07 Avr Travail dissimulé : condamné pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale
Travail dissimulé : condamné pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale
Courant 2011, le procureur de la République de Saint-Malo a diligenté une enquête préliminaire sur des faits d’exercice illégal en France d’une activité d’entreprise de travail temporaire à l’encontre de la société Mistral intérim, de nationalité slovaque. L’enquête, initialement ouverte pour travail dissimulé, a été élargie aux infractions d’abus de biens sociaux et de faux et usage.
Au terme de ces investigations, le 5 juillet 2013, le procureur de la République a fait citer devant le tribunal correctionnel la gérante de l’entreprise Mistral, Mme Y…, épouse X… et son mari M. X… pour des faits de travail dissimulé, prêt illicite de main d’œuvre, faux et usage et abus de biens sociaux, outre un délit de marchandage reproché uniquement à M. X….
Par jugement en date du 12 novembre 2013, le tribunal a annulé la citation délivrée à Mme X… et relaxé M. X….
Le ministère public et M. B… Z…, en qualité de mandataire judiciaire de la société Mistral, partie civile, ont relevé appel de cette décision.
A nouveau saisi contre Mme X…, le tribunal correctionnel, par jugement en date du 7 janvier 2016, l’a relaxée du chef de prêt illicite de main d’oeuvre et déclarée coupable d’abus de biens sociaux, de faux et usage et de travail dissimulé.
Le ministère public, la prévenue et la société partie civile ont relevé appel de cette décision.
La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’en vertu des principes de coopération loyale et de confiance mutuelle, les certificats E101, devenus A1, délivrés par l’institution compétente d’un Etat membre créent une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de cet État et s’imposent à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans les cas prévus par le droit communautaire autorisant leur délivrance (CJUE, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff GmbH, C-620/15).
Elle ajoute que, lorsque l’institution de l’État membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a saisi l’institution émettrice de ces certificats d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci à la lumière d’éléments recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire ayant permis de constater qu’ils ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et que l’institution émettrice s’est abstenue de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, le juge national peut, dans le cadre d’une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d’avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de tels certificats, écarter ces derniers si, sur la base desdits éléments et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes, il constate l’existence d’une telle fraude (CJUE, arrêt du 6 février 2018, Ömer Altun, C-359/16).
Il en résulte, ainsi qu’elle l’a ultérieurement précisé, que le juge national doit d’abord rechercher si la procédure prévue à l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement n°1408/71 a été, en amont de sa saisine, enclenchée par l’institution compétente de l’État membre d’accueil par le biais d’une demande de réexamen et de retrait de ces certificats présentée à l’institution émettrice de ceux-ci, et, si tel n’a pas été le cas, doit mettre en œuvre tous les moyens de droit à sa disposition afin d’assurer que l’institution compétente de l’État membre d’accueil enclenche cette procédure, et que ce n’est qu’après avoir constaté que l’institution émettrice s’est abstenue de procéder au réexamen de ces certificats et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur les éléments qui lui étaient présentés, qu’il peut se prononcer de manière définitive sur l’existence d’une telle fraude et écarter ces certificats (CJUE, arrêt du 2 avril 2020, Vueling Airlines SA, C-370/17 et C-37/18).
La Cour de cassation en a tiré les conséquences et a retenu que le juge, saisi de poursuites pénales du chef de travail dissimulé, pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, ne peut écarter lesdits certificats que si, sur la base de l’examen des éléments concrets recueillis au cours de l’enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués frauduleusement et que l’institution émettrice saisie s’était abstenue de les prendre en compte, dans un délai raisonnable, il caractérise une fraude constituée, dans son élément objectif par l’absence de respect des conditions prévues à la disposition précitée et, dans son élément subjectif, par l’intention de la personne poursuivie de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l’avantage qui y est attaché (Crim., 18 septembre 2018, pourvoi n° 13-88.631, Bull. crim. 2018, n° 160).
Dans une procédure où les poursuites pour travail dissimulé n’avaient pas seulement été engagées pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, mais également pour défaut de déclaration préalable à l’embauche, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle relative à l’incidence de ces certificats sur l’obligation de déclaration préalable à l’embauche et, partant, sur la portée desdits certificats sur l’application aux travailleurs concernés de la législation de l’État membre d’accueil en matière de droit du travail (Crim., 8 janvier 2019, pourvoi n° 17-82.553).
Répondant à cette question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 14 mai 2020, Bouygues travaux publics, C-17/19) a énoncé que les formulaires de détachement, dits certificats E 101 et A1, s’imposent aux juridictions de l’Etat sur le territoire duquel les travailleurs exercent leurs activités uniquement en matière de sécurité sociale.
Elle a précisé que « les certificats E 101 et A 1, délivrés par l’institution compétente d’un État membre, ne lient l’institution compétente et les juridictions de l’État membre d’accueil qu’en ce qu’ils attestent que le travailleur concerné est soumis, en matière de sécurité sociale, à la législation du premier État membre pour l’octroi des prestations directement liées à l’une des branches et à l’un des régimes énumérés à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n°883/2004 » (§ 47) et conclu que « ces certificats ne produisent donc pas d’effet contraignant à l’égard des obligations imposées par le droit national dans des matières autres que la sécurité sociale, au sens de ces règlements, telles que, notamment, celles relatives à la relation de travail entre employeurs et travailleurs, en particulier, les conditions d’emploi et de travail de ces derniers (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1991, De Paep, C-196/90, EU:C:1991:381, point 13) » (§ 48).
S’agissant de l’analyse du droit national et en particulier de la portée de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE), elle a précisé qu’il incombe à la juridiction de renvoi, et donc en l’espèce à la chambre criminelle, de déterminer la portée de cette obligation déclarative.
Il appartient donc à la chambre criminelle de déterminer si la DPAE « a pour unique objet d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale et, partant, à assurer le seul respect de la législation en la matière, auquel cas les certificats E 101 et A 1, délivrés par l’institution émettrice, feraient, en principe, obstacle à une telle obligation, ou, alternativement, si cette obligation vise également, fût-ce en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail, auquel cas ces certificats n’auraient aucune incidence sur ladite obligation, étant entendu que celle-ci ne peut, en tout état de cause, entraîner l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale » (§ 53 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne précité).
Il convient de rappeler que la formalité de la DPAE a été créée par la loi n°91-1383 du 31 décembre 1991, à l’article L. 320 du code du travail, recodifié depuis lors, qui prévoyait que « l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après la déclaration nominative effectuée par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet », formulation reprise dans toutes les versions successives de ce texte, puis à l’article L. 1221-10 du code du travail.
Les travaux parlementaires afférents à la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, qui a généralisé l’extension de l’obligation de procéder à la DPAE à l’ensemble du territoire national, la justifient par la considération que la lutte contre le travail clandestin est une nécessité sociale et économique (Rapport de M. Louis Souvet, n° 16, p. 56). Une circulaire d’application du 16 septembre 1993 relative à la mise en oeuvre de la déclaration préalable à l’embauche (JO 23 octobre 1993, page 14733) expose encore que « la déclaration préalable à l’embauche s’insère dans le dispositif de lutte contre les différentes formes de travail et d’emploi irréguliers » et que celle-ci, qui remplace l’attestation d’embauche alors en vigueur, « tend à rendre cette information plus fiable puisqu’un tiers, en l’occurrence un organisme de protection sociale, en est le destinataire et le détenteur ».
Or, la lutte contre le travail clandestin recouvre plusieurs finalités qui ne la limitent pas au financement des différentes branches de la sécurité sociale, puisqu’elle permet en outre de faciliter la lutte contre la fraude fiscale, une société qui procède à une DPAE étant tenue de s’identifier, ainsi que d’assurer une concurrence non faussée entre les entreprises.
C’est ainsi qu’en vertu de l’article L. 1221-10 du code du travail susvisé, l’existence d’une DPAE fait présumer l’existence d’un contrat de travail qui ouvre au salarié le bénéfice de l’ensemble des droits et obligations prévus par le code du travail. Cette déclaration tend ainsi à favoriser les contrôles opérés par l’inspection du travail sur le respect desdits droits et obligations, l’employeur devant, s’il conteste l’existence d’un tel contrat de travail, en établir le caractère fictif.
D’ailleurs, en vertu de l’article R. 1221-2 du code du travail, dans sa version applicable sur une partie de la période de prévention, la DPAE permet à l’employeur, non seulement, d’accomplir les déclarations et demandes tendant aux immatriculations et affiliations à divers régimes de sécurité sociale (assurance maladie et assurance chômage), mais également la demande de l’examen médical d’embauche, prévu à l’article R. 4624-10 dudit code, ou, s’il s’agit d’un salarié agricole, à l’article R. 717-14 du code rural et de la pêche maritime.
Il résulte de l’article R. 4624-11 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits, que l’examen médical d’embauche a notamment pour finalité de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter, de lui proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes, et de rechercher s’il n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs.
Obligatoire avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai, cet examen médical doit être réalisé par le médecin du travail. Il assure ainsi l’efficacité du contrôle par la médecine du travail des règles destinées à préserver la santé des travailleurs.
Il résulte de ces considérations que la DPAE vise, au moins en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail.
Dès lors, il y a lieu d’en conclure que l’existence de certificats E101 et A1 ne fait pas obstacle à une condamnation du chef de travail dissimulé pour omission de procéder à l’obligation de procéder à la DPAE.
De même, les délits de travail dissimulé tant par dissimulation de salariés que par dissimulation d’activité peuvent être établis, nonobstant la production de certificats E101 ou A1, lorsque les obligations déclaratives qui ont été omises ne sont pas seulement celles afférentes aux organismes de protection sociale (article L. 8221-3, 2°, du code du travail) ou aux salaires ou aux cotisations sociales (article L. 8221-5, 3°, du code du travail). Il en est ainsi par exemple, lorsqu’a été omise l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, dans le cas de la dissimulation d’activité, ou lorsqu’il n’a pas été procédé à la remise de bulletins de paie, dans le cas de la dissimulation de salariés.
Pour retenir la culpabilité de Mme X… et de son mari, des chefs de travail dissimulé par dissimulation d’activité et dissimulation d’emploi salarié, respectivement en tant qu’auteur et complice, et s’agissant de Mme X…, du chef de prêt illicite de main d’oeuvre, l’arrêt attaqué, qui relève notamment que la société Mistral n’a effectué aucune déclaration à l’URSSAF du Bas-Rhin et n’a versé aucune cotisation pour de soi-disant artisans, en possession du formulaire A 1 garantissant leur protection sociale en Slovaquie, avec lesquels les entreprises utilisatrices n’ont jamais contracté directement mais uniquement par l’intermédiaire de ladite société par le biais de contrats de mise à disposition identiques à ceux établis pour les salariés, écarte l’argument tiré de ce que ces employés, présentés comme des artisans, se sont vu décerner de tels certificats.
En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.
En effet, en l’espèce, si les prévenus ont été reconnus coupables au titre de l’omission d’obligations déclaratives ayant pour unique objet d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale, ils l’ont été également au titre d’un défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés et d’un défaut de DPAE.
La production de certificats E101 ou A1 pour certains ou tous les salariés concernés n’était pas de nature à interdire à la juridiction de déclarer établis ces derniers faits, qui à eux seuls suffisent à fonder les condamnations prononcées du chef de travail dissimulé, délit défini de façon unitaire par l’article L. 8221-1, 1°, du code du travail.
Pour retenir la culpabilité de Mme X… et de M. X… du chef de travail dissimulé par dissimulation d’activité, en qualités respectives d’auteur et de complice, l’arrêt attaqué, se fondant sur les articles L. 1262-2, L. 1261-3 et L. 1262-3 du code du travail, énonce notamment que, dans les situations auxquelles se réfèrent ces dispositions, l’employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national.
Les juges ajoutent qu’une société étrangère disposant au domicile français de son dirigeant, pour les besoins de son activité commerciale, d’une représentation permanente, laquelle vaut ouverture d’un premier établissement sur le territoire national, doit s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS) et qu’il n’en va différemment que lorsque la seule activité lucrative de la société est exercée non pas en France mais à l’étranger, le fait d’oeuvrer de manière temporaire en France pour le compte d’une société étrangère dans le seul but de poursuivre l’objet social ne requérant pas une telle immatriculation.
Ils précisent que la société Mistral, ayant son siège social situé en Slovaquie, apparaît immatriculée au registre du commerce du district de Zilina ainsi qu’auprès d’organismes de sécurité sociale, de la police pour obtenir des plaques d’immatriculation et du ministère du travail en qualité d’agence d’intérim.
IIs soulignent qu’il est constant que la société n’est pas inscrite au RCS ni auprès des organismes de protection sociale ou auprès de l’administration fiscale en France, la société Mistral étant seulement enregistrée auprès de l’URSSAF du Bas-Rhin, dont relèvent les déclarations des sociétés étrangères, et est inconnue de l’administration fiscale française. 40. Ils relèvent que si les prévenus considèrent que la société Mistral, étant imposée en Slovaquie, ne peut l’être en France et ne relève pas des organismes fiscaux français, les éléments du dossier ont permis d’établir que la société avait une activité habituelle, stable et continue en France, tant par l’importance en proportion du chiffre d’affaires qui y est réalisé, que par la réalité des moyens logistiques qui y sont basés et des activités de prospection de clientèle ou de recherche de salariés menées par M. X… depuis le territoire français qui constituent à elles seules un motif suffisant pour rendre nécessaire l’ouverture d’un établissement en France et le déclarer.
Ils énoncent que la lecture de l’enquête de l’administration fiscale slovaque que les prévenus ont entendu mettre dans le débat fait apparaître que la société Mistral n’a pas d’établissement stable en Slovaquie, de sorte qu’au vu de l’existence d’une activité stable et continue en France exercée depuis un centre effectif de direction et de contrôle dans ce pays, la société Mistral, en la personne de sa gérante, était tenue de s’immatriculer au RCS français, ce dont elle s’est abstenue.
Ils ajoutent que la prévenue ne peut, au vu de l’existence d’une activité stable et continue en France exercée depuis un centre effectif de direction et de contrôle en France, se prévaloir de l’application de la convention de non-double imposition franco-tchécolosvaque signée le 1er juin 1973.
Ils retiennent également qu’il résulte des éléments du dossier et des débats que le cycle complet de production était réalisé en France et non en Slovaquie et que le montage réalisé, la formation professionnelle de comptable de la prévenue et les documents retrouvés en perquisition établissant son intérêt porté à la législation française démontrent la volonté de Mme X… de se soustraire à ses obligations légales, de sorte que le délit reproché étant parfaitement caractérisé dans tous ses éléments constitutifs, elle doit être déclarée coupable des faits de travail dissimulé par dissimulation d’activité par défaut de déclaration auprès des organismes fiscaux et de protection sociale.
S’agissant de M. X…, l’arrêt retient notamment que l’intéressé, qui a été à l’initiative de la création de la société et en était l’actionnaire majoritaire, a par le biais de son activité de responsable commercial aidé et assisté la gérante de droit à commettre les faits reprochés, les documents retrouvés en perquisition démontrant la volonté du prévenu d’aider ou d’assister son épouse gérante de droit en toute connaissance de cause à se soustraire à ses obligations légales.
Les juges concluent que M. X… est coupable en qualité de complice de son épouse.
En se déterminant par ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.
En effet, si la Cour de justice de l’Union européenne juge (CJUE, arrêt du 30 septembre 2003, Inspire art, C-167/01, § 95) qu’il est « sans importance, au regard de l’application des règles relatives à la liberté d’établissement, qu’une société n’ait été constituée dans un État membre qu’en vue de s’établir dans un second État membre, où serait exercé l’essentiel, voire l’ensemble, de ses activités économiques » de sorte que « les raisons pour lesquelles une société choisit de se constituer dans un État membre sont, hors les cas de fraude, sans conséquence au regard de l’application des règles relatives à la liberté d’établissement », elle retient également (12 juillet 2012, Vale, C-378/10, §§ 59-61) qu’en l’absence de règles de droit de l’Union, la procédure d’enregistrement d’une société dans l’État membre d’accueil est régie par le droit de ce dernier, les autorités de cet État étant obligées, en vertu du principe d’effectivité, de tenir dûment compte, lors de l’examen d’une demande d’enregistrement de cette entreprise, des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine attestant que cette société s’est effectivement conformée aux conditions de celui-ci, pour autant qu’elles soient compatibles avec le droit de l’Union.
Il en résulte que, sans contrevenir aux dispositions des articles 49 à 54 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne garantissant le principe de liberté d’établissement, justifient leur décision les juges qui, en application des articles L. 8221-1 et L.8221-3 du code du travail, sanctionnent pénalement le défaut d’enregistrement au registre français du commerce et des sociétés d’une société étrangère tenue à cette formalité en vertu des dispositions des articles L. 123-1, l, 3°, L. 123-11 et R.123-35 du code de commerce, bien qu’elle soit déjà enregistrée dans un autre Etat membre de l’Union européenne, dès lors qu’elle ouvre un premier établissement dans un département français, c’est-à-dire lorsqu’elle y établit une agence, une succursale ou une représentation.
Pour déclarer Mme X… et M. X… respectivement coupables d’abus de biens sociaux et de recel de ce délit, l’arrêt énonce, notamment, que les époux X… invoquent le fait que l’infraction d’abus de biens sociaux ne peut être reprochée à une société de droit slovaque que si l’entreprise, qui exerce une activité en France, a une domiciliation fictive dans son pays d’origine alors que tel n’est pas le cas en l’espèce, la société étant régulièrement enregistrée auprès des autorités administratives slovaques.
Les juges relèvent que si les dispositions du code de commerce français ne sont pas applicables aux sociétés dont le siège social n’est pas situé en France, il est de jurisprudence constante que la législation française s’applique si le siège social réel de la société est situé en France ou si la société réalise l’essentiel de son activité en France et dispose d’un local d’exploitation sur le territoire national.
Ils ajoutent qu’en l’espèce, le siège social de la société Mistral interim en Slovaquie, s’agissant d’un appartement de la prévenue qu’aucun salarié ne connaissait, est fictif et que l’intégralité de l’activité de la société est réalisée en France à partir du domicile du couple à Dinard où notamment l’ensemble de la comptabilité active et passive a été retrouvée en perquisition, de sorte que, dans ces conditions, les dispositions du code de commerce s’appliquent à l’encontre de la société Mistral.
En l’état de ces énonciations, nonobstant le motif erroné mais surabondant pris du caractère fictif du siège slovaque de l’entreprise faute d’avoir relevé expressément son caractère frauduleux ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne en juge (arrêt Inspire art précité, §§ 95 et 96) et dès lors que la société Mistral, disposant d’un local d’exploitation sur le territoire national et réalisant l’essentiel de son activité et de son chiffre d’affaires sur le territoire national, était soumise à la loi française, la cour d’appel a justifié sa décision.
L’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
Pour confirmer le jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de l’URSSAF de Bretagne et ayant condamné les prévenus à lui verser des dommages-intérêts, l’arrêt retient que celle-ci a subi un préjudice découlant directement des agissements délictueux des prévenus.
En prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, les organismes de protection sociale nationaux ne sauraient prétendre avoir subi un préjudice lorsque, comme en l’espèce, la validité du certificat ne peut être contestée, faute de retrait dudit certificat par l’organisme qui l’a émis, ou faute d’établissement de la preuve d’une fraude conformément à la doctrine de la Cour de justice de l’Union européenne, telle qu’elle a été notamment fixée par l’arrêt du 6 février 2018, Ömer Altun, C-359/16, et rappelée par la chambre criminelle par plusieurs arrêts du 18 septembre 2018 (pourvoi n° 13-88.631, Bull. crim. 2018, n°160, notamment), et qu’en conséquence les salariés concernés ne peuvent qu’être regardés comme régulièrement affiliés au régime de sécurité sociale de l’Etat ayant émis le certificat. Cette solution est également imposée par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 avril 2020, Vueling Airlines SA, C-370/17 et C-37/18, §§ 97 et 98.
La cassation est par suite encourue sur les seuls intérêts civils.
N’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.
travail dissimulé – Travail temporaire. Cass., Crim., 2 mars 2021, n°19-80991.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/158_2_46556.html