07 Avr Pacte de préférence et de préemption : doit-on justifier de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ?
Vente – Pacte de préférence.
Par acte authentique du 11 août 2006, la société Cevede et la société civile immobilière Jacmar, détenues par les consorts M… , ont cédé aux sociétés Finamur et CMCIC lease les parcelles d’assiette d’un hypermarché exploité sous l’enseigne Super U, moyennant régularisation au profit de la société Jacmar d’un contrat de crédit-bail immobilier pour une durée de quinze années.
La société Cevede ayant, le 11 juin 2007, notifié sa décision de prendre l’enseigne Carrefour, la société coopérative Système U centrale régionale Est (la société Système U) a assigné les sociétés Finamur, CMCIC lease, Cevede et Jacmar en nullité de la vente et en substitution dans les droits des acquéreurs, pour violation de son droit de préemption sur l’immobilier des points de vente inscrit dans les articles 9 de ses statuts et 19 de son règlement intérieur, auxquels avaient adhéré la société Cevede, ainsi que M. et Mme M… .
“Il n’était pas prouvé que les sociétés CMCIC lease et Finamur étaient informées de la volonté de la société Système U d’exercer son droit de préemption sur les terrains vendus.”
Premièrement, ayant énoncé à bon droit qu’il incombe au bénéficiaire d’un droit de préférence et de préemption qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits du tiers acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, la cour d’appel a exactement retenu qu’il ne pouvait être reproché aux crédits-bailleurs, professionnels du financement immobilier, de s’être abstenus de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.
Deuxièmement, ayant relevé que le projet des consorts M… et de leurs sociétés de transférer l’hypermarché en recourant à un crédit-bail immobilier sur les parcelles concernées était connu de la société Système U, qui avait reconnu y avoir, dans un premier temps, prêté son concours, et que seul le groupe Carrefour avait été mis en garde, par la bénéficiaire du pacte, des conséquences d’une violation de son droit de préemption concernant les offres préalables de vente des droits sociaux et des fonds de commerce, la cour d’appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu’il n’était pas prouvé que les sociétés CMCIC lease et Finamur étaient informées de la volonté de la société Système U d’exercer son droit de préemption sur les terrains vendus.
Il incombe, en somme au bénéficiaire d’un droit de préférence et de préemption qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits du tiers acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, sans qu’il puisse être reproché à l’acquéreur professionnel de ne pas s’être informé des intentions du bénéficiaire.
Vente – Pacte de préférence. Cass., Civ., 3ème, 4 mars 2021, n°19-22971
https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20210304-1922971