04 Mai Rupture du contrat de travail.
Cass., Soc., 6 avril 2022, n° 19-25244.
https://www.courdecassation.fr/decision/624d2e1f12d01a2df91a32dc?judilibre_publication[]=b&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=8&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=0
M. [Y] a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d’acheteur expert bâtiment par l’établissement public industriel et commercial SNCF mobilités devenu la Société nationale SNCF. Les 4 et 5 février 2013, le salarié et sa supérieure hiérarchique ont saisi la direction éthique de la SNCF. Se fondant sur ce rapport, l’employeur a notifié au salarié une mesure de suspension et l’a convoqué devant le conseil de discipline. Il a été licencié le 25 septembre 2013.
Il résulte des articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation. Par l’effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l’arrêt précédemment déféré et qu’elles peuvent devant la cour de renvoi, invoquer de nouveaux moyens ou former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été annulée.
La cour d’appel de renvoi, tenue de répondre aux prétentions et moyens formulés devant elle, a décidé à bon droit que le salarié, qui avait retrouvé du fait de la cassation prononcée le droit de soumettre de nouveaux moyens, était fondé à contester son licenciement en invoquant sa nullité en raison de la violation d’une liberté fondamentale caractérisée par l’atteinte portée aux droits de la défense, sur lequel la Cour de cassation ne s’était pas prononcée.
Le conseil de discipline, ayant un rôle purement consultatif, ne constitue pas un tribunal au sens de l’article 6.1 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables.
Il en résulte que si l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l’employeur, elle n’est pas de nature à entacher le licenciement de nullité.
Pour dire le licenciement nul, l’arrêt retient que s’il résulte du procès-verbal du conseil de discipline que celui-ci a entendu les explications du salarié et a pris connaissance de ses pièces, il apparaît cependant que sa décision repose largement sur le contenu du rapport de l’éthique puisqu’il n’est fait mention d’aucune autre audition. Il ajoute que ce rapport d’enquête de la direction de l’éthique du mois de septembre 2013 qui a été un élément déterminant dans la prise de décision du conseil de discipline, s’analyse en une compilation de témoignages anonymes et que dans ces conditions, même si le salarié a eu connaissance du contenu de ce rapport, à l’évidence, il n’a pas pu apporter des explications circonstanciées sur tous les griefs qui lui étaient reprochés avant que ne soit prise la mesure de licenciement.
Il poursuit en ajoutant que de la même manière que la haute juridiction a considéré que la cour d’appel de Rennes ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur des témoignages anonymes, pour justifier le licenciement, il convient de considérer que le conseil de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur le rapport de l’éthique principalement composé de témoignages anonymes et en conclut que la procédure disciplinaire mise en œuvre par la société SNCF mobilités ayant violé les droits de la défense, le licenciement doit donc être déclaré nul.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 6.1 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 1121-1 du code du travail
Selon le référentiel RH00144 interne à la SNCF, lorsqu’une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l’avis du comité de discipline, il y a alors un seul niveau, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère. Lorsqu’aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en deux parties. Pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s’ajoutent à l’avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu’à avoir trois voix. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l’avis le plus élevé ainsi déterminé.
En conséquence, en cas de partage de voix en deux parties égales de trois voix chacune, la sanction la plus sévère n’ayant pas recueilli la majorité absolue des voix exprimées, il y a lieu d’ajouter les voix qui se sont portées sur cette sanction à l’avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l’avis le plus élevé ainsi déterminé.
Il ressort des constatations des juges du fond que le conseil de discipline s’était prononcé à égalité pour et contre le licenciement, soit trois voix pour et trois voix contre, et dans les mêmes conditions pour un dernier avertissement avec une mise à pied de douze jours et un déplacement, ce dont il résulte que le directeur ne pouvait prononcer un licenciement.
Il y a lieu en conséquence de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.