which that operator actually determines the purposes and means.
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — TRANSPORT — COMMON RULES ON COMPENSATION AND ASSISTANCE TO PASSENGERS IN THE EVENT OF DENIED BOARDING AND OF CANCELLATION OR LONG DELAY OF FLIGHTS — REGULATION (EC) NO 261/2004 — ARTICLE 5(1)(C) — ARTICLE 7(1) — RIGHT TO COMPENSATION — CONNECTING FLIGHTS — FLIGHTS CONSISTING OF TWO FLIGHTS OPERATED BY DIFFERENT AIR CARRIERS — LONG DELAY IN RELATION TO THE SECOND FLIGHT WITH POINTS OF DEPARTURE AND ARRIVAL OUTSIDE THE EUROPEAN UNION AND OPERATED BY A CARRIER ESTABLISHED IN A NON-MEMBER STATE
ECJ, 11 July 2019, Case C‑502/18, CS and Others v České aerolinie a.s
Article 5(1)(c) and Article 7(1) of Regulation (EC) No 261/2004 of the European Parliament and of the Council of 11 February 2004 establishing common rules on compensation and assistance to passengers in the event of denied boarding and of cancellation or long delay of flights, and repealing Regulation (EEC) No 295/91, read together with Article 3(5) of Regulation No 261/2004, must be interpreted as meaning that, in the case of connecting flights, where there are two flights that are the subject of a single reservation, departing from an airport located within the territory of a Member State and travelling to an airport located in a non-Member State via the airport of another non-Member State, a passenger who suffers a delay in reaching his or her destination of 3 hours or more, the cause of that delay arising in the second flight, operated, under a code-share agreement, by a carrier established in a non-Member State, may bring his or her action for compensation under that regulation against the Community air carrier that performed the first flight.
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — FREEDOM OF MOVEMENT FOR PERSONS — EQUAL TREATMENT — SOCIAL ADVANTAGES — REGULATION (EU) NO 492/2011 — ARTICLE 7(2) — FINANCIAL AID FOR HIGHER EDUCATION STUDIES — NON-RESIDENT STUDENTS — CONDITION CONNECTED WITH THE PERIOD OF THEIR PARENTS’ WORKING TIME ON NATIONAL TERRITORY — MINIMUM PERIOD OF 5 YEARS — REFERENCE PERIOD OF 7 YEARS — METHOD OF CALCULATION OF THE REFERENCE PERIOD — DATE OF THE APPLICATION FOR FINANCIAL AID — INDIRECT DISCRIMINATION — JUSTIFICATION — PROPORTIONALITY
ECJ, 10 July 2019, Case C-410/18, Nicolas Aubriet v Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Article 45 TFEU and Article 7(2) of Regulation (EU) No 492/2011 of the European Parliament and of the Council of 5 April 2011 on freedom of movement for workers within the Union must be interpreted as precluding legislation of a Member State, such as that at issue in the main proceedings, which makes the grant of financial aid for higher education studies to non-resident students subject to the condition that, at the date of the application for financial aid, one of the parents of the student has been employed or carried on an activity in that Member State for a period of at least five years in the course of a reference period of seven years calculated retroactively from the date of that application for financial aid, in so far as it does not permit the existence of any connection with the labour market of that Member State to be understood in a sufficiently broad manner.
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — AIR TRANSPORT — REGULATION (EC) NO 261/2004 — COMMON RULES ON COMPENSATION AND ASSISTANCE TO PASSENGERS IN THE EVENT OF DENIED BOARDING AND OF CANCELLATION OR LONG DELAY OF FLIGHTS — FLIGHT CANCELLATION — ASSISTANCE — RIGHT TO REIMBURSEMENT OF THE COST OF THE AIR TICKET BY THE AIR CARRIER — ARTICLE 8(2) — PACKAGE TOUR — DIRECTIVE 90/314/EEC — INSOLVENCY OF THE TOUR ORGANIZER
ECJ, 10 July 2019, Case C-163/18, HQ and Others v Aegean Airlines SA
Article 8(2) of Regulation (EC) No 261/2004 of the European Parliament and of the Council of 11 February 2004 establishing common rules on compensation and assistance to passengers in the event of denied boarding and of cancellation or long delay of flights, and repealing Regulation (EEC) No 295/91, must be interpreted as meaning that a passenger who, under Council Directive 90/314/EEC of 13 June 1990 on package travel, package holidays and package tours, has the right to hold his tour organiser liable for reimbursement of the cost of his air ticket, can no longer claim reimbursement of the cost of that ticket from the air carrier, on the basis of that regulation, even where the tour organiser is financially incapable of reimbursing the cost of the ticket and has not taken any measures to guarantee such reimbursement.
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — CONSUMER PROTECTION — DIRECTIVE 2011/83/EU — ARTICLE 6(1)(C) — INFORMATION REQUIREMENTS FOR DISTANCE AND OFF‑PREMISES CONTRACTS — OBLIGATION, FOR A TRADER, TO INDICATE ITS TELEPHONE NUMBER AND ITS FAX NUMBER ‘WHERE THEY ARE AVAILABLE’ — SCOPE
ECJ, 10 July 2019, Case C-649/17, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband e.V. v Amazon EU Sàrl
Article 6(1)(c) of Directive 2011/83/EU of the European Parliament and of the Council of 25 October 2011 on consumer rights, amending Council Directive 93/13/EEC and Directive 1999/44/EC of the European Parliament and of the Council and repealing Council Directive 85/577/EEC and Directive 97/7/EC of the European Parliament and of the Council must be interpreted as, firstly, precluding national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which imposes on traders, before concluding a distance or off-premises contract referred to in Article 2(7) and (8) of that directive, to provide, in all circumstances, their telephone number. Secondly, that provision does not imply an obligation for traders to establish a telephone or fax line, or to create a new email address to allow consumers to contact them and requires that number, the fax number or their email address to be communicated only where those traders already have those means of communication with consumers;
Article 6(1)(c) of Directive 2011/83 must be interpreted as meaning that, although that provision requires traders to make available to consumers a means of communication capable of satisfying the criteria of direct and effective communication, it does not preclude those traders from providing other means of communication than those listed in that provision in order to satisfy those criteria.
REFERENCE FOR A PRELIMINARY RULING — DIRECTIVE 2005/29/EC — UNFAIR COMMERCIAL PRACTICES — SCOPE — CONCEPT OF ‘COMMERCIAL PRACTICES’ — DIRECTIVE 2006/123/EC — SERVICES IN THE INTERNAL MARKET — CRIMINAL LAW — AUTHORISATION SCHEMES — HIGHER EDUCATION — ‘MASTER’S’ DEGREE — PROHIBITION TO CONFER CERTAIN DEGREES WITHOUT AUTHORIZATION
ECJ, 4 July 2019, Case C‑393/17, Freddy Lucien Magdalena Kirschstein, Thierry Frans Adeline Kirschstein, intervening party: Vlaamse Gemeenschap
Directive 2005/29/EC of the European Parliament and of the Council of 11 May 2005 concerning unfair business-to-consumer commercial practices in the internal market and amending Council Directive 84/450/EEC, Directives 97/7/EC, 98/27/EC and 2002/65/EC of the European Parliament and of the Council and Regulation (EC) No 2006/2004 of the European Parliament and of the Council (‘Unfair Commercial Practices Directive’) must be interpreted as not applying to national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which provides for criminal penalties to be imposed on persons who, without prior authorisation from the competent authority, confer a ‘master’s’ degree.
Article 1(5) of Directive 2006/123/EC of the European Parliament and of the Council of 12 December 2006 on services in the internal market, read in conjunction with Articles 9 and 10 thereof, must be interpreted as not precluding national legislation, such as that at issue in the main proceedings, which provides for criminal penalties to be imposed on persons who, without prior authorisation from the competent authority, confer a ‘master’s’ degree, provided that the conditions to which the granting of an authorisation to confer that degree is subject are compatible with Article 10(2) of that directive, which it is for the national court to verify.